(L'Express 23/02/2011)
Dans les plaines de Cyrénaïque, les hommes se rendent au travail et à Benghazi, deuxième ville de Libye, les habitants restituent les armes sous le contrôle des insurgés.
Le calme dans l'Est de la Libye contraste avec les informations provenant de la capitale, Tripoli, faisant état d'une répression meurtrière contre les opposants à Mouammar Kadhafi.
La province de Cyrénaïque, qui recouvre le Nord-Est du pays jusqu'à la frontière égyptienne, est passée aux mains des opposants, rapportent plusieurs témoins et des officiers de l'armée s'étant affranchis de Tripoli.
La Cyrénaïque avait été le théâtre d'un soulèvement contre Kadhafi en 1996 et le dirigeant libyen n'avait pas hésité à lancer son armée de l'air pour écraser la rébellion.
Cette fois, à en croire les témoins joints par Reuters, la révolte a atteint son but en une semaine à Benghazi et le discours-fleuve du colonel est presque passé inaperçu mardi malgré ses menaces de représailles.
"Les citoyens commencent à collecter les armes dans la ville et les ramènent car, dorénavant, ils se sentent en sécurité et ils n'en ont plus besoin", dit Ahmed El-Rayet par téléphone.
Les imams et des comités formés de jeunes et d'intellectuels - avocats, médecins, etc... - appellent la population à abandonner les armes prises aux forces de sécurité, raconte-t-il.
"La situation est stable depuis l'arrestation des bataillons et la ville est sous le contrôle des habitants et de la jeunesse, qui font la circulation avec la police", ajoute Ali, étudiant de 18 ans qui refuse de donner son nom de famille.
Selon lui, la collecte des armes à Benghazi, une ville de 700.000 habitants, a commencé dès lundi soir.
"La restitution des armes a commencé avant même le discours de Kadhafi. De toute façon, personne à Benghazi ne fait plus attention à ce que dit Kadhafi, surtout après le discours d'hier, il dit quelque chose et fait l'inverse", dit Ali.
El-Rayet, qui affirme travailler dans les Emirats, a prolongé une visite familiale à Benghazi et pu constater le basculement de la ville: "Depuis lundi, Benghazi est calme, propre et sûre", dit-il.
En venant de la frontière égyptienne, les indices d'une révolte sont invisibles. Dans les petites villes comme Al-Izziyat, entre Tobrouk et Benghazi, au sud des monts du Djebel al Akhdar, des hommes discutent aux tables des cafés.
Nul policier ou militaire, peu de signes de tension dans la population.
En bord de route, les chevriers gardent leurs troupeaux et, si ce n'étaient les minibus chargés d'ouvriers égyptiens et syriens, personne ne pourrait dire qu'une région vient de s'affranchir du pouvoir central.
"Il n'y a rien eu ici. Tout s'est passé dans les villes comme Benghazi et Tobrouk", dit un travailleur rencontré à la station-service d'al Kharouba, petit bourg aux confins du désert.
Les immigrés quittent Benghazi car il n'y a plus de travail mais ne fuient pas la violence.
"Il n'y a plus de danger maintenant. Nous espérons revenir", dit un Syrien de 40 ans, Farhan Abou Mogthab.
À mesure que l'on s'approche de Benghazi, les signes de la révolte fleurissent. Ici un tag réclamant "la chute du tyran", là des coups de feu, probablement de liesse.
"Nous avons brisé la barrière de la peur, nous n'abandonnerons pas", peut-on lire en arabe sur un immeuble.
Avec Sarah Mikhail au Caire, Clément Guillou pour le service français
Par Reuters publié le 23/02/2011 à 14:04
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