(Le Figaro 05/02/2013)
Tout au long de sa visite au Mali, samedi, François Hollande
l'a répété. «Les opérations militaires ne sont pas terminées.» Ce n'était pas là
qu'une simple formule. La guerre au Mali entre même dans sa phase la plus
délicate. «Il faut être très prudent. Nous entrons dans une période où, tant
d'un point de vue diplomatique que militaire, tout va se jouer», souligne
l'entourage présidentiel.
L'arrivée des soldats français à Kidal a sonné
le début de ce second temps. Comme Gao et Tombouctou, la ville, désertée par les
djihadistes, a été prise par des troupes spéciales. En parallèle, une imposante
colonne, composée d'un millier de fantassins tchadiens sous les ordres de
Mahamat Déby, le fils du président, est venue appuyer les Français. Paris a
décidé de renforcer son dispositif. Des militaires français sont déjà partis de
Gao et un important convoi doit quitter Tombouctou pour se diriger vers la
région. Des soldats ouest-africains et maliens devraient prendre seuls le
contrôle de Tombouctou, où il ne restera plus, dans les jours prochains, qu'une
poignée de troupes tricolores.
Ces renforts devront traquer les
islamistes qui ont fui les villes pour se répartir dans le désert. «Ils sont en
petits groupes, sans que l'on sache s'il s'agit d'une stratégie pour nous
harceler ou le résultat de la panique», confie un officier français. Des
concentrations composées de quelques pick-up ont été repérées au sud de Kidal,
dans les monts Abourak.
Mais le gros des miliciens a trouvé refuge au
nord de Kidal, dans l'immense massif montagneux des Iforas, qui a toujours formé
le sanctuaire des rébellions touaregs et, plus récemment, d'Aqmi. Ces hauteurs
et ces grottes offrent des protections que les djihadistes connaissent
parfaitement. C'est là qu'Iyad Ag Ghaly, le chef d'Ansar Dine, et Abou Zeid se
seraient repliés. «C'est difficile et cela peut être long. On opère à la
fourchette à escargots», souligne un militaire français.
«Ne pas faire
naître de ressentiment»
La nuit dernière, des avions français ont repris
leurs bombardements dans la zone. Dimanche, les chasseurs avaient visé les
alentours des villes d'Aguelhok et de Tessalit, près de la frontière algérienne.
Ces cités restent à conquérir. Contrairement à Gao ou Tombouctou, la région est
essentiellement peuplée de Touaregs sans doute plus favorables à l'insurrection.
«Il faut prendre garde à ne pas faire naître de ressentiment qui nourrirait une
future rébellion», souligne un diplomate.
Diplomatiquement, la situation
n'est pas plus simple. En arrivant à Kidal, capitale des Touaregs, les soldats
français ont trouvé les hommes de MNLA qui avaient réoccupé la ville. Ce
mouvement touareg, laïc et indépendantiste, a lancé la rébellion en janvier 2012
avant d'être évincé par les islamistes. Profitant de la débâcle des barbus, le
MNLA tente de revenir. «Nous sommes prêts à discuter avec les Français et à les
aider à traquer les islamistes», a assuré Moussa Ag Acharatoumane, le bras droit
du secrétaire général du MNLA, Bilal ag Achérif. L'idée pourrait séduire la
France mais la chose n'est pas simple.
Bamako se montre peu enclin à
négocier avec le MNLA
Paris reconnaît certes parler avec le mouvement.
«Mais nous avons été clairs: nous ne tolérerons pas d'actions contre l'armée
malienne», explique un proche du dossier. La France semble peiner à cerner les
revendications du MNLA et à lui faire accepter la présence de l'armée malienne.
«Nous ne trouvons pas d'interlocuteur et l'aide proposée pour chasser les
djihadistes reste pour l'instant un vœu pieux», souligne la même source. Le MNLA
apparaît de fait très divisé.
Les Français redoutent en outre que le MNLA
abrite dans ses rangs nombre d'anciens combattants d'Ansar Dine. Si l'hostilité
entre les chefs des deux groupes est très grande, la base des mouvements est
très poreuse. «Les soldats passent de l'un à l'autre selon leur intérêt», assure
un expert malien. Pour compliquer la donne, la France doit aussi faire face à un
nouveau groupe, le Mouvement islamiste de l'Azawad (MIA), qui se dit prêt à
combattre les djihadistes. Le MIA pourrait être ignoré s'il n'était dirigé par
l'ancien numéro deux d'Ansar Dine, Alghabass Ag Intalla, fils du chef
héréditaire de la plus puissante tribu de Kidal.
À ces difficultés
s'ajoute un autre obstacle. Bamako se montre peu enclin à négocier. Aux yeux de
nombreux Maliens, le MNLA passe pour le grand responsable du chaos dans lequel
le pays a plongé. Le mouvement concentre le ressentiment, plus encore que les
islamistes «C'est le MNLA qui a amené les armes de Libye. C'est le MNLA qui a
commencé cette guerre. Sans lui, ni Ansar Dine ni le Mujao n'auraient existé»,
affirme ainsi Sadou Diallo, le maire de Gao. Cette hostilité ne sera pas facile
à dépasser. Alors Paris entend faire simple. «L'urgence est de redéployer
l'administration afin de montrer que nous ne sommes plus dans une sécession ni
une rébellion», explique un
diplomate.
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La
France et les États-Unis souhaitent une force de paix de l'ONU
Paris et
Washington sont convenus lundi de la nécessité de mettre en place «aussi
rapidement que possible» au Mali une force de maintien de la paix placée sous
l'autorité de l'ONU, a déclaré le vice-président américain, Joe Biden, au côté
du président François Hollande.
«Nous sommes tombés d'accord sur le fait
que la force africaine au Mali soit aussi rapidement que possible placée sous
l'autorité de l'ONU», a déclaré lundi Joe Biden à Paris. C'est «une opération
qui devra devenir une opération de maintien de la paix», venait de dire à ses
côtés François Hollande. Le vice-président américain, reçu par le président
français à l'Élysée, a rendu hommage aux soldats français et a félicité la
France pour son action au Mali. «Au nom du président américain et au nom du
peuple américain, nous vous félicitons pour votre action décisive, et je dois
aussi louer la compétence impressionnante des forces militaires françaises (…)
Vous avez des forces armées très courageuses et très compétentes», a dit M.
Biden. (AFP)
Par Tanguy Berthemet
De notre envoyé spécial à
Bamako
© Copyright Le
Figaro
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