(Liberation 08/01/2013)
Ancien Premier ministre de Centrafrique et considéré comme
l’un des principaux opposants au président centrafricain François Bozizé, Martin
Ziguélé doit participer aux pourparlers de paix organisés à Libreville, au
Gabon, alors que les rebelles du mouvement Séléka maintiennent la pression sur
la capitale Bangui.
Avant le début de ces pourparlers, François Bozizé a
promis un gouvernement d’union nationale et de ne pas se représenter en 2016. Le
croyez-vous ?
Je ne le crois pas du tout, pour plusieurs raisons. Le 15
mars 2003 déjà, lorsqu’il était entré à Bangui comme chef de la rébellion, il
avait promis de diriger juste la transition et ne pas se présenter aux élections
de 2005. Tout le monde a vu ce qu’il en a été de cette promesse.
Ensuite,
il n’a pas respecté les dispositions des accords de Libreville (en 2008) mettant
fin à plusieurs mouvements de rébellion nés en 1996 et 1997, qui prévoyaient la
mise en œuvre rapide d’un programme DDR (désarmement, démobilisation et
réinsertion). Même les résolutions et recommandations du Dialogue politique
inclusif de décembre 2008, il les a foulées au pied: François Bozizé s’est
refusé à mettre en place à l’issue de ce forum un gouvernement d’ouverture
dirigé par un Premier ministre de l’opposition, et a conduit hors de tout cadre
légal un processus électoral calamiteux, lequel a débouché sur la mascarade
électorale de janvier 2011. Il n’a jamais tenu aucun de ses engagements depuis
son accession au pouvoir par les armes. Pourquoi faudrait-il le croire
aujourd’hui ?
Qu’attendez-vous, personnellement, des pourparlers de
Libreville ?
Au-delà de la satisfaction des revendications initiales des
rebelles, liées à l’exécution des engagements des accords de Libreville relatifs
au processus de DDR, il faut que ces négociations prennent à bras le corps les
questions institutionnlles nécessaires au règlement de la grave crise que
traverse notre pays.
Le mouvement du Séléka apparaît très disparate.
Est-il, comme le disent certains, téléguidé depuis l’étranger ?Beaucoup
de sources le disent, mais jusqu’à ce jour, aucune preuve tangible ne sous-tend
ces analyses.
Faut-il nommer des responsables rebelles au sein d’un
gouvernement d’union nationale pour éviter la guerre ?
Toutes les options
instutionnelles doivent être sur la table. Il ne faut pas réduire la solution de
cette grave crise politique et militaire à une question de formation de
gouvernement. Il faut bien définir un programme de sortie de crise avant de
parler de l’ínstrument ou des instruments chargés de les conduire.
A
l’inverse, pour sortir durablement de la crise, faut-il que Bozizé se retire
?
Une politique se juge à ses résultats. Bozizé, après dix ans au
pouvoir, a échoué sur tous les plans. Il doit lui-même en tirer les conclusions
logiques. Je le répète, nous n’excluons aucune option.
Que pensez-vous de
sa gestion du pays ?
Le classement de la revue Doing Business de la
Banque mondiale classe régulièrement notre pays au dernier rang pour le climat
des affaires depuis plusieurs années. Idem avec Transparency International pour
l’indice de perception de la corruption. Que dire de plus ? La mauvaise
gouvernance et la corruption sont à la source de nos problèmes.
On
l’accuse de népotisme : une vingtaine de membres de son clan à l’Assemblée
nationale, ses fils à des postes divers et variés…
C’est exact car la
mascarade électorale du 23 janvier 2011 a accouché d’une Assemblée dite
nationale mais en fait monocolore. C’est un repaire des proches de Bozizé et
dont les autres membres ont été tous individuellement cooptés par lui. Aucune
solution de sortie de crise ne saurait comporter le maintien d’une telle
assemblée croupion.
Que vous inspire l’attitude de Paris dans cette crise
?Nous saluons l’action de la France qui, bien qu’attaquée par le pouvoir
dans un jeu de double langage, garde son indépendance et sa neutralité et plaide
pour le dialogue. François Hollande vient de démontrer que la Françafrique est
bien terminée, et c’est une bonne nouvelle pour l’Afrique qui doit prendre ses
responsabilités.
Recueilli par Thomas Hofnung
8 janvier
2013 à 13:05
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Liberation
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