(Le Progrès 19/02/2011)
Une semaine après le départ d’Hosni Moubarak, des centaines de milliers de manifestants sont revenus hier place Tahrir au Caire pour fêter la chute du raïs et maintenir la pression sur l’armée pour qu’elle libère les détenus et assure de vraies réformes démocratiques.
Une immense foule agitant des drapeaux égyptiens s’est rassemblée dans une ambiance de fête dans ce haut lieu de la révolte populaire qui a forcé M. Moubarak à mettre un terme à trois décennies de pouvoir sans partage.
« C’est une fête, nous sommes très heureux, Moubarak est parti. Je pense que nous allons revenir toutes les semaines, tous les vendredis », déclarait Nasser Mohammed, 50 ans. Après la prière, un influent théologien d’origine égyptienne basé au Qatar, Youssef Al-Qardaoui, a appelé les leaders arabes à écouter leur peuple. « Je m’adresse aux dirigeants arabes : n’arrêtez pas l’Histoire. Le monde a changé, le monde avance et le monde arabe a changé de l’intérieur », a-t-il lancé.
Au Caire, la place Tahrir restait entourée de chars et un cordon de militaires vérifiait les identités aux différents points d’accès. Des membres de comités populaires composés de manifestants assuraient aussi des contrôles.
L’armée, qui fut un pilier du régime, reste populaire en Égypte, saluée pour sa retenue face aux manifestants.
Les militaires ont d’ailleurs confirmé une hausse de 15 % des salaires des fonctionnaires et des retraites, alors que le pays connaît une vague de grèves et de mouvements sociaux.
À l’image de la Tunisie, puis de l’Égypte, la rue ne baisse plus les bras. Les révoltes populaires contre les régimes autoritaires n’ont pas cessé hier, jour de grande prière, dans l’ensemble du monde arabe. En face, les gouvernements ont eux aussi encore montré leur détermination à ne pas céder en renforçant une répression qui a déjà fait plus de 30 morts cette semaine.
> En Libye, où le colonel Kadhafi règne depuis 42 ans, les comités révolutionnaires, pilier du régime, ont menacé les manifestants d’une riposte « foudroyante », alors que la répression de la contestation a fait au moins 46 morts dans les dernières 72 heures, la plupart ayant été touchés à la tête, à la poitrine ou au cou, selon Amnesty International.
Les mouvements de protestations, dont celui de jeudi qui répondait à un appel sur Facebook à une « journée de la colère », ont été violemment réprimés. Quatorze personnes y ont été tuées jeudi dans des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre.
L’organisation Human Rights Watch (HRW) a fait elle état d’un total de 24 morts pour la même journée de jeudi.
Trois détenus ont par ailleurs été tués hier par les forces de l’ordre alors qu’ils tentaient de s’évader d’une prison près de Tripoli.
> À Bahreïn, royaume pétrolier du Golfe, la monarchie sunnite a déployé l’armée dans la capitale Manama, où des manifestants demandent une libéralisation du système politique, dont la majorité chiite se sent exclue. Le royaume est d’une importance stratégique pour Washington, servant de quartier général à sa Ve flotte, chargée de surveiller les routes maritimes pétrolières dans le Golfe, soutenir les opérations en Afghanistan et contrer une éventuelle menace iranienne.
Des milliers de personnes ont participé hier aux obsèques de quatre chiites tués la veille dans un raid sanglant des forces de sécurité contre un sit-in. Au total, selon des sources officielles, cinq personnes ont été tuées et au moins 200 blessés depuis le début lundi de la contestation.
La France a annoncé hier qu’elle avait suspendu les exportations de matériel de sécurité à destination de la Libye et de Bahreïn.
> Au Yémen, deux manifestants ont été tués hier 27 autres blessés dans une attaque à la grenade hier contre des manifestants hostiles au président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.
Au moins trois personnes avaient été tuées et une vingtaine blessées par balles dans la nuit à Aden, principale ville du sud, lors d’affrontements entre la police et des centaines de manifestants.
Ce bilan porte à sept le nombre des tués depuis le début du mouvement, qui ne faiblit pas en dépit des promesses de mesures sociales et économiques, dont une augmentation des salaires.
État pauvre de plus de 23 millions d’habitants, le Yémen est considéré comme un participant stratégique par les États-Unis dans la lutte contre les groupes terroristes inspirés par Al-Qaïda.
> En Jordanie, huit personnes ont été blessées à Amman lorsque des partisans du gouvernement ont attaqué une manifestation de plusieurs centaines de jeunes appelant à des réformes politiques.
> En Irak, dans le nord, le Goran, principale formation d’opposition à l’Assemblée nationale du Kurdistan, a réclamé « une réunion du Parlement (kurde) dans les 48 heures, ainsi que la mise en place d’une commission d’enquête », au lendemain de la mort de deux jeunes au cours d’une manifestation hostile au gouvernement régional.
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