(Le Monde 28/02/2011)
Le premier ministre tunisien par intérim, Mohamed Ghannouchi, dont les manifestants réclamaient le départ, a annoncé dimanche 27 février au soir sa démission. "J'ai décidé de démissionner de ma fonction de premier ministre", a déclaré M. Ghannouchi, qui avait pris les rênes d'un gouvernement de transition après la chute le 14 janvier du président Ben Ali.
Le président tunisien par intérim, Foued Mebazaa, a annoncé peu après la nomination au poste de premier ministre de Béji Caïd Essebsi, ministre sous Habib Bourguiba, premier président de la Tunisie indépendante. Réputé pour être un libéral, M. Essebsi a détenu notamment les portefeuilles de la défense et des affaires étrangères. Il a été également président de la Chambre des députés en 1990-1991.
PAS D'EXPLOSION DE JOIE À TUNIS
Cette démission intervient après plusieurs journées de contestation et de violences dans la capitale tunisienne. Cinq personnes ont été tuées, samedi, lors des affrontements ayant opposé à Tunis les forces de sécurité à des manifestants. Parlant devant la presse, M. Ghannouchi a déclaré : "Je ne serai pas le premier ministre de la répression. (...) Je ne suis pas le genre de personne qui va prendre des décisions qui pourraient provoquer des victimes."
Dimanche matin, le cœur de la capitale tunisienne avait encore des allures de champ de bataille. Scandant des slogans hostiles au gouvernement, des protestataires tentaient de s'approcher en petits groupes du ministère de l'intérieur, sur l'avenue Habib-Bourguiba. La police a riposté en tirant en l'air et à coups de grenades lacrymogènes.
Certaines interpellations ont été très violentes, selon des témoins, et des jeunes manifestants "suppliaient" les policiers d'arrêter de les frapper. Des jeunes lançaient des pierres sur des immeubles pour briser les vitres et avaient dressé des barricades pour freiner l'avancée des policiers. Les heurts se sont rapidement arrêtés sitôt connue la nouvelle de la démission du premier ministre, une annonce qui, toutefois, n'a pas été saluée par une explosion de joie.
UNE NOMINATION "RAPIDE ET SANS CONSULTATION"
Depuis la nomination de M. Ghannouchi comme premier chef du gouvernement de l'après-Ben Ali, il n'y a pratiquement pas eu un jour de répit depuis la chute et la fuite de l'ancien président Ben Ali le 14 janvier. La première équipe qu'il avait formée, avec notamment des poids-lourds de l'ancien régime, n'a pas tenu deux semaines. Au bout de cinq jours de manifestations sous ses fenêtres, il avait jeté l'éponge le 27 janvier et formé une nouvelle équipe expurgée, tout en sauvant sa tête.
Le premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi annonce sa démission lors d'une conférence de presse, le 27 février 2011.AP/HASSENE DRIDI
La haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, Catherine Ashton, a salué la nomination de Béji Caïd Essebsi et s'est félicitée que les élections soient prévues "avant la mi-juillet", tout en espérant que "le gouvernement de transition" puisse "assurer une transition rapide et en douceur". Mais cette nomination "rapide et sans consultation a été une surprise", a estimé le responsable de la puissante Union générale des travailleurs tunisiens, Ali Ben Romdhane.
"Comment peut-on s'assurer l'entente souhaitée pour sortir la Tunisie de la situation difficile lorsque le président ne se donne pas au moins vingt-quatre heures pour des consultations sur la désignation d'un premier ministre, quel qu'il soit ?", s'est interrogé le syndicaliste.
LEMONDE.FR avec AFP et Reuters
27.02.11
16h14 • Mis à jour le 28.02.11
09h33
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