lundi 21 janvier 2013

Côte d'Ivoire - Blé Goudé rattrapé par l’histoire

(Le Pays 21/01/2013)
Tout le monde n’a pas la chance de l’Ougandais Joseph Koni qui, traqué depuis les années 1980 pour les crimes commis à la tête de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), est arrivé jusque-là à passer à travers les mailles du filet de son pays et même des Etats-Unis.
C’est ce que l’on ne peut s’empêcher de dire avec l’arrestation, le 17 janvier à Tema au Ghana, de Charles Blé Goudé. Non seulement le général de la rue n’a pas eu la chance de l’illuminé ougandais, mais aussi il n’a pas eu celle de son compatriote et ancien ministre également proche de Laurent Gbagbo comme lui, Justin Katinan Koné. En effet, arrêté le jeudi, il a été extradé le lendemain vendredi 18 janvier en Côte d’Ivoire. Une diligence surprenante et qui s’expliquerait par le changement à la tête du Ghana avec l’élection, en début décembre dernier, de John Dramani Mahama.
Nouveau chef d’Etat, nouvelle attitude donc envers les pro-Gbagbo exilés au Ghana avec, on se rappelle, la célèbre phrase de celui qui n’était qu’un chef intérimaire selon laquelle l’ancienne Gold Coast ne servirait pas de base arrière à la déstabilisation de la Côte d’Ivoire. Blé Goudé, encore surnommé par certains Blé Gourdin ou Blé la machette, l’a appris à ses dépens. Il était un exilé pas comme les autres puisqu’il violait régulièrement le droit de réserve avec des interviews accordées, depuis sa cachette que l’on situait entre le Ghana et le Bénin, à des médias occidentaux ; en acceptant de se faire investir récemment président du Collectif des jeunes patriotes (COJEP). Plus grave, au cours de ses interventions, il a rarement fait amende honorable en défendant bec et ongles son mentor Gbagbo, rejetant toute la responsabilité de la crise post-électorale sur le camp de Alassane Ouattara.
Bref, il était dans une logique de guerre, quoi qu’il avoue être un fervent partisan de la non-violence. En somme, l’ex-leader des jeunes patriotes a aggravé sa situation alors qu’il a eu l’occasion, à maintes reprises, de demander pardon pour les graves crimes commis lors de la crise post-électorale de 2010-2011 et pour lesquels il ne peut dire, en toute honnêteté, que lui et son camp n’ont pas aussi du sang sur les mains. Peut-être pensait-il qu’il ne pourrait jamais être arrêté ou, à tout le moins, extradé. Beaucoup avaient fini par croire que l’on ne pourra pas l’alpaguer un jour, vu que ceux qui le recherchaient ne savaient pas où il était exactement entre le 11 avril 2010 et le 17 janvier 2013, soit plus de deux ans de cavale.
Mais, comme on le dit, tous les jours appartiennent au voleur et un seul au propriétaire. Ses jours de chance sont passés et il s’est fait donc prendre à la surprise générale. Et Dieu faisant bien les choses, il pourra maintenant bien se défendre de toutes les accusations portées contre lui avec son extradition dans son pays comme, d’ailleurs, il l’a toujours souhaité. En l’absence d’une communication claire des autorités sur le sujet comme s’il y avait de la gêne quelque part, il reste à savoir qui de la Justice ivoirienne ou de la Cour pénale internationale (CPI) jugera le général de la rue. En attendant, l’éphémère ministre de la Jeunesse de Gbagbo est rattrapé par son passé. Il était activement recherché pour le rôle négatif qu’il a joué pendant la crise post-électorale.
Convaincu comme tous les autres partisans de son mentor et autres patriotes autoproclamés, Blé Goudé a utilisé tous les moyens possibles et les plus abominables pour préserver le pouvoir de Gbagbo, ce don de Dieu, que de simples mortels veulent lui ravir même si c’est par la voie d’élection qu’ils ont gagnée. Et son « Dieu », il l’a défendu comme il le peut avant de se « chercher » après la chute de ce dernier. Le « seigneur des armées » vaincu, arrêté et transféré à la CPI, tous ceux qui l’ont suivi et défendu aveuglément doivent rendre compte pour les crimes commis. Avec son arrestation, on peut dire que c’est le tour de Blé Goudé de passer devant le tribunal de l’histoire pour être jugé pour les actes qu’il a posés durant cette période trouble en Côte d’Ivoire.

Séni DABO
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