dimanche 27 juin 2010

Cinquante ans après, les rapports Belgique-RDC restent complexes

Par Reuters
Cinquante ans après l'accession de l'actuelle République démocratique du Congo à l'indépendance, la Belgique hésite encore vis-à-vis de son ancienne colonie entre accolade et cours de morale.
Tandis que la RDC célèbre l'événement mercredi, la Belgique débat depuis des semaines de l'opportunité de se joindre aux festivités et de la distance à adopter par rapport au gouvernement du président Joseph Kabila, notamment après la mort mystérieuse le 2 juin de Floribert Chebeya, l'un des principaux défenseurs des droits de l'homme en RDC.
Finalement, après une longue introspection, les autorités belges ont décidé d'envoyer aux cérémonies le roi Albert II, son épouse, et le Premier ministre démissionnaire Yves Leterme.
Bruxelles a, en revanche, exclu la présence de soldats belges lors du défilé militaire à Kinshasa et précisé que le monarque s'abstiendrait de toute intervention publique.
Il s'agira de la première visite d'un souverain belge dans l'ex-Zaïre depuis 25 ans. Le programme du séjour a été réduit au minimum, au grand dam des organisations non-gouvernementales (ONG) qui espéraient du roi quelques mots forts sur les difficultés de la RDC à sortir de l'ornière politique et économique.
Cette valse-hésitation illustre de façon éclatante la complexité de la relation qu'entretiennent la Belgique et son ancienne colonie.
"La Belgique n'a eu que cette colonie-là", note Filip Reyntjens, professeur de droit et de politique africaine à l'université d'Anvers, pour expliquer la singularité de ce lien.
"En découle un regard exclusif, le Congo regardant constamment la Belgique et la Belgique le Congo", ajoute-t-il.
Même effectué sur le mode mineur, le déplacement d'Albert II n'en symbolise pas moins le réchauffement des relations entre les deux pays. Il y a encore deux ans, Kinshasa avait rappelé son ambassadeur à Bruxelles après des déclarations d'un ancien ministre des Affaires étrangères belge sur la corruption et les atteintes aux droits de l'homme en RDC.
TINTIN DEVANT LA JUSTICE
Le 50e anniversaire a été pour les médias belges l'occasion de donner la parole à une cohorte d'historiens, de personnalités politiques et de chefs d'entreprise revisitant le passé colonial et donnant leur avis sur l'état actuel du Congo et des relations belgo-congolaises.
Il y a quelques jours, le fils de Patrice Lumumba, nationaliste congolais et premier chef du gouvernement de l'ex-Congo belge, a annoncé qu'il demandait l'ouverture de poursuites judiciaires contre 13 responsables belges soupçonnés d'avoir contribué à l'assassinat de son père en 1961.co
A Bruxelles, la justice est amenée à se prononcer sur une plainte déposée par un étudiant d'origine congolaise, qui demande l'interdiction pour racisme de l'album de Hergé "Tintin au Congo".
La version en langue anglaise de cette bande dessinée, datant des années 1930, comporte d'ores et déjà en exergue un avertissement indiquant que l'histoire du jeune reporter et de son chien Milou doit être replacée dans le contexte de l'époque.
Le rôle du roi Léopold II, qui fit du Congo son domaine réservé entre 1885 et 1908, le dirigeant par la terreur et les massacres, fait l'objet également d'un débat contradictoire.
Avant de devenir une colonie au début du XXe siècle, l'Etat libre du Congo, propriété personnelle du roi, constitua pour le souverain belge une source de revenus considérable, grâce aux richesses en ivoire et en caoutchouc.
Les villages qui ne fournissaient pas leur quota de caoutchouc devaient rembourser leur "dette" en présentant aux administrateurs royaux des mains coupées.
Selon l'Américain Adam Hochschild, auteur du "Fantôme du roi Léopold", la moitié de la population locale a péri durant les 23 ans d'existence de l'Etat libre du Congo.
Pour Louis Michel, ancien commissaire européen au Développement et ancien chef de la diplomatie belge, il importe de ne pas rejuger les événements à plus d'un siècle de distance.
"Je pense que pour son époque Léopold II fut un véritable visionnaire. Il a compris que nous étions un petit pays européen et qu'une colonie nous donnerait une valeur incroyable à tous les niveaux", a-t-il déclaré à P-Magazine.

Pascal Liétout pour le service français
par lexpress.fr

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