(Le Pays 16/08/2012)
La réunion des chefs d’état-major de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le mardi 14 août dernier à Bamako, a été infructueuse. Tout au plus, pour se donner une raison d’être un peu optimiste, peut-on dire que ce ne sont pas tous les fruits qui ont tenu les promesses des fleurs. Le plan de la CEDEAO dont la première phase prévoyait le débarquement au Mali de troupes étrangères à Bamako pour sécuriser les institutions de la transition, a été rejeté par la partie malienne.
Les deuxième et dernière phases prévoient respectivement la formation des troupes maliennes et la reconquête du nord du pays. Ni l’ordre chronologique de l’intervention, ni son mode d’organisation et de déroulement n’ont été validés par le gouvernement malien, qui ne s’est toutefois pas montré hostile au principe d’apport extérieur. Le colonel-major Ibrahima Dembelé, chef d’état-major de l’armée malienne, a déclaré à l’issue de la rencontre que « la sécurisation des institutions de la République à Bamako sera entièrement assurée par les forces de sécurité du Mali ». Concernant la libération du Nord-Mali, il a également laissé entendre que « cette reconquête, c’est toujours les troupes maliennes d’abord, personne ne fera cette guerre à la place du Mali. Les autres viendront en appui, en aviation, en logistique ». Les gouvernants maliens réclament donc uniquement des moyens logistiques et techniques pour envoyer leurs soldats seuls au front. Des propositions, voire des exigences qui seront, à en croire Abdou Cheick Touré, représentant de la CEDEAO à Bamako, soumises au sommet des chefs d’Etat pour une nouvelle considération. Mais même si ces suggestions maliennes traduisent une certaine fierté légitime, elles paraissent, au stade actuel de la crise malienne, dénuées de fondement réaliste. Les forces armées maliennes auraient voulu ouvrir le feu elles-mêmes et toutes seules, qu’elles n’auraient pas attendu tout ce temps pour en manifester le désir. N’ont-elles pas pris le pouvoir en prétextant du refus de l’ex-président Amadou Toumani Touré de leur donner les moyens, qui existeraient selon elles, pour qu’elles combattent les rebelles ? Elles n’avaient qu’à s’en emparer dès leur prise du pouvoir et aller, sans attendre, en découdre avec les indépendantistes. Le soutien logistique qu’elles réclament s’imposerait alors quand on aurait remarqué leur réelle détermination à se battre pour leur patrie. Il n’en a rien été ! Malgré la situation de plus en plus dégradante pour les populations, surtout dans le nord du Mali, le pouvoir de Bamako refuse de bouger d’un iota de sa position initiale. Le pouvoir politico-militaire malien s’entête à s’éterniser dans le tango qu’il a adopté depuis son installation. Quand il avance dans une position donnée, c’est pour reculer sur une autre. Les auteurs du coup d’Etat ont laissé évoluer, en apparence, en tout cas, leur opinion sur la personne de Dioncounda Traoré, président de la transition, en acceptant qu’il conduise le processus. Ils ont même accepté de participer au gouvernement d’union nationale en promettant de proposer cinq de leurs camarades. Cette progression dans l’esprit de la transition a été saluée et l’on se disait que les vrais responsables du pourrissement de la situation au Mali, étaient sur le point de se ressaisir de leur égarement. Il ne manquait alors que leur feu vert à une intervention complète de la CEDEAO pour que l’on fût tenté de leur donner le Bon Dieu sans confession. L’attitude de l’armée malienne qui détient la réalité du pouvoir au Sud, n’est en réalité pas étonnante, quelque contradictoire qu’elle puisse paraître, au regard de ses vœux précédents. Au moment où le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) s’opposait à une opération militaire dans le Nord, les putschistes exhortaient vaillamment les communautés africaine et internationale à y intervenir. La bande du capitaine Sanogo fuyait alors comme la peste la partie occupée, tout en s’échinant à mettre tout le Sud sous coupe réglée. Le MNLA étant réduit à sa plus simple expression, l’ex-junte s’oppose désormais à tout engagement physique de troupes extérieures sur tout le Mali. Une logique pour le moins absurde quand on connaît la force de frappe des extrémistes qui écument actuellement le Nord. C’est à se demander si le pouvoir de Bamako veut réellement libérer le pays, tellement il semble faire le jeu de ses occupants illégaux. Le prétexte de la fierté suffit-il à lui seul pour justifier l’inaction de Bamako doublée de son acharnement à empêcher la CEDEAO de voler au secours des populations du Nord prises dans le piège des malades religieux qui les squattent ? « Personne ne fera cette guerre à la place du Mali », certes. Mais, un simple appui logistique suffira-t-il pour la résolution de l’inextricable équation malienne ? Et puis, la situation actuelle de l’armée malienne lui permet-elle d’aller seule au front ? Question à mille tiroirs. C’est dire si les propos du colonel-major peuvent prêter autant à sourire qu’à pleurer. Il est vrai que, tout comme on ne peut soigner un malade qui refuse de guérir, on ne peut forcer la main à Bamako si elle estime être dans son droit de mener « sa » guerre. Pour autant, la CEDEAO doit-elle laisser la situation pourrir face à un Sud-Mali qui ne manifeste aucune volonté réelle d’en finir avec les fous d’Allah ? Doit-elle rester impuissante face à un drame qui n’en finit pas d’avoir des retombées négatives sur les pays voisins ? Assurément, le problème du Mali n’est pas seulement malien et sa solution ne saurait être ravalée à de simples considérations de fierté nationale.
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