(Les Afriques 10/05/2011)
Vendredi 6 mai, Paul Yao N’Dre, président du Conseil Constitutionnel de Côte d’Ivoire, a reçu la prestation de serment du nouveau président élu sous les couleurs du Rassemblements des Houphoueitistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) à l’occasion du deuxième tour de la présidentielle du 28 novembre 2010.
Un événement qui apparaît comme l’épilogue juridique d’une grave crise politique et sécuritaire à l’origine de la mort de 3000 individus (selon les nouvelles autorités) et d’un énorme gâchis économique et social.
Un film d’horreur dont l’ultime séquence a été l’arrestation du président sortant, Laurent Gbagbo, candidat battu de La Majorité Présidentielle (LMP), et son dernier carré de fidèles, retranchés dans un bunker au palais de Cocody, le 11 avril dernier.
Fait unique dans l’histoire politique du continent africain et du monde, la même juridiction avait déclaré vainqueur le chef de l’état sortant, M. Gbagbo, en annulant plus de 600.000 suffrages recensés dans 9 départements du Nord du pays pour « fraude » en violation de l’article 64 de la loi électorale, qui préconise la reprise du scrutin dans le cas d’espèce allégué.
Mais, surtout, en violation de l’esprit de l’Accord Politique de Ouagadougou (APO) signé entre les protagonistes de la crise ivoirienne qui conférait le droit de vote à de nombreux citoyens du Nord, qui étaient jusque là des sans papiers dans leur propre pays à la suite d’une instrumentalisation politique de la très sensible question de la nationalité.
De manière générale, le comportement du conseil constitutionnel ivoirien à l’occasion de l’élection présidentielle de novembre 2010 pose le problème de l’indépendance des magistrats africains.
Surtout ceux ayant la responsabilité des plus hautes juridictions, chargés de dire le droit en dernier recours.
Ainsi, à l’occasion de la cérémonie de prestation de serment de vendredi dernier, de nombreux intellectuels africains, spécialistes du droit, ont ressenti un profond malaise en écoutant le juge constitutionnel des bords de la lagune des pêcheurs ébriés dire que tous les ivoiriens étaient « responsables » de ce qui est arrivé au pays car « ils sont allés trop loin » dans la démesure.
Comme s’il tentait vainement de diluer la forfaiture des membres de la haute juridiction, qui n’ont pas eu le courage de prendre leurs responsabilités à un moment crucial de l’histoire du pays, dans des généralités.
Malgré ce constat déprimant, la leçon ivoirienne doit comporter une valeur pédagogique pour les juges et les politiques du continent.
Le professeur Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Salah, enseignant, avocat au barreau de Nouakchott et consultant en droit international, perçoit à travers le comportement de la haute juridiction ivoirienne un signe de « l’absence de l’institutionnalisation des règles de droit en Afrique ». Il exprime cependant l’espoir que ce contre exemple « serve à enrichir l’expérience de la justice dans ce pays et partout en Afrique, sur le chemin de l’instauration d’un véritable état de droit ».
Le célèbre professeur mauritanien espère qu’après cette grosse tourmente, marquée par « une période douloureuse, la Côte d’Ivoire va trouver la bonne voie, celle « qui conduit au respect de la règle de droit, à la fois valable pour ceux qui exercent le pouvoir et les opposants ».
Un responsable africain loue la démarche politique de Ouattara.
De passage à Nouakchott dimanche, dans le cadre d’une cérémonie de jumelage entre les capitales mauritanienne et sénégalaise, en sa qualité de conseiller municipal, Abdoulaye Moctar Diop, ministre d’état sénégalais, ministre de la Fonction Publique, met en avant l’intelligence de la démarche politique du président Alassane Dramane Ouatara.
Préférant ne pas insister sur l’image de la justice, il évoque « un scénario politique à l’issue duquel le président Alassane Ouatara est le grand gagnant. Parque ce qu’il a voulu être légaliste, en laissant les institutions mis en place par le régime Gbagbo, pour conférer à son pouvoir issue des urnes, une légalité avalisée par des personnalités qu’il n’a pas nommé.
Si bien qu’au nom de cette démarche, nul en Côte d’Ivoire et dans le monde, ne peut contester la validité de son mandat. Même si son élection dans les urnes a été parachevée par les armes » à cause d’un malheureux concours de circonstances.
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