(Le Figaro 05/02/2013) Brouillés depuis près de 35 ans, quand le président égyptien
Anouar el-Sadate avait offert l'asile à l'ex-chah d'Iran, les deux pays n'ont
pas encore vraiment réussi à dépasser leurs divergences.
Attendu ce
mercredi dans la capitale égyptienne, à l'occasion du sommet de l'Organisation
de la coopération islamique, Mahmoud Ahmadinejad parviendra-t-il à briser pour
de bon la glace entre Le Caire et Téhéran? «J'espère que les relations
diplomatiques irano-égyptiennes seront totalement rétablies au plus haut
niveau», confiait, ce lundi, Amani Mojtaba, le chef de la section d'intérêts
iranienne à l'agence de presse Reuters. Mais si le président iranien, le premier
à se rendre au pays des Pharaons depuis l'avènement de la République islamique
en 1979, entend profiter de sa visite pour courtiser un allié régional potentiel
à l'heure où son soutien à Damas et sa course au nucléaire ne l'ont jamais
autant isolé sur la scène internationale, les Égyptiens apparaissent beaucoup
moins pressés de rétablir les ponts avec l'Iran.
Entre les deux pays, le
divorce remonte à près de trente-cinq ans. À l'époque, le nouveau pouvoir
islamique iranien reprocha au président Anouar el-Sadate d'avoir offert l'asile
à l'ex-chah d'Iran - qui finit par mourir au Caire, où se trouve son tombeau.
Mais c'est également pour dénoncer le traité de paix israélo-égyptien que les
ayatollahs chiites de Téhéran rompirent avec Le Caire. Adeptes des symboles
provocateurs, ils s'empressèrent, peu après la mort de Sadate, en 1981, de
rebaptiser l'une des grandes avenues de Téhéran avec le nom de son assassin,
Khaled Eslamboli. Un contentieux qui les poursuivit jusque sous Moubarak, peu
enclin à se rapprocher d'un pays qu'il a toujours perçu comme un élément
déstabilisateur dans la région.
«Le réveil islamique» de la rue
égyptienne
Paradoxalement, les deux pays sont unis par des liens à la
fois historiques et idéologiques qui dépassent les soubresauts de l'actualité
régionale. Un détour par Le Caire islamique, l'un des plus anciens quartiers de
la capitale égyptienne, où de vieilles mosquées chiites ont encore pignon sur
rue, permet de prendre la mesure de l'héritage laissé par la dynastie fatimide,
qui régna sur l'Égypte de 969 à 1171.
À l'inverse, l'histoire
contemporaine iranienne porte la marque de l'influence des Frères musulmans, et
de l'un de leurs théoriciens, le sunnite Saïd Qotb, véritable source
d'inspiration pour l'actuel guide religieux iranien, Ali Khamenei, qui a traduit
trois ouvrages du penseur égyptien en persan.
Avec la «révolution du Nil»
- dont les Frères musulmans sont aujourd'hui les grands gagnants - il eut donc
semblé naturel que Le Caire et Téhéran trouvent un nouveau terrain d'entente. Du
moins, du point de vue iranien. Pressé de ramener à la cause de son pays les
révoltes du printemps arabe, Khamenei salua dès février 2011 «le réveil
islamique» de la rue égyptienne.
Différend religieux
C'était sans
compter sur le différend religieux qui oppose les dirigeants chiites iraniens et
les sunnites de la Confrérie qui, sous influence de l'Arabie saoudite - dont ils
dépendent largement financièrement - restent loyaux envers leur «parrain». Le
président égyptien, Mohammed Morsi, veut également ménager ses relations avec
les États-Unis, qui, engagés dans une campagne de sanctions contre Téhéran à
cause de son programme nucléaire, aident l'armée égyptienne à hauteur de 1,3
milliard de dollars par an.
Mais s'il est un sujet particulièrement
sensible qui semble vouer à l'échec toute tentative de rapprochement, c'est bien
celui de la Syrie. Tandis que la République islamique continue à afficher son
inéluctable soutien à Bachar el-Assad, Morsi est un grand défenseur de la
révolution syrienne.
