mardi 20 septembre 2011

Nigeria - BOKO HARAM AU NIGERIA: une poudrière islamiste pour l’Afrique de l’Ouest

(Le Pays 20/09/2011)

Les mots "négociation" et "dialogue" semblent absents du dictionnaire de la secte islamiste nigériane Boko Haram. Et gare au membre qui oserait user de ces mots ! Il pourrait payer pour son audace. C’est ce qui est arrivé le 17 septembre dernier à Babakura Fugu, beau-frère du défunt gourou de la secte (Mohammed Yusuf), criblé de balles chez lui par des coreligionnaires.
Son crime : avoir participé la veille à une rencontre tenue à Maiduguru entre la famille de l’ex-chef de la secte et l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo dont l’objectif était de convaincre Boko Haram de revenir à la table du dialogue. Au passage, Obasanjo, que l’on dit « avoir l’oreille » du président Goodluck dans sa démarche, a été mis en garde par les exécutants du beau-frère du gourou. Les fous de Allah lui promettent le même sort s’il ne rénonce pas très vite à son initiative. Un message clair qui, malheureusement, annihile tout effort de recherche de solution au problème.
Jusque-là, on a toujours accusé le pouvoir d’Abuja d’utiliser uniquement la répression contre cette secte. Mais l’assassinat de son gourou ne l’a pas mise sous l’éteignoir. Bien au contraire ! Cet événement tragique semble avoir même radicalisé le mouvement qui ne se contente plus, dans son fief de Maiduguru, de s’en prendre aux chrétiens, d’attaquer des églises ou des commissariats de police.
Il s’aventure en dehors de ses bases comme en témoigne l’attentat-suicide perpétré le 26 août dernier au siège de l’ONU à Abuja (revendiqué par le mouvement) et qui a officiellement fait 23 morts. Est-ce cet « exploit » qui a amené aujourd’hui Boko Haram à claquer la porte du dialogue ? Ou bien est-ce sa connexion avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui lui fait pousser des ailes ?
L’initiative de l’ancien président nigérian est une perche tendue que la secte a refusé de saisir. Ce rejet de la main tendue du pouvoir, qui s’est résolu à dialoguer avec elle après avoir usé de la méthode forte, pourrait bien cacher une absence claire de plateforme en dehors d’un rejet de la culture occidentale, donc un repli sur soi. D’ailleurs, cela ne doit pas beaucoup surprendre pour une secte fondée généralement sur l’illumination d’un gourou. Cette secte s’illustre par un extrémisme et un obscurantisme religieux aux antipodes de la tolérance prônée pourtant par l’islam sur lequel ses membres se basent pour persécuter les chrétiens, commettre des attentats et rejeter la culture occidentale. La connexion avec AQMI est en train de transformer cette secte en un mouvement terroriste. Vue sous cet angle, elle n’est plus une menace pour le Nigeria seulement. Toute la sous-région ouest-africaine est potentiellement menacée. Boko Haram peut, à l’image d’AQMI, exporter son combat et commettre des attentats dans les autres pays. Une instance sous-régionale comme la CEDEAO devrait de plus en plus s’inquiéter de cette éventualité et consacrer un sommet des chefs d’Etat à la menace d’envergure sous-régionale que représente Boko Haram. Si elle peut organiser un mini-sommet de chefs d’Etat et une rencontre de chefs militaires sur l’insécurité à la frontière ivoiro-libérienne, elle devrait aussi pouvoir en organiser sur la poudrière islamiste ouest-africaine qu’est en train de devenir Boko Haram.
La CEDEAO ferait œuvre utile en prenant à bras-le-corps un sérieux problème d’insécurité. Mais les chefs d’Etat bougeront-ils rapidement ou se donneront-ils tout le temps comme ils le font depuis des lustres concernant la sécurité dans la bande sahélo-saharienne mise à mal par AQMI ? Là est toute la question.

Séni DABO
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