mardi 24 mai 2011

Afrique du Sud - Le vote ANC s’effrite

(Le Monde 24/05/5011)

Mercredi dernier, 23 millions de Sud-Africains étaient appelés aux urnes pour les élections municipales. Les résultats définitifs ont été prononcés samedi. Voici les cinq principales leçons du scrutin.
° L'ANC toujours ultra majoritaire mais en baisse
En Afrique du Sud, les élections se jouent à plusieurs candidats, et à la fin, c'est toujours l'ANC qui gagne... Depuis le premier scrutin démocratique de 1994, le Congrès national africain bénéficie de la loyauté de la majorité noire du pays (79% de la population), reconnaissante du rôle de libérateur de l'ANC pour faire tomber le régime de l'apartheid.
L'actuel président, Jacob Zuma, n'a d'ailleurs pas hésité à rappeler que le vote de Nelson Mandela n'était pas un secret.
Mais le parti au pouvoir est en baisse. Il n'a recueilli cette fois que 62% des voix contre 66,3% lors des précédentes élections municipales en 2006. Outre une insatisfaction liée aux services publics (lire plus bas), les affaires de corruption et de copinage, et la persistance des inégalités criantes dans le pays ont entamé le crédit de l'ANC.
Le leadership du président Zuma, le "canard boîteux" de l'ANC, pourrait être remis en cause lors de la conférence du parti à la fin de l'année prochaine.
° Un quart des votes pour le premier parti d'opposition
Dirigée par l'ex-militante anti-apartheid Helen Zille, l'Alliance démocratique (DA) poursuit son ascension. Crédité de 16,9 des suffrages en 2006, le premier parti d'opposition sud-africain a fait un bond à 23,9%. Il a accentué sa mainmise sur la ville du Cap, la seule métropole du pays que l'ANC ne dirige pas.
° Une course "à deux chevaux"
Il n'y a presque plus que deux partis en Afrique du Sud. Lors de ce scrutin, les petites formations se sont effondrées, plafonnant souvent sous la barre du 1% et ne dépassant jamais les 4%. L'ANC a ralenti son érosion grâce aux voix perdues du parti de la liberté de l'Inkatha (IFP), divisé.
La DA a asphyxié ses autres concurrents de l'opposition. En échange d'un appel au vote pour ce parti, la chef de file des Démocrates Indépendants (ID), Patricia de Lille, s'est vue confier le poste de maire du Cap.
° L'effritement de la barrière raciale
Représentant traditionnel des minorités (Blancs, Indiens, Métis, soit 21% des Sud-Africains), l'Alliance démocratique a décidé de cibler l'électorat noir pour poursuivre sa progression électorale.
Evoquée pour la première fois il y a cinq ans, cette stratégie (promotion de Noirs dans le parti, déplacements de campagne dans les townships) vient d'obtenir son premier succès. Le soutien de Noirs, "fatigués" de voter ANC, a triplé pour atteindre 6% selon la DA. Des districts "100% noir" ont été gagnés, la municipalité de Midvaal a été conservée.
Pendant la campagne, l'ANC n'a pas hésité à jouer la carte raciale pour dénoncé le "parti blanc". En guise de réponse, la dirigeante du DA, Helen Zille, s'est appropriée le discours de...Nelson Mandela. Elle pense que le prochain leader de la DA sera noir, l'objectif étant à terme de séduire une grande partie des électeurs de la "born free generation" sud-africaine, celle qui n'a jamais connu l'apartheid.
° L'accès aux services publics au coeur de la campagne
Jamais autant d'électeurs (57% de participation contre seulement 48% en 2006) n'avait voté aux municipales. En se focalisant sur l'accès aux services de base (eau, électricité, ordures ménagères,...), la campagne électorale a suscité un très fort intérêt.
Au cours des derniers mois, de nombreuses manifestations, parfois réprimées avec violence, ont eu lieu pour protester contre la dégradation ou l'absence de services publics de qualité. Une bataille des toilettes fut ainsi au coeur du débat entre l'ANC et la DA qui ont brandi leurs bilans respectifs.
Face au libéralisme économique de la DA, l'ANC a tenté de rappeler qu'il faudra beaucoup de temps pour corriger les inégalités liées à l'héritage de l'apartheid, mais que des progrès avaient été faits. Près de 84% des foyers sud-africains sont raccordés à l'électricité contre seulement 36% il y a dix-sept ans.
Prochain scrutin : les élections générales en 2014.

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