Lundi, Mahmoud Ahmadinejad a affirmé dans une
interview à une télévision libanaise que «la guerre n'est pas une solution en
Syrie», ajoutant «qu'il faut parvenir à une entente nationale». Le soir, le chef
de l'opposition syrienne Ahmad Moaz al-Khatib a proposé d'ouvrir des
négociations avec le vice-président syrien comme représentant du régime de
Damas.
Par Delphine Minoui
Correspondante au Caire
------------
Ahmadinejad au Caire, première visite d'un président
iranien depuis 1979
LE CAIRE - Mahmoud Ahmadinejad a entamé mardi au
Caire la première visite d'un président iranien en Egypte depuis 34 ans, par un
entretien protocolaire avec son homologue égyptien Mohamed Morsi sur la guerre
en Syrie et la normalisation entre les deux pays.
M. Ahmadinejad, qui
doit assister au 12e sommet de l'Organisation de la coopération islamique (OCI)
prévu mercredi et jeudi au Caire, a été accueilli au pied de la passerelle de
l'avion par le chef d'Etat égyptien, selon les images retransmises par la
télévision d'Etat.
Les deux présidents ont eu un entretien à l'aéroport
sur les moyens de régler la crise syrienne pour mettre fin à l'effusion du sang,
sans intervention militaire et sur les moyens de renforcer les relations entre
l'Egypte et l'Iran, selon l'agence officielle Mena.
M. Ahmadinejad,
président du plus grand pays musulman chiite, devait se rendre se rendre dans
l'après-midi au siège d'Al-Azhar, la prestigieuse institution théologique de
l'islam sunnite, selon des sources d'Al-Azhar.
Aucune autre indication
officielle n'a été donnée sur le reste du programme de M.
Ahmadinejad.
L'Egypte et l'Iran, membres de l'OCI, n'entretiennent pas de
relations diplomatiques, rompues par Téhéran pour protester contre les accords
de paix israélo-égyptiens conclus en 1979 par le président égyptien de l'époque
Anouar al-Sadate.
Les deux pays ne disposent depuis que de sections
d'intérêts dans leurs capitales respectives.
A son départ de Téhéran, M.
Ahmadinejad a émis l'espoir que sa visite ouvrirait la voie à une reprise des
relations bilatérales. Je vais essayer d'ouvrir la voie au développement de la
coopération entre l'Iran et l'Egypte, a-t-il dit.
Ce déplacement va sans
conteste influencer les liens bilatéraux, a-t-il estimé, ajoutant que si Téhéran
et Le Caire se voient plus souvent seul à seul sur les questions régionales et
internationales, beaucoup d'équations vont changer.
L'Iran et l'Egypte
s'opposent sur plusieurs dossiers régionaux notamment sur la crise syrienne,
Téhéran soutenant le régime du président Bachar al-Assad et le Caire appelant à
son départ.
Depuis l'élection en juin 2012 de M. Morsi, premier président
islamiste et civil d'Egypte, plus d'un an après la chute du régime de Hosni
Moubarak renversé par une révolte populaire, l'Iran a souhaité normaliser ses
relations avec Le Caire, mais le nouveau pouvoir égyptien fait montre de
prudence.
En août, M. Morsi s'était rendu à Téhéran où il avait assisté à
un sommet des pays Non-alignés, effectuant alors la première visite en Iran d'un
chef d'Etat égyptien depuis la révolution islamique iranienne de 1979.
A
l'occasion de la visite de M. Ahmadinejad, le ministre égyptien des Affaires
étrangères, Mohamed Kamel Amr, a assuré mardi qu'un rapprochement de son pays
avec l'Iran ne se ferait pas aux dépens de la sécurité des monarchies arabes du
Golfe.
La sécurité des Etats (arabes) du Golfe fait partie intégrante de
celle de l'Egypte, a-t-il dit en marge d'une réunion préparatoire du sommet de
l'OCI.
Les relations entre les monarchies du Golfe et l'Iran sont
tendues, Téhéran étant soupçonné de soutenir en sous-main la contestation chiite
à Bahreïn et de chercher à se doter de l'arme atomique.
(©AFP / 05
février 2013 14h03)
© Copyright Le
Figaro
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire