lundi 19 septembre 2011

R.D. CONGO\RWANDA - En visite à Paris, Kagame négocie la vente des mines et des terres arables congolaises

(Le Potentiel 19/09/2011)

Le président rwandais compte réaliser de juteuses affaires avec la France. Curieusement, face à la réalité des ressources naturelles du Rwanda, il saute aux yeux que Paul Kagame lorgne vers les frontières congolaises.
Paul Kagame l’a déclaré aux opérateurs économiques français lors de sa récente visite au pays de Nicolas Sarkozy : «Le Rwanda est prêt pour les affaires, il y aura des opportunités dans tous les secteurs, de l’agriculture à l’activité minière, des télécommunications aux infrastructures … Le secteur privé rwandais est la base de notre économie. Une économie ouverte à tous, sans restriction » : l’invitation du président Kagame est claire et s’adresse aux dirigeants des entreprises françaises rencontrées lors de sa visite à Paris. Ces informations sont rapportées en détail par le quotidien du gouvernement rwandais «New Times».
Mais, quels minerais le Rwanda compte-t-il proposer aux Français ? Le coltan ? L’or ? … Des statistiques démontrent que ce pays ne peut pas offrir en quantité ces minerais aux industriels sans s’approvisionner en RDC. Cela voudrait-il signifier que le Rwanda jouerait aux commissionnaires ? Dans cette éventualité, il est illusoire de passer par ce pays voisin pour avoir accès aux ressources se trouvant en RDC. Le Rwanda n’exerçant pas sa souveraineté sur les ressources se trouvant sur le sol congolais.
Ceux des opérateurs économiques français désireux de s’approvisionner en ces différents minerais ont intérêt à passer directement auprès du gouvernement congolais. Transiter par le Rwanda équivaudrait à alimenter l’insécurité. Par conséquent, l’instigatrice, la France, porterait elle aussi une lourde responsabilité au même titre que l’exécutant de cette sale besogne au détriment des populations congolaises. Avec plus de 6 millions de morts, les Congolais sont échaudés à l’idée de voir se relancer les affaires portant sur les minerais avec le Rwanda.
La guerre de prédation enclenchée depuis 1996 et qui se poursuit sous des formes plus subtiles nécessitent que la coopération entre les Etats des Grands Lacs se fassent sur des bases clairement définies, en lieu et place des intrigues en tous genres. La visite de Kagame en France, et même à l’Elysée, a scellé la réconciliation entre les deux gouvernements après des années des relations diplomatiques difficiles marquées par des accusations mutuelles d’implication dans le génocide rwandais de 1994. Il est déplorable que cette réconciliation ait, visiblement, comme socle la négation des intérêts congolais.
La psychose d’une nouvelle guerre
Il convient de se poser la question de savoir, où le président Kagame trouvera-t-il des terres arables à offrir aux Français pour la production agricole ? Il est notoirement connu que le Rwanda ne dispose pas de suffisamment d’espace pour installer sa propre population. En trouverait-il subitement pour sa coopération agricole avec la France ? Dans cette hypothèse, les échos qui viennent de l’Est ne devraient plus rassurer d’autant plus qu’il est fait état d’implantation massive des populations rwandaises sur les terres congolaises.
Les rencontres avec le président Nicolas Sarkozy et avec les chefs d’entreprises ont été critiquées par les défenseurs des droits de l’Homme et des libertés, qui ont souligné les méthodes autoritaires de Kagame dans son pays et qui ont rappelé que ses troupes sont responsables de crimes et abus, à la fois au Rwanda et en République démocratique du Congo. Certaines associations ont fait remarquer qu’au nom des intérêts économiques, la France ferme les yeux sur de nombreux chapitres sombres du passé marqué par des violations et crimes.
La vente des minerais congolais et des terres arables congolaises sans l’implication réelle des Congolais ne serait qu’une chimère. Elle se ferait au détriment de la paix dans la sous-région des Grands Lacs africains.
Silence radio à Kinshasa
Le coup diplomatique du président rwandais à Paris ne devrait pas laisser la RDC indifférente. Les autorités tout comme les élites ont l’obligation d’émettre des réserves face aux réalités du passé commun entre les deux pays. De bonne foi, ces prétentions du président rwandais peuvent paraître comme une opération entre deux Etats souverains. Seulement, ce n’est pas le cas dans la mesure où les ressources sont essentiellement en RDC.
Quant à certains observateurs congolais, lucides, ils ont encore frais en mémoire cette déclaration surprenante du président français devant des diplomates accrédités à Paris, parlant du Rwanda et de la RDC : «Quant à la région des Grands Lacs, la violence s'est une nouvelle fois déchaînée. L'option militaire n'apportera aucune solution aux problèmes de fond qui se posent de façon récurrente depuis dix ans. Cela met en cause la place, la question de l'avenir du Rwanda, avec lequel la France a repris son dialogue, pays à la démographie dynamique et à la superficie petite. Cela pose la question de la République démocratique du Congo, pays à la superficie immense et à l'organisation étrange des richesses frontalières. Il faudra bien qu'à un moment ou un autre il y ait un dialogue qui ne soit pas simplement un dialogue conjoncturel mais un dialogue structurel : comment, dans cette région du monde, on partage l'espace, on partage les richesses et on accepte de comprendre que la géographie a ses lois, que les pays changent rarement d'adresse et qu'il faut apprendre à vivre les uns à côté des autres ?» Question : ne serait-ce pas déjà la mise en application du Plan Sarkozy ? Le silence radio de Kinshasa, à ce sujet, ne rassure pas.

Par BIENVENU MARIE BAKUMANYA
© Copyright Le Potentiel

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire