(Le Figaro 22/08/2011)
L'affaire DSK approche de son dénouement, du moins pour son volet pénal. Plusieurs signes indiquent un abandon des charges par le procureur lors de la prochaine audience, prévue mardi à 11h30, heure locale.
Citant des sources proches du parquet, le New York Post affirmait dimanche que le procureur s'apprêtait à déposer une motion d'abandon des charges, faute de pouvoir prouver la culpabilité de Dominique Strauss-Kahn «au-delà du doute raisonnable», du fait des problèmes de crédibilité de Nafissatou Diallo. Cette motion devrait revenir en détail sur les trois mois d'enquête qui ont suivi les événements du 14 mai au Sofitel de Times Square, après lesquels l'immigrée guinéenne a accusé l'ancien directeur du FMI de tentative de viol. Selon le New York Post, le parquet pourrait apporter de nouveaux détails sur l'affaire, accablants pour la femme de chambre du Sofitel. Ceux-ci s'ajouteraient à la longue liste de «problèmes» cités fin juin: mensonges sur un prétendu viol collectif antérieur en Guinée, mensonges à l'administration fiscale et mensonges directement liés à l'affaire.
L'avocat de Nafissatou Diallo, Kenneth Thompson, semble s'être fait une raison, mais espère encore un maintien de certaines charges. Il a reçu une lettre de convocation pour sa cliente au tribunal lundi après-midi. «Mon interprétation de la lettre, c'est qu'ils vont annoncer qu'ils classent complètement l'affaire ou abandonnent certains chefs d'accusation», explique-t-il au New York Times.
Dans la lettre, très courte, l'adjoint du procureur Artie McConnell écrit vouloir expliquer à la Guinéenne de 32 ans «ce qui devrait se passer le lendemain». Les avocats de DSK n'attendent rien de moins qu'un abandon total des charges. Ben Brafman a répété la semaine dernière dans le Sunday Telegraph qu'il n'avait jamais reçu de demande officielle de réduction des charges (ou plea deal) et qu'en aucun cas il ne l'accepterait car, dit-il, « M. Strauss-Kahn n'a commis aucun crime».
Si le procureur demande à classer l'affaire, démarche extrêmement rare après déposition sous serment devant un «grand jury», le juge Michael Obus devrait l'accepter immédiatement. L'ancien ministre français pourrait récupérer son passeport dès mardi et, s'il le souhaite, quitter sa maison de TriBeCa à 50.000 dollars pour prendre le premier vol pour la France. Pour bon nombre de juristes new-yorkais, il était devenu impossible pour le procureur de poursuivre cette affaire, celui-ci étant tenu par les règles d'éthique d'abandonner les charges s'il n'est pas certain de convaincre un jury «au-delà du doute raisonnable».
Cyrus Vance aurait intérêt à révéler autant d'informations que possible attestant des problèmes de crédibilité de la plaignante (faisant ainsi à leur place le travail des avocats de DSK) pour convaincre l'opinion publique qu'il a fait le bon choix. Il reste beaucoup de zones d'ombre sur Nafissatou Diallo, comme la teneur de sa conversation en foulani avec un détenu d'Arizona et l'usage fait des 100.000 dollars déposés sur son compte. Il est d'autant plus important pour Cyrus Vance de défendre sa position auprès de l'opinion - même si ce ne sont pas forcément des considérations politiques qui l'ont conduit à ce choix - que l'affaire DSK et ses rebondissements spectaculaires lui ont valu beaucoup de critiques des défenseurs des droits civiques et des mouvements féministes à New York.
Cette affaire peut encore avoir de sérieuses retombées politiques pour lui. Les avocats de Nafissatou Diallo qui l'avaient appelé à se récuser, continuent de l'attaquer. «Je m'interroge sur ses motivations depuis qu'il a tenté de discréditer Mme Diallo», déclare Douglas Wigdor au Journal du dimanche.
Lundi, Letitia James, élue démocrate afro-américaine de Brooklyn, organisera une manifestation devant le bureau du procureur lorsqu'il rencontrera Nafissatou Diallo. Sur la défensive, le District Attorney a déjà commencé une campagne de communication auprès de ses partisans pour expliquer sa démarche.
Un dangereux précédent
Quoi qu'il arrive, sa décision aura un prix. S'il abandonne les charges, on lui reprochera d'avoir sacrifié une immigrée déshéritée noire du Bronx et d'avoir instauré un dangereux précédent: les femmes violées ne pourront plus compter sur la justice si elles n'ont pas un passé irréprochable. S'il poursuivait l'affaire, on lui reprocherait d'agir pour des raisons politiques (et de gaspiller l'argent du contribuable) alors que le dossier Diallo est difficilement défendable. De l'avis des experts, cependant, les chances de réélection de Cyrus Vance ne devraient pas être forcément compromises en 2013.
Si DSK peut s'attendre à recouvrer bientôt son entière liberté, ses ennuis judiciaires ne sont pas finis. Dans un entretien au Journal du dimanche, Douglas Wigdor affirme que le procès civil en dommages et intérêts pourra se tenir dans un tribunal du Bronx, même «sans lui». DSK doit répondre avant le 8 septembre à l'assignation en justice présentée par Kenneth Thompson. Pour les juristes, si un procès civil est engagé, ce qui n'est pas assuré, la procédure entre la France et les États-Unis s'annonce longue, complexe et difficile.
Par Adèle Smith
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