(Bendré 08/06/2010)
En dépit des nombreux chrysanthèmes entendus de part et d’autres au sujet de l’article 37, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) va réviser cet article. Un des cadres du parti, en l’occurrence le philosophe Achille Tapsoba a fini par se prononcer sur la question. Le mot est lâché. C’est désormais chose confirmée.
Alea jacta est ! La non révision de l’article 37 de notre constitution est reléguée aux calendes grecques. La « chose » sera révisée. On le pressentait, à travers des argumentaires les plus hallucinants ; on a la confirmation. A travers une émission de la Radiotélévision nationale du Burkina (RTB), le secrétaire général du parti au pouvoir, Achille Marie Joseph Tapsoba, a annoncé en substance que le CDP est favorable à un mandat illimité. Toute chose qui fera de Blaise Compaoré, un « capitaine » à vie à la tête du navire battant pavillon Burkina Eternité.
Ces propos prononcés par un cadre du parti, et pas des moindres, est à prendre au sérieux. Surtout dans ce contexte où trop d’encres et de salives ont coulé, trop de papiers ont été noircis par ce sujet. La personnalité de l’homme, le rang qu’il occupe au sein des instances du parti confortent la vision des Burkinabé que l’honorable député Achille Tapsoba n’a été que le porte-voix, la voix de son parti. Ce dernier, en effet, est le Secrétaire Général du parti au pouvoir. Il était à l’aise pour briser les chaînes du silence et porter le projet de révision à la connaissance de l’opinion publique nationale comme internationale. Comme le dit le proverbe, si la grenouille sort de l’eau et déclare que le crocodile a mal aux yeux, point n’est besoin d’en douter.
Donc, les doutes, les appréhensions, le scepticisme qui entouraient le débat autour de l’article 37 sont désormais levés. On peut donc dire, au regard des précédents jets dans la presse et des débats chauds qui ont précédé cette déclaration, que le sujet est devenu sérieux.
Beaucoup de cadres du CDP chantait à qui mieux que la question n’avait pas encore fait l’objet de discussion au sein de leur parti. S’il était de bonne foi, alors aujourd’hui ils doivent prendre acte qu’ils sont loin du centre de décision le plus important. Pour revenir à notre propos, des organisations de la société civile avaient tiré la sonnette d’alarme au sujet de la révision de cet article mais on ne savait pas que plus que la modification de la durée de la mandature et le tripatouillage éventuel des textes, c’est une présidence à vie que les cadres du CDP, comptent offrir sur un plateau d’or au président Compaoré.
Cette déclaration d’intention qui arrive comme un vent violent et dévastateur dans un champ de mil, a désormais le mérite de clarifier non seulement la position du parti au pouvoir, mais de situer ceux qui s’insurgent depuis un certain temps contre le retour au mandat présidentiel illimité.
Une question de rapport de force
En dépit de l’identification par le collège des sages de l’article 37 comme une des causes de la malgouvernance dans notre pays, des alertes avisées de la conférence épiscopale des Evêques de Burkina-Niger, le CDP va stopper l’alternance au sommet de la gouvernance politique que les constitutionnalistes considèrent comme une valeur cardinale de la démocratie.
Une chose est certaine, la direction du CDP aurait réfléchi par deux fois avant de se lancer dans une telle initiative. La crise socio-politique qui a secoué le pays au lendemain de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo a failli emporter le régime et il a reculé en rétablissant la clause limitative des mandats présidentiels. Autre temps, autre mœurs ! La politique est une question de rapport de force. Passée la tempête de cette crise, le parti au pouvoir peut pousser l’outrecuidance jusqu’à sauter non seulement le verrou de la limitation mais de décider de ne plus jamais faire de la Loi fondamentale de notre pays, un coffre-fort de nos institutions.
