lundi 6 août 2012

RDC - CIRGL : Les contradictions de la réunion de Kampala

(Le Potentiel 06/08/2012)

Président en exercice la CIRGL, l’Ouganda abrite la réunion devant décider des contours de la force neutre à déployer aux frontières entre la RDC et le Rwanda. Quelles chances peut-on accorder à la délégation congolaise dans la capitale ougandaise ? Peut-elle faire passer ses thèses quand on sait que Kampala est, à l’instar de Kigali, impliqué dans la déstabilisation de la RDC ? Il ressort que la réunion de la capitale ougandaise va briller par des contradictions entre la recherche de la paix en RDC et les ambitions expansionnistes de certains pays des Grands Lacs, notamment le Rwanda et l’Ouganda.
La République démocratique du Congo a accepté de se rendre à Kampala où va se tenir les 6 et 7 août 2012 une rencontre de la CIRGL. Il y sera discuté de la mise en place de la force neutre décidée à Addis-Abeba le 15 juillet dernier par les chefs d’Etat de la CIRGL afin d’assurer la sécurité aux frontières congolaises et rwandaises.
A tout prendre, Kinshasa voudrait envoyer des signaux d’une diplomatie disposée à tout accepter, pourvu que la paix revienne. Cette posture passe dans l’opinion congolaise comme un dîner d’une victime avec ses agresseurs. Dans la mesure où l’Ouganda n’est pas moins agresseur que le Rwanda. Leurs gouvernements respectifs n’ont jamais caché leurs ambitions sur le territoire congolais.
Lors de sa dernière interview accordée à des journalistes congolais, Joseph Kabila a laissé entendre, parlant d’un éventuel soutien de Kampala au M23, ce qui suit : «On a déjà officiellement demandé aux Ougandais de nous expliquer exactement ce qui se passe et la réponse à cette demande est que l’Ouganda n’a rien à voir». Le chef de l’Etat a tenu à se conformer aux règles en matière diplomatique.
Les chefs d’Etat du CIRGL n’ont-ils pas prié «les officiels des Etats membres de s’assurer que leurs discours, leurs attitudes, leurs prises de position publiques, leurs écrits ainsi que toute autre intervention de leur part s’inscrivent dans la logique de la promotion de la paix, la sécurité et la stabilité, et qu’ils se comportent comme des artisans et des promoteurs de la paix» ? Joseph Kabila voudrait jouer à la perfection sa partition, évitant de faire planer l’ombre d’un doute sur sa détermination de travailler sur le front diplomatique. Il se réserverait d’aller vite en besogne avant que des enquêtes fournissent des preuves irréfutables établissant l’implication de Kampala dans l’insécurité entretenue par le M23.
Force neutre : Kampala juge et partie
Toutefois, les Congolais ne se font pas d’illusions. Autant le soutien du Rwanda est un «secret de polichinelle», autant il en est pour l’Ouganda. Ils n’ont pas la mémoire courte.Le passé relativement récent est jalonné de souvenirs encore frais. Selon eux, la délégation congolaise ne serait pas en posture de faire triompher ses positions.
Il est vrai qu’une négociation est un rendez-vous «du donner et du recevoir». Dans le cas d’espèce, les interlocuteurs de la RDC détiennent, par devers eux, des revendications qu’ils ont toujours fait valoir au niveau de la communauté internationale. C’est, essentiellement, l’existence sur le territoire congolais des groupes armés rebelles à leurs régimes respectifs. En abattant de telles cartes sur la table des négociations, la partie congolaise sera mise en difficulté. Mais également en minorité.
Sur la défensive, la RDC va encaisser plus de coups qu’elle ne va en rendre. Tout simplement parce que les agresseurs ont levé l’option de tout nier en bloc, exigeant même des contre-enquêtes. Lesquelles ne sont, somme toute, que des manœuvres dilatoires destinées à garder le pied sur le sol congolais avec ce que cela représente en termes de pillage des ressources naturelles.
Les négociations se passant sur son terrain, l’Ouganda s’arrangera pour obtenir un non-lieu. Démarche que le Rwanda s’évertue à faire passer dans l’opinion internationale sans beaucoup de succès. Cela après un forcing à tous crins réalisé à Kinshasa en juin dernier. Ensuite, il pourrait obtenir le commandement de la Force internationale que l’on voudrait neutre mais qui sera composée essentiellement de contingents en provenance des pays soupçonnés, à raison, d’être des agresseurs.
Dans l’opinion nationale, l’Ouganda passerait dans ce contexte, pour juge et partie. Nombreux sont ceux qui considèrent que Kigali et Kampala sont logés à la même enseigne. D’aucuns estiment qu’une capitale plus neutre aurait pu abriter les discussions qui débutent ce lundi à Kampala. Il y aurait moins de pression sur la délégation congolaise, d’une part, et d’autre part, les victimes de cette guerre seraient moins heurtées.
La guerre de Kisangani -appelée aussi «Guerre de 6 jours»- entre les armées régulières ougandaise et rwandaise en 2000, est une preuve éloquente de la complicité entre le duo Kagame-Museveni. Dans le même ordre d’idées, l’Ouganda n’a pas encore versé les dommages et intérêts décidés par la Cour internationale de justice suite à tous les crimes commis en RDC et contre l’écosystème.
Cette guerre aurait dû pousser les autorités congolaises à refuser des négociations de paix dans l’Est de la RDC en terre ougandaise.
Garder la tête haute
En diplomatie, il faut savoir se faire entendre, en tenant une ligne claire dans toutes ses démarches. Israël l’a compris. Le Rwanda l’applique à la perfection en rapport avec le génocide de 1994. Avec un génocide de plus de 6 millions de morts, la RDC doit donner de la voix et exiger des comptes de la part des agresseurs. En toute circonstance, il est du devoir des Congolais de rappeler cette lourde responsabilité. A ce jour, tout le monde tente de mettre un terme à la mutinerie-rébellion-agression du M23. C’est une bonne chose.
La fermeté de la partie congolaise devrait se traduire par la cohérence dans la démarche. Elle doit la garder haute et non alterner fermeté et mollesse. Car, il est à craindre que ceux qui sont à la base de la déstabilisation continuent à jouir de l’impunité la plus totale.

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