(L'Avenir Quotidien 18/10/2011)
A dix jours du début de la campagne électorale, la CENI se trouve devant un dilemme : soit elle accepte de découpler les élections par manque des moyens logistiques, soit elle accepte quand même de les organiser mais à ses risques et périls. *Dans un cas comme dans l’autre, la République démocratique du Congo est loin de sortir de l’auberge électorale tant le respect des dates dans l’organisation du prochain scrutin devient de plus en plus hypothétique, malgré plusieurs déclarations tapageuses. *Institution d’appui à la démocratie, la CENI ne doit pas se substituer à la classe politique pour se décider sur la révision du calendrier, au risque d’entacher tout le processus en cours. Elle devra plutôt se contenter de proposer à la classe politique des éléments techniques, qui lui permettront de dire oui ou non s’il faut découpler le scrutin ou le renvoyer à plus tard. *Vu que la CENI n’a pas respecté son propre calendrier électoral, l’opinion voudrait être fixée si réellement il y aura élection au 28 novembre 2011. C’est le vendredi 14 octobre dernier que la CENI a publié la liste définitive des candidats députés à l’élection législative en Rdc. Une liste définitive qui, comme on le sait, va permettre à la CENI de commander les bulletins de vote en Afrique du Sud.
Cependant, il saute à l’œil que cette longue et fatigante liste a quand même été publiée avec un retard de près de 20 jours. Un retard qui ne devra pas manquer d’avoir un impact (négatif) sur le calendrier électoral de la CENI.
En effet, 1.111 candidats ont été invalidés par la Cour Suprême de Justice qui n’a reçu que 84 recours interjetés devant elle. Certains analystes pensent même, qu’au regard des réalités de la haute cour, certains dossiers auraient été expédiés à la va-vite. Toute la classe politique ne cesse de solliciter le découplage des élections présidentielles et législatives attendues de tous (alors qu’il y a quelques temps, elle était d’un avis contraire), à la CENI on réplique avec becs et ongles que les élections seront organisées dans les délais, car tous les moyens logistiques sont à sa disposition.
Pourtant, lorsqu’on sait que sur terrain, la CENI fait face à plusieurs défis, il est douteux de croire ce que l’on entend ; ce n’est pas une affaire de foi mais de calcul responsable et conséquent au regard des réalités combien têtues devant la Rdc et devant la face du monde. Il s’agit en même temps d’un problème de cœur et de raison. De cœur, parce qu’il faut prendre une décision difficile, qui consiste au report ou non des élections. Et de raison, parce que les conditions d’organisation des élections apaisées, démocratiques et transparentes ne le permettent pas.
Et comme pour se dédouaner, la Céni qui tirait contre la Csj tire à boulets rouges en direction des opposants qui ont trouvé le nord plus favorable à leur cause, les accusant de vouloir à tout prix obtenir le report du scrutin. En effet, la publication de la liste définitive des candidats à la députation nationale avec environ 19 jours de retard, soit du 27 septembre au 14 octobre, ne pouvait pas manquer d’impacter sur le calendrier électoral qui, si l’on veut qu’il soit réaliste, doit être aménagé pour qu’il réponde au contexte du moment. Et ce, après convocation en vue d’un consensus entre la classe politique du pays.
Car, pour un opérateur politique qui a requis l’anonymat, la maladresse des autorités de la CENI, c’est d’avoir passé l’idée dans l’opinion que les élections se tiendront dans le délai, soit au 28 novembre prochain. Et ceci, sans tenir compte du fait que jusqu’à ce jour, les bulletins de vote n’ont même pas encore été commandés, parce qu’aux dires du président de la CENI, les ingénieurs Sud-Africains appelés à préparer la maquette seraient encore à Kinshasa. Au-delà de bulletins de vote, les isoloirs risquent aussi de poser problème, dans la mesure où c’est en dernière minute que la fabrication a été confiée à la Chine, en lieu et place de l’Allemagne.
Et lorsque d’autre part, au regard du nombre important des candidats en lice, un seul bulletin de vote compterait environ 20 pages ! Un si grand bulletin que le monde n’ait jamais connu depuis l’histoire de l’organisation des élections. Soit, la Rdc est réputée un pays toujours innovateur à chaque période où les changements politiques se profilent à l’horizon. A neuf jours de la campagne électorale, la CENI est donc devant un dilemme. Mais le malheur lorsqu’on dit dilemme, c’est qu’aucune tentative de réponse n’est favorable. Soit, la Céni va s’entêter et organiser quand même les élections, peu importe les conditions et les conséquences y relatives ; soit accepter de les découpler ; ce qui devra lui coûter énormément cher en termes de temps et d’argent.
