(Le Parisien 05/08/2011)
Le président déchu est entré dans le box des accusés sur un lit d’hôpital. Inculpé pour avoir donné l’ordre de tirer sur les manifestants pendant le soulèvement, il a plaidé non coupable. L’audience a été ajournée au 15 août.
Le visage émacié, les yeux hagards et surtout allongé sur un lit d’hôpital : lorsque l’ancien raïs a fait son entrée dans la cage réservée aux accusés, mercredi matin, les Egyptiens ont eu du mal à reconnaître celui qui a régné sans partage sur leur pays pendant vingt-neuf ans. Devant l’Académie de police, où avait lieu le procès, ceux qui suivaient l’audience retransmise en direct sur un écran géant ont hésité entre joie et stupeur.
Trois mères de « martyrs », les jeunes tués pendant la révolution, poussaient des youyous, en tenant à bout de bras les photos de leurs enfants. A côté d’elles, Esraa, une activiste anti-régime, avait les larmes aux yeux. « C’est fou de voir cette scène. Jusqu’à la dernière minute, je pensais qu’il ne viendrait pas. »
Après des années de lutte contre le régime d’Hosni Moubarak, des arrestations et des périodes de détention, Esraa savoure sa victoire, celle du peuple égyptien qui a crié sa soif de démocratie au début de l’année. « En même temps, c’est étrange de le voir comme ça : on a l’habitude de se battre pour nos droits contre quelqu’un qui paraît brutal, cruel, pas contre un vieillard. » Dans cette mise en scène, il pourrait aussi y avoir une tentative de manipulation de la part du régime, pour que la population s’apitoie sur le sort du président déchu.
Beaucoup regrettent que le procès ne porte que sur la révolution
Il n’empêche : officiellement, Hosni Moubarak risque toujours la peine de mort. Avec l’ancien ministre de l’Intérieur Habib el-Adly — symbole du système répressif pour les Egyptiens — et six autres prévenus, il est accusé d’avoir donné l’ordre de tirer sur les manifestants pendant le soulèvement de janvier. Au moins 846 personnes ont été tuées pendant la révolution, que ce soit par des snippers, lors d’affrontements avec la police ou les « baltaguias », ces hommes de main payés pour attaquer les manifestants, ou lorsque des camions de police ont foncé dans la foule… L’ancien raïs est aussi accusé, avec ses deux fils, Alaa et Gamal, de détournement de fonds publics lors de l’achat de cinq villas à Charm el-Cheikh et de corruption concernant les contrats gaziers avec Israël.
« Ce qui me déçoit le plus dans le procès Moubarak, c’est que les chefs d’inculpation sont si réduits », commentait hier une blogueuse égyptienne. Comme elle, beaucoup d’activistes regrettent que le procès ne porte que sur la révolution et pas sur les exactions commises par le régime d’Hosni Moubarak pendant trente ans.
« C’est une grande victoire », estime au contraire Sara, une comptable de 26 ans venue avec une amie regarder le procès devant l’Académie de police. « Une victoire qui a été obtenue grâce à la pression de la rue. » Le pouvoir militaire semble donc redorer son image grâce à ce procès, à un moment où les tensions s’accumulent dans l’Egypte de l’après-révolution : entre les mouvements de jeunes issus de la révolution et l’armée, et entre opposants islamistes et libéraux, qui ont peu apprécié la démonstration de force des salafistes et des Frères musulmans vendredi dernier sur la place Tahrir.
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