(Le Parisien 28/06/2010)
Les Guinéens ont participé massivement et paisiblement, dimanche, à la première élection libre depuis l'indépendance en 1958, impatients de voir les militaires quitter le pouvoir, neuf mois après le massacre d'opposants par l'armée à Conakry.
Après un demi-siècle de dictatures, 4,2 millions de Guinéens étaient appelés à choisir leur président parmi 24 candidats, uniquement des civils.
Les résultats ne seront pas connus avant une semaine.
La commission électorale nationale indépendante (Céni), qui n'avait jamais organisé un tel scrutin, a conclu dans la soirée qu'aucun incident ne lui avait été signalé, ni à Conakry ni dans les régions.
Et les chefs des missions d'observation électorale de la Cédéao, de l'Union européenne, de l'Union africaine et du Centre Carter ont salué "l'engagement des électeurs guinéens qui se sont rendus nombreux aux urnes pour déterminer dans la paix et la sérénité le futur" du pays.
"En 50 ans, c'est la première fois que la Guinée va à des élections libres et transparentes", avait auparavant résumé l'ex-général putschiste Sékouba Konaté, président de la "transition" depuis six mois.
L'officier s'est dit fier d'avoir tenu "parole", lui qui s'était engagé le 15 janvier à mener le pays vers une élection, sans qu'aucun militaire ni dirigeant sortant ne soit candidat.
Dans les quartiers populaires de Conakry, une foule enthousiaste mais disciplinée a envahi très tôt les bureaux de vote. "C'est le deuxième plus beau jour de ma vie après celui de mon mariage!", assurait Abdoul Barry, 55 ans, imaginant déjà qu'un président civil apporterait "la liberté, la démocratie, le développement et un mieux être, quoi!".
Puis, à la mi-journée, le président de la Céni, Ben Sékou Sylla, a salué "l'engouement" des électeurs et assuré que le scrutin "se passait bien", en dépit de "quelques manques de matériels et autres".
Dans la ville de Siguiri (nord-est), un enseignant, Amara Camara, a conclu avec enthousiasme: "Il y avait beaucoup de monde pour le vote, les gens sympathisaient entre adversaires politiques et les bureaux ont fermé dans l'allégresse".
Dans ce scrutin très ouvert, trois candidats sont donnés favoris : un opposant à tous les régimes depuis l'indépendance, Alpha Condé, ainsi que les anciens Premiers ministres Sidya Touré (1996-1999) et Cellou Dalein Diallo (2004-2006). Ce dernier a déclaré qu'il faudrait "respecter le choix des urnes, quel qu'il soit" et a jugé que l'élection se déroulait "dans la transparence souhaitée".
Les résultats provisoires ne devraient pas être connus avant mercredi et la proclamation des résultats définitifs est prévue dans les huit jours.
Un second tour sera organisé le 18 juillet si aucun candidat n'a obtenu la majorité absolue.
Pendant la campagne, les Guinéens ont exprimé un immense appétit de justice sociale. Leur pays, premier exportateur mondial de bauxite, dispose de richesses minières considérables mais la moitié de sa population de 10 millions d'habitants vit encore en dessous du seuil de pauvreté.
Le pays reste aussi traumatisé par le massacre du 28 septembre 2009, quand des militaires ont tué au moins 156 personnes et violé des dizaines de femmes, au cours d'un rassemblement politique de l'opposition.
Depuis 1958, la Guinée indépendante avait d'abord connu les 26 ans de règne du "président à vie" Ahmed Sékou Touré (1958-1984), durant lesquels au moins 50.000 personnes avaient été tuées ou avaient disparu selon Amnesty international. Puis Lansana Conté s'était imposé pour 24 années de régime militaire autoritaire (1984-2008).
Enfin, à la mort de Conté, fin 2008, des officiers putschistes conduits par le capitaine Moussa Dadis Camara avaient promis de faire le bonheur du "bas peuple", avant d'enfoncer le pays dans le marasme et la désolation.
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