lundi 21 février 2011

Libye: "C'est un massacre"

(L'Express 21/02/2011)

Alors que peu de renseignements traversent la frontière libyenne, les premiers témoignages d'habitants recueillis pas téléphone font craindre le pire.
Combien de morts? Alors que la répression s'est intensifié en Libye, il est difficile d'obtenir des informations précises sur la façon dont se passe les choses. L'organisation de défense des droits de l'homme Human Rights Watch estimé dimanche soir le bilan global à de 173 morts. Les témoignages recueillis par la radio suisse TSR par téléphone auprès des habitants de Benghazi, premier foyer de contestation, sont beaucoup plus alarmants.
"Les militaires tuent les gens sans pitié, raconte une jeune femme alors qu'on entend les fusils mitrailleurs vider leurs chargeurs au loin. Il n'y a plus de place pour les morts dans les réfrigérateurs. Hier (samedi), il y en avait près 300 morts. Plus de 200 n'ont pas encore été enterrés. "Plus personne n'est en sécurité. Ils sont en train de tirer sur les gens. Ils tirent des missiles sur les ambulances, ce sont des gens sans pitié. On a vraiment besoin d'aide", dit-elle encore.
Qui sont ces "bandits de Kadhafi" qui sèment la terreur dans l'est du pays? Des témoins rapportaient dimanche matin sur France Info que ceux qui tiraient seraient des mercenaires. Ils les décrivent comme "africains" portant des "casquettes jaunes".
La siutation est d'autant plus tendue qu'on murmure que certaines villes seraient désormais contrôlées par les opposants. Selon Euronews, la ville d'Ajdabiya serait, elle, aux mains des anti-Kadhafi, du moins temporairement. "Les manifestants ont formé des groupes qui dirigent maintenant la ville, raconte un habitant par téléphone. Nous appelons les Nations Unies et tous ceux qui ont une conscience à secourir Ajdabiyah. Les autorités ont envoyé des troupes pour reprendre le contrôle de la ville. Nous les attendons sur la place des martyrs. Tout le monde ici est prêt à défendre la ville contre ces mercenaires.
Réactions internationales
Par ailleurs, les manifestations qui émaillent le pays depuis le début de la semaine semblent se rapprocher lentement de Tripoli. Selon des témoins joints par l'AFP, des heurts sanglants ont éclaté samedi à Musratha, à 200 km à l'est de la capitale, et des dizaines d'avocats ont participé dimanche à un sit-in de protestation contre la répression devant le tribunal de Tripoli.
Sur la scène diplomatique, le ton monte. Les autorités libyennes ont convoqué un représentant de l'UE à Tripoli pour menacer de cesser de coopérer dans la lutte contre l'immigration si elle continue à "encourager" les manifestations dans le pays. La situation en Libye serait à l'ordre du jour de la réunion du conseil des affaires étrangères de l'Union européenne, lundi.
Pendant ce temps, les réactions internationales se sont multipliées. La France a commencé par publier un communiqué recommandant à ses ressortissants d'éviter les lieux de manifestation et de ne pas faire de photos ni de vidéo. Plus tard dans la journée, elle a tancé les autorités libyennes. "Il y a eu trop de violences en Libye ces dernières quarante-huit heures et l'usage disproportionné de la force n'est pas acceptable", a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero, interrogé par l'AFP. "
La Turquie a, elle, déjà rapatrié plus de 500 de ses ressortissants. Certains d'entre eux assurent avoir été victimes de violences à Benghazi. L'Autriche a aussi annoncé un rapatriement. L'Italie déconseille tout voyage dans l'Est du pays.
Menace islamiste
Véritable danger ou épouventail agité par le pouvoir libyen? Un haut responsable libyen a déclaré dimanche qu'un "groupe d'extrémistes islamistes, qui se fait appeler 'l'émirat islamique de Barka' retient en otage des éléments des services de sécurité et des citoyens" à Al-Baïda. Cette ville de l'est de la Libye est l'un des théâtres de la contestation, entraînant une répression qui a fait 23 morts selon Human Rights Watch. La prise d'otages aurait commencé "durant les affrontements des derniers jours et le groupe "demande la levée du siège imposé par les forces de l'ordre pour ne pas exécuter les otages". D'après ce responsable, "les deux policiers pendus vendredi à Al-Baïda l'ont été par ce groupe".
L'agence de presse officielle Jana a annoncé samedi l'arrestation d'un "réseau" de dizaines de personnes, "entraîné pour nuire à la stabilité de la Libye, à la sécurité de ses citoyens et à leur unité nationale" qui seraient "de nationalités tunisienne, égyptienne, soudanaise, palestinienne et syrienne", ainsi que "turque". Elles ont été "chargées d'inciter à des actes de pillage, de sabotage, comme d'incendier des hôpitaux, des banques, des tribunaux, des prisons, des commissariats de la police et de la police militaire, ainsi que d'autres bâtiments publics et des propriétés privées", a ajouté Jana.
Le colonel Kadhafi n'a toujours pas fait de déclaration officielle depuis le début du mouvement.

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