Avec cette volonté de faire du président Compaoré, un président ad vitam ad eternaem, au gré d’un clan ou selon les desiderata du grand Sachem, l’on peut désormais tripatouiller la constitution, faisant d’elle un vulgaire papier plutôt qu’un document sacré et sacralisé par l’aspiration et la volonté collective d’une nation.
Blaise Compaoré candidat en 2010….et suivants
Des évidences pour nombres d’observateurs viennent d’être clarifiées. Jusque là, le Président Compaoré était resté silencieux sur des questions essentielles de la vie politique nationale. Il vient de le faire depuis la capitale de la Côte d’Azur.
Lors de son dernier séjour à Nice à l’occasion du sommet Afrique-France, dans une interview sur la Télévision France 24, le Président Blaise Compaoré a, enfin situé son peuple sur deux questions cruciales.
Sur l’élection présidentielle de 2010. Il sera candidat.
Sur la limitation du mandat présidentielle. Sans ambigüité, le président Compaoré se dit obligé de tenir compte de ce que veut son pays c’est-à-dire la stabilité et le progrès, et de tenir compte de ce que veut toutes les forces politiques engagées avec lui. Même si ont peut émettre des doutes sur ce qu’il croit que son pays veut (de lui), sur les forces politiques qui l’accompagne, à savoir le CDP, les partis de la mouvance, les organisations de masses pseudo apolitiques, les choses sont claires. Il faut réviser la constitution pour donner un mandat illimité. Son pays veut, ses forces politiques veulent, donc l’article 37 sera révisé. Cet entretien a le mérite de mettre désormais chaque acteur de la vie nationale devant ses responsabilités.
Extrait de l’entretien avec Marc Perelman, diffusé sur France 24 le mercredi 2 juin date anniversaire de la constitution de la 4ème République et repris par Sidwaya dans sa livraison du 4 juin 2010.
M.P. : Venons en au Burkina. Il y a l’élection présidentielle en novembre 2010, vous êtes candidat ?
B.C. : Oui !
M.P. : Vous êtes favori à priori. Donc vous serez président jusqu’en 2015. Ça sera votre dernier mandat ?
B.C. : Constitutionnellement oui.
M.P. : On remarque que dans plusieurs pays africains, la Constitution change quand les présidents arrivent à la fin de leurs mandats et ne peuvent plus se représenter parfois. Est-ce que ça peut être le cas ?
B.C. : Nous essayons de construire, comme je l’ai dit tantôt, dans notre pays, la démocratie mais il ne faut pas oublier que ce qui est important pour nos pays, pour nos peuples, c’est la stabilité pour le développement. Nous ne considérons pas la démocratie comme un espace de théâtre ou de jeu. C’est comment faire en sorte que les acquis démocratiques consolident la stabilité et organisent mieux le développement pour nos peuples.
Donc à propos de la question que vous posez, lorsqu’on est au niveau où je suis, vous comprenez que nous sommes obligés de tenir compte de tout cela, de ce que veut aujourd’hui notre pays, la stabilité, le progrès, et aussi de tenir compte de toutes les forces politiques qui sont engagées avec nous dans ce combat. Le débat sur la Constitution nous apparaît comme un débat important certes, mais qui n’est pas au niveau de ce que nos populations attendent et que ce pays, le Burkina, soit stable et obtienne plus de progrès social et économique.
M.P. : La stabilité n’est-elle pas un argument en faveur de la présidence à vie ? Est-ce qu’il peut y avoir une présidence à vie pour Blaise Compaoré ou vous pensez que pour l’héritage de la démocratie au Burkina Faso, ce n’est pas une bonne idée ?
B.C. : Je ne pense à rien. J’ai une charge, je m’occupe de ça. J’ai un devoir vis-à-vis de mon pays, c’est ça qui m’intéresse. Comment organiser le pouvoir afin qu’il serve les libertés aujourd’hui et la stabilité et le progrès, mais aussi qu’après moi, il y ait la stabilité et le progrès continu dans ce pays. C’est ça qui m’intéresse surtout.
Par Camille Ouédraogo
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