(Xinhuanet 21/02/2011)
YAOUNDE, 21 février (Xinhua) -- Au moment où une marche dite de la révolution est annoncée mercredi à Douala et des tracts circulent appelant à la démission de Paul Biya, le pouvoir camerounais, ses alliés et l'opposition restent malgré tout concentrés sur la présidentielle prévue logiquement en octobre, avec vraisemblablement le chef de l'Etat sortant candidat à sa succession.
Le quatrième depuis le multipartisme instauré en 1990, ce scrutin s'annonce déjà comme une sorte de remake des précédents, avec des acteurs traditionnels de l'opposition et de nouvelles candidatures de seconde zone et de figuration, face à Paul Biya, « candidat naturel » déclaré de son parti, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC).
A la tête du pays depuis novembre 1982 suite à la démission du premier président camerounais Ahmadou Ahidjo, le chef de l'Etat, élu en 1992 pour un mandat de 5 ans et réélu en 1997 et 2004 pour deux mandats consécutifs de 7 ans, entend sans doute défendre la poursuite de sa politique des « Grandes Ambitions » lancée lors de la dernière présidentielle en 2004.
Au regard d'une opposition comme liquéfiée et qui n'a jamais réussi à s'accorder sur une candidature unique, sa réélection, sauf coup de tonnerre, peut être considérée comme acquise. « On est effectivement dans le scénario de l'étroitesse de la marge de manoeuvre de l'opposition dans un contexte de parti dominant, en l' occurrence ultra-dominant », a analysé à Xinhua Dr. Firmin Mbala, politologue enseignant à l'Université catholique d'Afrique centrale (UCAC) à Yaoundé.
De facto, l'universitaire décrit trois types de candidatures qui, en tout état de cause, « vont être des candidatures dont la marge de manoeuvre effectivement va être resserrée ». En premier lieu, « des candidatures de présence, c'est-à-dire qu'on a un certain nombre de courants partisans politiques dans la société camerounaise, qui ont un background historique important ».
« Je pense à l'UPC (Union des populations du Cameroun, ndlr). Notamment, on ne peut pas penser qu'une élection se fasse sans l' UPC ». Grande force de résistance du temps de la colonisation française, avec des figures historiques comme Ruben Um Nyobè, mort exécuté en 1958, deux avant l'indépendance de son pays, et érigé plus tard en héros national, cette formation, minée par des querelles intestines de leadership, est aujourd'hui l'ombre d'elle- même.
Dans la deuxième catégorie de candidatures, Firmin Mbala désigne les « candidatures prospectives », pour lesquelles on aura affaire à « des candidats qui seront probablement des candidats pour prendre date ».
Le troisième type de candidatures, c'est celle « des candidatures de négociation », autrement dit « un ensemble de candidats qui participeront aux élections pour mesurer leurs forces et ensuite négocier éventuellement avec le pouvoir des rétributions qui ne sont pas nécessairement sous forme de strapontins dans le gouvernement, mais qui peuvent être des rétributions de type institutionnel, etc. »
Comme preuve à cette analyse, le paysage politique camerounais est fleuri par une pléthore de formations qui entretiennent une grande confusion sur les capacités de séduction de l'électorat de leurs dirigeants et, en conséquence, ne concourt pas pour l' opposition à changer la donne pour le contrôle du pouvoir.
Au 11 janvier, sur une population de 19,4 millions d' habitants, 253 partis politiques légalisés étaient dénombrés par le ministère de l'Administration territoriale et de la Décentralisation. Bien avant cette date, le décor de la future élection a commencé à se planter avec l'annonce des premières candidatures en 2010, émanant pour l'instant cependant de personnages sans influence et assise politique évidentes.
Ainsi de celle de Kah Walla, une quadragénaire ex-responsable de la commission des stratégies du Social Democratic Front (SDF, principal parti d'opposition) ou de Paul Zambo du Mouvement pour le développement intégral de la République (MDIR), absolument inconnu au bataillon. De leur côté, aucun des véritables barons de l'opposition ne s'est encore prononcé, qu'il s'agisse du « Chairman » du SDF Ni John Fru Ndi ou d'Adamou Ndam Njoya de l' Union démocratique camerounaise (UDC).
Derrière le SDF qui en compte 16 contre 153 pour le RDPC sur les 180 sièges de députés de l'Assemblée nationale (Parlement), l' UDC représente la quatrième force politique avec 4 élus lors des dernières élections législatives en juillet 2007, derrière l'Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP) de Maïgari Bello Bouba (ministre d'Etat en charge des Transports), allié du parti au pouvoir, 6 députés pour sa part.
A en juger par leurs multiples sorties médiatiques, ces leaders et leurs formations affûtent néanmoins leurs armes pour la bataille annoncée. Ci-devant « chasseur de lion », ainsi surnommé en référence à sa candidature en 1992 contre Paul Biya menant sa campagne sous l'appellation de « l'homme lion », Jean-Jacques Ekindi, seul député du son parti, le Mouvement progressiste (MP), mobilise lui aussi ses troupes.
Tous les quatre, Fru Ndi, Ndam Njoya, Bello Bouba (devenu allié du RDPC lors de la présidentielle de 2004) et Ekindi ont la particularité d'avoir boycotté le scrutin de 1997, après avoir concouru sans succès en 1992 où, selon les résultats officiels, le premier, contestant sa défaite avec 35,93% voix contre 39,97% pour Paul Biya, s'était autoproclamé président dans sa vielle natale de Bamenda, dans le Nord-ouest.
Crédité de 19,21%, Bello Bouba avait été classé troisième, suivi de Ndam Njoya, 3,62%, et Ekindi, 0,42%. En 2004, si Ndam Njoya a pu améliorer légèrement son score en obtenant 4,47% des suffrages, Fru Ndi a chuté à 17,40% et Ekindi à 0,27%. Pour Firmin Mbala, « chacune de ces candidatures est spécifique. C'est souvent des candidatures que je préfère appeler des candidatures de présence et de négociation ».
De ce paysage, émergent des offres alternatives d'acteurs issus quelquefois de la société civile et qui ont « également des chances de prospérer et de connaître un succès tout modeste, mais qui ne serait pas insignifiant », estime le politologue. Des adversaires de plus qui, autant que les challengeurs traditionnels, préoccupent moins le pouvoir que la participation à la future élection.
Des caravanes pour l'inscription sur les listes électorales sillonnent le territoire camerounais, animées par des pontes du régime, membres du gouvernement, directeurs généraux de sociétés d' Etat et opérateurs économiques. Motif : « Le pouvoir ne peut pas concevoir que sa victoire écrasante qui s'annonce se fasse dans des conditions décevantes du point de vue du taux de participation», souligne Firmin Mbala.
Sur ce point, force est de reconnaître que « le pari n'est pas gagné, d'autant que continue de persister la contestation au sujet de l'organisme qui est chargé théoriquement de manière indépendante de veiller à la bonne marche du scrutin ».
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