(Le Pays 20/10/2011)
Ellen Johnson Sirleaf, la dame de fer libérienne, peut boire tranquillement son petit lait. Mathématiquement, sa réélection au second tour passera comme une lettre à la poste. En effet, Prince Johnson, arrivé en troisième position au premier tour de la présidentielle du lundi 10 octobre dernier, a décidé de lui apporter son soutien en se ralliant à elle.
Autant dire que le challenger du prix Nobel de la paix, Tubman, est mal barré. Si d’aventure la roue ne tourne pas dans le sens inverse, on pourra dire que les dés sont pipés. Toutefois on est en droit de se demander si cette alliance ne ressemble finalement pas à un mariage de la carpe et du lapin. Qu’un prix Nobel de la paix accepte la main tendue d’un ancien chef de guerre civile qui a longtemps décimé les populations et mis le pays en lambeaux, cela semble une alliance contre-nature. Mais on est en politique où très souvent seule la fin justifie les moyens. Sirleaf qui savait qu’elle courait le risque d’être déboulonnée par son adversaire, a donc saisi, sans coup férir, la proposition de l’ex-chef de guerre.
Une offre qui tombe pour elle comme du pain bénit. Machiavel disait dans "Le prince" que la morale est non seulement inutile mais aussi dangereuse en politique. Cela parce qu’elle fait courir irrémédiablement au prince, la perte de son trône. Sirleaf semble avoir assimilé avec crâne cette leçon. Au fait, si cette alliance Prince Johnson-Sirleaf porte cette dernière au pouvoir, c’est bien l’ex-chef de guerre qui gagne doublement. D’une part, il serait sous les ailes protectrices de son mentor, donc à l’abri de toute poursuite judiciaire pour les crimes commis lors de la guerre civile libérienne dont il était l’un des chefs d’opérations funestes.
D’autre part, Prince Johnson aurait sa part, peut-être pas des moindres, au moment du partage du gâteau. Sirleaf lui serait sans doute reconnaissante. Il y a lieu aussi de se demander si le débat mené par la classe politique du Liberia, sur la poursuite judiciaire ou non de l’ex-chef de guerre, n’est finalement pas caduc. Toujours est-il que les Libériens, du moins une grande partie d’eux, lui ont donné leurs voix au point qu’il se classe 3e au premier tour.
Ce choix porté sur Prince Johnson par cette partie importante du peuple libérien montre à suffisance que l’homme est quelque peu incontournable dans la reconstruction de sa nation. C’est tant mieux si impliquer cet homme (qui a souvent menacé de reprendre les armes) dans le processus de reconstruction de son pays, est une manière de l’occuper utilement.
En tout état de cause, il vaut mieux, pour le Liberia, surtout pour le nouveau pouvoir issu des urnes le 8 novembre prochain, d’avoir ce redoutable ex-chef de guerre avec lui que contre lui. C’est en cela aussi que l’alliance entre les deux candidats peut être compréhensible et acceptable. Seulement, il faut savoir ménager la chèvre et le choux.
Boulkindi COULDIATI
© Copyright Le Pays
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire