(La Presse Canadienne 08/01/2013)
Déficit budgétaire en hausse, réserves de change en baisse,
monnaie sous pression: le gouvernement égyptien, remanié pour mieux affronter la
crise économique, fait face à une accumulation de défis dans un contexte
politique et social difficile, soulignent des analystes.
Le pays a
repris lundi ses discussions avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue
de l'obtention d'un prêt de 4,8 milliards de dollars, considérée par beaucoup
comme une condition indispensable pour un redressement, mais pas sans dangers
sur le plan social.
Après avoir rencontré le président égyptien Mohamed
Morsi, son Premier ministre Hicham Qandil, et le nouveau ministre des Finances,
El-Morsi El-Sayed Hegazy, un haut responsable du FMI, Ahmed Masood, a annoncé
qu'une «équipe technique» du Fonds reviendrait au Caire «dans les semaines à
venir» pour poursuivre les négociations.
Le président Morsi a lui-même
fixé un lourd cahier des charges à la dizaine de nouveaux ministres en majorité
titulaires de portefeuilles économiques, qui ont fait leur entrée dimanche dans
le gouvernement de M. Qandil.
Le gouvernement doit «accélérer les
efforts pour relancer l'économie et la croissance, attirer les investissements,
consolider les exportations, encourager le tourisme, créer de nouveaux emplois
et améliorer les services publics», a-t-il déclaré.
«Les indicateurs sont
alarmants», estime Ahmed el-Naggar, économiste auprès du Centre d'études
al-Ahram. «Le tourisme, qui rapportait autrefois 13 milliards de dollars par an,
ne rapporte plus que 8,8 mds».
Quant au chômage, il est passé de 9 à 12%
de la population active en deux ans, ajoute-t-il, considérant toutefois ces
chiffres très en-deçà de la réalité dans un pays où 40% de la population vit
avec deux dollars ou moins par jour.
Dernier signe d'inquiétude en date,
la devise égyptienne vient de tomber en quelques jours de 6 à 6,4 livres pour un
dollar, une dépréciation dont la soudaineté traduit la difficulté de l'Egypte à
défendre sa monnaie, et fait redouter des baisses supplémentaires.
La
Banque centrale a reconnu que ses réserves de change, passées en deux ans de 36
à 15 mds USD --soit de quoi couvrir théoriquement trois mois d'importations--
avaient atteint un niveau «critique», et a pris des mesures pour limiter les
sorties de devises du pays.
«Pour que le système marche, la confiance
doit revenir rapidement, et il faut commencer par un accord avec le FMI»,
souligne l'agence de notation Fitch dans un récent communiqué sur la réforme du
régime des changes égyptien.
L'Egypte a elle aussi son «mur
budgétaire».
Le ministre du Plan, Achraf Abdel Fattah al-Arabi, vient de
déclarer dans la presse que le déficit pourrait bondir de 50%, à 200 milliards
de livres (31 mds USD), par rapport aux prévisions pour l'année fiscale
2012-2013 «si de strictes mesures économiques ne sont pas mises en
place».
Le nouveau ministre des Finances, universitaire spécialiste de
finance islamique, a déclaré être «disposé à parachever les consultations avec
le FMI pour conclure le prêt».
Mais des mesures de rigueur y sont
associées, en particulier une révision des coûteuses subventions d'État aux
carburants ou à des produits alimentaires, qui permettent de garder des prix
très bas sur beaucoup de produits de base.
En décembre, M. Morsi a dû
geler quelques heures avant leur entrée en vigueur des hausses de taxes sur de
nombreux produits de consommation courante, sacrifiant au moins provisoirement
le redressement des finances publiques pour éviter des tensions
sociales.
La proximité d'élections législatives, prévues dans deux mois
environ, risque aussi de peser sur la capacité à mener des réformes.
«Les
tout prochains mois vont être critiques», estime l'économiste Angus Blair, qui
dirige au Caire le Signet Institute. «On peut espérer que le nouveau ministre
des Finances arrive avec un plan créatif, mais force est de constater qu'il va
devoir travailler dans un contexte qui impose des limites
étroites».
Christophe DE ROQUEFEUIL
© Copyright La Presse
Canadienne
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