De Philippe RATER (AFP)
OUAGADOUGOU — Réunions secrètes, émissaires internationaux, nouveau plan de sortie de crise: la Guinée vient de vivre une semaine à rebondissements mais la prudence reste de mise chez les Occidentaux devant un chemin encore long avant un scrutin présidentiel.
En visite dimanche à Ouagadougou, dernière étape de sa tournée africaine, le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, s'est prononcé pour "une solution africaine".
"C'est à eux (aux Africains) de régler le problème (de la Guinée). Ce n'est pas à l'ancienne puissance coloniale (française) de décider", a dit M. Kouchner après un entretien avec le président burkinabè Blaise Compaoré.
Selon lui, "il n'est pas question que le président Compaoré sorte du jeu".
Blaise Compaoré, dont une première médiation avait été rejetée par l'opposition qui la considérait trop favorable à la junte, pourrait revenir sur le devant de la scène après l'offre de cette dernière de partager le pouvoir avec le Forum des forces vives (opposition, syndicats, société civile).
A moins que celui-ci ne traite directement avec le général Sékouba Konaté, le nouvel homme fort de la junte.
L'emballement diplomatique international est venu du constat pour les Etats-Unis et la France qu'un retour en Guinée du chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, "risquait de provoquer une guerre civile" dans cette ex-colonie française, raconte un négociateur sous couvert d'anonymat.
Le président autoproclamé est hospitalisé au Maroc depuis début décembre après avoir reçu une balle dans la tête, tirée par son aide de camp.
Paris et Washington, qui ont encore en mémoire les longues guerres civiles au Liberia et en Sierra Leone, ont vu son absence comme une "opportunité", selon un diplomate.
Un récent rapport de l'ONU sur le massacre d'opposants fin septembre dans le stade de Conakry, impliquant Dadis, est venu appuyer leurs démarches.
Etats-Unis, France et Maroc ont profité d'un récent séjour d'une semaine dans ce dernier pays du général Konaté pour le rencontrer. "Les Marocains l'avaient travaillé au corps, facilitant les discussions", se félicite le négociateur.
Selon Rabat, qui ne les a révélées qu'après-coup, "plusieurs séances de travail ont été tenues directement avec le général Konaté ou alternativement avec de hauts responsables français et américains".
Côté américain, il s'agissait du secrétaire d'Etat adjoint pour les Affaires africaines, Johnnie Carson. Côté français, d'André Parent, conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy.
Un plan de partage du pouvoir conduisant à des élections a été soumis au général Konaté. En échange, Américains, Français et Marocains ont promis de former son armée et de lui fournir une aide technique.
Le 6 janvier, l'officier a accepté publiquement de gouverner avec l'opposition, une décision aussitôt saluée par Paris, Washington et Rabat.
Les Forces vives ont réagi avec prudence, sans toutefois opposer une fin de non-recevoir, notent des diplomates. Elles réclament des garanties et des précisions au général Konaté.
Ce dernier "n'est pas un saint mais ses propos ont du sens, donc c'est quelqu'un avec qui l'on peut traiter", juge un diplomate.
Jusqu'à présent, cet officier assure ne pas vouloir diriger le pays mais les Occidentaux restent circonspects, échaudés par le précédent Dadis qui avait aussi dit ne pas vouloir se présenter à une présidentielle avant d'affirmer le contraire.
Vendredi, l'annonce d'une hospitalisation à Dakar du général Konaté, par la suite démentie, a donné quelques frayeurs à ses soutiens internationaux. Atteint d'une cirrhose, selon une source diplomatique, Sékouba Konaté est traité au Maroc.
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