(Afrik.com 11/01/2013)
Première puissance économique du continent africain,
l’Afrique du Sud est aujourd’hui confrontée à des revendications sociales
récurrentes qui gangrènent l’économie du pays et portent atteinte à sa
réputation. Aujourd’hui, les protestations gagnent du terrain et semble dépasser
le gouvernement actuel de Jacob Zuma.
En août 2012, l’Afrique du Sud
revisitait l’un des moments les plus difficiles de sa jeune démocratie, née à
l’aube de l’apartheid. Une grève déclenchée par des miniers et sévèrement
réprimée dans le sang avait en effet suscité la colère et l’indignation dans le
monde entier. Les grévistes de Marikana, un village situé dans la province
Nord-Ouest de l’Afrique du Sud, protestaient depuis plus de six semaines
réclamant une augmentation des salaires. Le mouvement avait été déclenché le 13
août lorsque trois mille foreurs de fond du complexe Lonmin de Marikana se
lancèrent dans une grève interminable réclamant un salaire de base de 1.250
euros par mois, soit une augmentation de 200%.
La grève, qui visait à
changer le statut économique de plusieurs d’entre eux qui disposaient de
salaires très modestes, était un signal fort lancé au gouvernement actuel de
Jacob Zuma pour un meilleur traitement de la classe ouvrière en Afrique du Sud,
en l’occurrence les miniers. Elle était plutôt pacifique, jusqu’à la date du 16
août 2012 lorsque, débordés par l’ampleur de la situation qui prenait une
nouvelle tournure politique, des policiers tirent à balles réelles dans la foule
rassemblée sur les flancs de la colline pour exiger leurs droits. Ce fut le
début d’une longue et très médiatisée confrontation entre la classe moyenne
sud-africaine et le gouvernement de Jacob Zuma. Des critiques fusent de partout
et l’on n’hésitait pas à demander que des enquêtes soient ouvertes afin de punir
avec la dernière énergie les responsables.
Une victoire sur des charbons
ardents
Quelques mois plus tard, suite à la tournure qu’avait pris la
confrontation, les 28 000 mineurs grévistes du complexe Lonmin de Marikana
finirent par obtenir gains de cause. A l’issue des négociations présidées par
l’évêque anglican, Johannes Seoka, un accord, qui donnait une augmentation
générale et immédiate de 11% à 22% des salaires, finit par être trouvé.
L’Afrique du Sud pensait à travers cet accord tourner la page des revendications
sociales qui gangrènent depuis longtemps le pays. Mais ce ne fut pas le cas. La
fameuse grève de Marinaka, aujourd’hui plus connue sous le nom de « massacre de
Marikana », n’est que l’arbre qui cache la forêt.
Les problèmes de la
classe moyenne sud-africaine, notamment la classe ouvrière, est en réalité loin
d’être résolus. Aujourd’hui, le pays est encore replongé dans une spirale
socio-économique. En effet, ce mercredi 10 janvier, de violents incidents ont, à
nouveau, éclaté à De Doorns, dans la région du Cap. Cette fois-ci, c’est une
autre classe ouvrière qui est entrée en lice : les ouvriers agricoles. Tout
comme les miniers de Marikana, les quelques 3 000 ouvriers agricoles à De
Doorns, à 100 km du Cap, dans une région productrice de vin, de fruits et de
légumes, revendiquent aussi une augmentation de leurs salaires de 70 à 150 rands
(6 euros à 13 euros). Le mouvement avait éclaté en novembre dernier avant d’être
suspendu faisant deux morts dans des affrontements avec la police. Les nouvelles
échauffourées qui ont été enclenchées hier n’ont pour l’heure fait aucune
victime, mais le pays retient son souffle.
Une société minée
d’inégalités
Actuellement, de nombreuses questions sont soulevées et
certains voudraient avoir des explications concernant les fréquentes
revendications sociales auxquelles est confronté le pays de Jacob Zuma, un pays
considéré comme la riche du continent africain et membre à part entière du
cercle très restreint des pays émergents. Bernard Lugan, historien et
spécialiste de l’Afrique, livre son analyse sur la situation actuelle que
traverse la nation arc-en-ciel. Il souligne le mirage sud-africain et accentue
l’échec de l’ANC, le parti au pouvoir, dans trois domaines. Le chômage touche
environ 40% des actifs et le revenu de la tranche la plus démunie de la
population noire, soit plus de 40% des Sud-africains est inférieur à près de 50%
à celui qu’il était sur le régime blanc d’avant 1994. Le climat social est
empoisonné par les criantes inégalités nourries par les « blacks diamonds » qui
affichent avec insolence un luxe ostentatoire. Le pays est livré à la loi de la
jungle et les crimes y sont fréquents. Et enfin, le mérite et la compétence n’y
ont plus leur sens car ayant été remplacés par la préférence raciale ou
communautaire.
Le même jugement est fait par Lucien Pambou. Joint par
Afrik.com, le conseiller municipal UMP de la ville d’Alfortville et de plusieurs
associations dénonce la mauvaise gestion du pouvoir par le gouvernement actuel.
« L’ANC s’est juste contenté de vanter les mérites de Mandela, mais n’a rien
fait pour améliorer la situation de la classe ouvrière Sud-africaine qui ne
s’améliore pas du tout », déclare-t-il. Et de poursuivre : « le président Zuma
est plutôt intéressé par sa réélection que par sur la situation actuelle de la
société sud-africaine. Le pays fait parti des nations émergentes et elle doit
s’ouvrir aux nations émergentes en vue d’améliorer les conditions de vie des
citoyens ».
En Mars 2011, le taux de chômage avait déjà atteint les 25%
selon un chiffre officiel publié par l’office sud-africain. L’organisation de la
dernière coupe du monde ainsi que celle de la prochaine coupe d’Afrique des
nations témoignent encore que le pays reste une référence sur le plan économique
au niveau du continent africain. Néanmoins, les fréquentes revendications
sociales et l’incapacité du gouvernement sud-africain qui n’arrive pas à gérer
la situation prouve qu’il y a encore des efforts énormes à
fournir.
par Cheikh Dieng
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