jeudi 31 janvier 2013

Égypte: M. Morsi impuissant face à la crise, le pire est-il à venir?

(JOL Press 31/01/2013) Depuis cinq jours, les affrontements dans certaines villes d’Égypte n’en finissent plus de faire des morts et de plonger le pays dans ses vieux souvenirs de révolution. En face d’eux, le président Mohamed Morsi tente d’utiliser la force en faisant le choix de la patience tandis que l’opposition profite de la brèche pour camper sur ses positions. Une situation insoluble ?
La rue égyptienne gronde et des souvenirs de Printemps arabe reviennent à l’esprit des manifestants descendus dans plusieurs villes d’Égypte depuis quelques jours.
La population en colère
Les affrontements auraient déjà fait au moins 52 morts, et le bilan pourrait être amené à augmenter tant la situation paraît insolvable.
De nombreux éléments se sont rejoints en ces derniers jours de janvier pour conduire à un regain de violences sans précédent.
Le 25 janvier dernier, l’Égypte fêtait tristement le deuxième anniversaire de sa révolution. Un anniversaire marqué par une transition politique qui n’en finit plus et qui ne présage rien de bon pour les Égyptiens dans les mois à venir.
Ce jour-là, plusieurs manifestations ont éclaté au Caire et ont fait au moins cinq morts à Suez, ville connue pour être le berceau de la révolution égyptienne.
Dès le lendemain, les 21 supporters du club de football d’Al-Ahly, à Port-Saïd, étaient reconnus coupables des affrontements qui ont fait 74 morts, en février 2012, à la suite d’un match de football, et étaient condamnés à mort.
C’est cette étincelle qui a mis le feu aux poudres des rives nord du Nil.
Depuis, les mouvements de foule se succèdent et la police paraît bien impuissante face à la colère de la population.
La foule réunie de nouveau place Tahrir
Face à ce nouveau mouvement, Mohamed Morsi a tenté d’employer la force, décrétant lundi 28 janvier l’état d’urgence et instaurant un couvre-feu de trente jours pour les provinces les plus touchées, Port Saïd, Ismaïlia et Suez.
Une bien faible mesure face à un mouvement qui s’est désormais étendu au Caire. La place Tahrir reprend du service, et au cœur de la capitale, de nombreux manifestants de tous bords commencent à affluer.
Se côtoient des anarchistes masqués du Black Block, des vétérans des premiers jours du Printemps arabe ou des Égyptiens tout bonnement lassés de leur régime élu il y a à peine plus de six mois.
« Il est difficile de savoir avec exactitude qui est présent place Tahrir actuellement. Il y a au Caire une grande colère contre le gouvernement de Morsi et les Frères musulmans. La situation est très explosive, » explique Florian Kohstall, politologue à l’université libre de Berlin au Caire, pour Le Monde.
L’armée profite du tumulte
Le président Morsi semble bien impuissant depuis ces quelques jours. Il semble même que la force qu’il ait tenté d’employer se soit retournée contre lui.
Après avoir autorisé l’armée à renforcer les effectifs de la police, l’état-major des forces armées en a profité pour revenir sur le devant de la scène après avoir été écarté du pouvoir depuis l’arrivée des Frères musulmans.
Dans un communiqué publié le 29 janvier, le chef d’état-major estime que les blocages politiques actuels pourraient conduire à un « effondrement de l’État » et qu’en tout état de cause, c’est l’armée qui demeurera « le bloc solide et cohérent » sur lequel « reposent les fondations de l’État ».
Mince bilan pour Mohamed Morsi
Il faut dire qu’en six mois de démocratie, les Égyptiens n’ont toujours pas eu le loisir de constater un quelconque changement dans la société égyptienne. À gouverner sans programme concret, avec la vague ambition de faire du pays une théocratie, Mohamed Morsi n’a toujours pas trouvé de remède miracle pour relancer l’économie. Le chômage et la pauvreté augmentent, l’Égypte est en quête d’argent et à défaut d’avoir obtenu une aide du Fonds monétaire international, le Président s’est tourné vers le Qatar, son ami-ennemi qui lui donne juste assez de subsides pour le laisser dépendant de son influence.
Le bilan est alors maigre pour les Égyptiens, qui ne voient en Mohamed Morsi qu’un homme capable de faire passer de force une constitution, alors même que celle-ci a été boycottée par l’opposition, les 15 et 22 décembre derniers.
Les Égyptiens voient également un homme marionnette et ces six mois ont réussi à prouver qu’en élisant un Frère musulman à la tête de l’État, c’est une confrérie entière qui accédait en même temps au palais présidentiel.
« Je peux vous assurer que 80 à 90% des décisions prises par Mohamed Morsi viennent du bureau de guidance de la confrérie. Et tous les Frères prêtent allégeance à ce bureau exécutif. […] Il semblerait que depuis quelques temps, pour des raisons que j’ignore, la marge de manœuvre de Mohamed Morsi se soit considérablement rétrécie, » explique Tewfik Aclimandos, spécialiste du Maghreb, pour le Nouvel Observateur.
L’opposition reste ferme
Face à cette faille apparente dans le gouvernement, l’opposition reste ferme. Réunis au sein du Front de salut national (FSN), les différents courants représentés par Mohamed El Baradei, Amr Moussa, et Hamdeen Sabbahi, profitent d’une situation qui pourrait tourner à leur avantage.
L’opposition se refusera à tout dialogue avec le pouvoir tant que les conditions de la formation d’un gouvernement, de la création d’une commission pour amender la constitution et la révision de la loi électorale, ne seront pas réunies.
Attendre les élections législatives
Dans ce contexte, la situation pourrait vite s’enliser et ils sont nombreux à s’accorder sur l’idée que les Frères musulmans pourraient bien laisser les choses empirer.
« La stratégie des Frères musulmans va certainement être d’attendre la tenue des élections législatives dans les prochains mois, où ils espèrent être majoritaires. Ils ont besoin du Parlement pour gouverner et faire le lien entre le gouvernement local et le gouvernement national. Au vu des résultats que le candidat des Frères, Mohamed Morsi, a enregistré lors de l’élection présidentielle, il n’est pas certain qu’ils récoltent un score aussi élevé qu’aux précédentes législatives, » estime ainsi Florian Kohstall.

Ecrit par Sybille De Larocque - publié le 31/01/2013

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