Pour cette dernière proposition qui semble être plausible, il appartient à la CENI de réunir toute la classe politique du pays, qui elle seule, est censée dire de quelle manière les élections seront découplées. Ceci, lorsqu’on sait que le manque de consensus en cette matière peut provoquer beaucoup de dégâts.
De l’illégalité et de l’illégitimité
Selon l’article 73 de la Constitution, le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice.
C’est la tâche à laquelle la CENI s’est livrée depuis le 18 août dernier, date qui correspondait à la période de réception et traitement des candidatures pour l’élection présidentielle et la députation nationale. A ce niveau, le calendrier est respecté. Mais eu regard de toutes les difficultés que nous venons d’évoquer, il y a risque qu’au 6 décembre 2011, date qui devra voir le président élu proclamé officiellement, que la CENI ne soit pas à même de proclamer les résultats.
Si tel est le cas, nous tendrons tout droit vers l’illégalité et son corollaire l’illégitimité. En effet, selon les doctrinaires, est légal ce qui est autorisé par le droit positif existant, ce qui est conforme au texte de la loi. Lorsqu’on sait que le mandat de l’actuel chef de l’Etat et candidat à sa propre succession a pour base la Constitution de 2006, constitution révisée dernièrement sans amender cette disposition relative à la date du 6 décembre, on ne peut que craindre ce qui pourrait advenir si au 06 décembre 2011 il n’y a pas un nouveau chef de l’Etat. Car en réalité, son pouvoir ne pourra reposer sur aucune base juridique. De l’autre côté, est légitime ce qui est et doit être reconnu comme juste par tous. Considérant que le chef de l’Etat est président de tous, mais pas candidat de tous, il risque aussi d’être frappé par l’illégitimité si et seulement si au 06 décembre il n’y a pas un nouveau président de la République élu.
A qui la responsabilité ? Au regard des efforts et autres sacrifices consentis par le gouvernement de la République, la responsabilité de l’échec du processus électoral ne peut jamais être imputable à ce dernier. Ceci, dans la mesure où chaque fois que le président de la CENI recevait la contribution du gouvernement, il lui était toujours rappelé la nécessité pour lui d’évoquer d’autres raisons pour justifier le report éventuel des élections. Une fois encore, il sied de rappeler que les élections de 2011 sont essentiellement congolaises. Pour ce faire et contrairement à 2006, c’est le gouvernement lui-même qui a pris en charge l’organisation des élections ; il n’a eu qu’à recourir à son budget pour le faire.
La responsabilité de l’échec, si échec il y a dans l’organisation du scrutin de 2011, n’est pas non plus à imputer à l’opposition qui, comme d’aucuns le savent, n’a mené jusqu’ici aucune activité de sabotage du processus. Si l’opposition aile tshisekediste organise, de manière hebdomadaire des marches à n’en point finir, espérant trouver satisfaction à sa requête et cela, sans porter atteinte au bon déroulement des activités de la Céni, c’est sa manière démocratique de jouer sa carte.
Reconnaissons alors que si dans les délais les élections ne sont pas organisées en Rdc, c’est à la Commission électorale nationale indépendante qui, dans son pouvoir discrétionnaire, n’aurait pas calculé le coût global et les moyens de sa politique. Quand bien même il n’y ait pas de souci côté finances, l’organisation des élections n’est pas seulement une affaire d’argent ; beaucoup d’autres paramètres, visiblement négligés par elle initialement, entrent ici en ligne le compte et refond cruellement surface.
Et comme en politique la partie n’est jamais jouée d’avance, la Commission électorale nationale indépendante peut encore changer le fusil d’épaule face à ce dilemme qui, contrairement aux tenants de l’immédiateté, impose, nous semble – t – il, une convocation de la classe politique tout entière, en vue des discussions enrichissantes quand à ce. Ce ne sont pas non plus les facilitateurs qui manqueraient dans cette entreprise. Manquer du courage à le faire n’est pas souhaitable pour l’avenir de cette nation.
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