mercredi 13 février 2013

Tunisie: une conjoncture assez paradoxal qu'imprévisible (ANALYSE)

(Xinhuanet 13/02/2013)
TUNIS -- La décision du Premier ministre tunisien Hamadi Jebali de former un nouveau gouvernement sans orientation politique quiconque ne cesse de nourrir une polémique nationale à même d'être un vécu quotidien pour les Tunisiens.
Cependant, cette décision semble être des plus fermes que M. Jebali avait pris depuis son accession au pouvoir d'autant plus qu' elle pourrait lui coûter la confiance de son parti islamiste Ennahdha majoritaire au pouvoir.
Secrétaire général du mouvement islamistes Ennahdha, Hamadi Jebali a décidé mercredi dernier, le jour de l'assassinat du leader du premier plan de l'opposition Chokri Belaïd, de former son propre cabinet composé de technocrates qui n'auront pas droit à se porter candidats aux prochaines élections présidentielles et législatives prévues entre juin et octobre 2013.
UNE CONJONCTURE AUSSI PARADOZLES QU'IMPREVIBILE
Bien qu'il soit le secrétaire général d'Ennahdha au pouvoir, M. Jebali a été remarquablement soutenu par un quasi majorité de l' opposition au sein ou en dehors de l'Assemblée constituante.
Une semaine auparavant, soit avant la mort de Chokri Belaïd, ces opposants étaient contre les politiques d'Ennahdha et de ses ministres, y compris le chef du gouvernement.
Le nouveau front politique et électoral "Union pour la Tunisie", annoncé le 11 février, estime dans un communiqué que la décision du Premier ministre Jebali est "un pas sur la bonne voie" en plus qu'elle "vient répondre à l'appel à la neutralité des ministères de souveraineté".
Il s'agit de l'un des principaux contrepoids de la scène politiques actuelle en Tunisie, dans la mesure où il est constitué, entre autres, de l'Appel de Tunisie dirigé par l'ex-Premier ministre Béji Caïd Essebsi et le Parti républicain le mieux représenté à la Constituante.
L'aspect paradoxal de la conjoncture politique et sociale en Tunisie se manifeste également par l'appui populaire d'une large frange de la société civile à une décision du secrétaire général du parti islamiste Ennahdha, pas tellement apprécié par une partie de la population.
Bon nombre de personnalités nationales et des composantes de la société civile tunisienne viennent de lancer une initiative placée sous le signe "pour l'achèvement de la voie démocratique", en signe de soutien à l'initiative de M. Jebali de former un gouvernement apolitique, dont la mission se limitera à gérer les affaires courantes du pays et "escorter" la Tunisie jusqu'aux prochaines échéances électorales.
Face à cette confiance à la décision de M. Jebali, le mouvement Ennahdha et l'un de ses deux alliés, le Congrès pour la République (parti du président de la République), ont exprimé clairement et définitivement leur refus d'un gouvernement technocrate sous prétexte qu'"il n'en ressort pas de l'intérêt du pays de rompre avec la culture de coalition", pour reprendre les propos du président du Conseil de la Choura (chambre haute) d'Ennahdha, Fathi Ayadi.
A ce niveau, la situation demeure de plus en plus paradoxale puisque M. Ayadi a nié toute intention de virer M. Jebali en tant que secrétaire général d'Ennahdha, tandis que le numéro un de ce parti, Rached Ghanouchi, confie à la presse étrangère que "le mouvement Ennahdha pourrait quitter le pouvoir si Jebali insistait sur sa proposition de former un gouvernement de technocrates".
Ajoutant à tout cela la position imprévisible du Congrès pour la République, qui a décidé il y a une semaine de retirer ses deux ministres et trois secrétaires d'Etat du gouvernement avant de revenir sur sa décision pour donner un deuxième ultimatum d'une semaine dans l'espoir de trouver un consensus avec Ennahdha sur un éventuel gouvernement d'union nationale qui pourrait être cohabité par politiciens et technocrates.
UNE LEGITIMITE A TRIPLE FACE : MAJORITAIRE, CONSENSUELLE ET POPULAIRE
Bien qu'il soit la première institution légitime issue des élections du 23 octobre 2011, l'Assemblée constituante tunisienne semble être sur la voie de perdre sa légitimité et sa réputation aux yeux des Tunisiens à cause de sa lenteur dans la finalisation d'une nouvelle Constitution, qui piétine à voir le jour depuis plus d'un an en plus du déséquilibre affectant les différentes séances parlementaires pour enfin venir à l'assassinat de l' opposant Chokri Belaïd, qui a déclenché une fissure intraitable entre députés islamistes d'un côté et progressistes et gauche de l' autre.
A la veille de l'assassinat de Chokri Belaïd, la légitimité de la Constituante a été mise en question avec deux manifestations, dont la première organisée le jour des funérailles de cet opposant appelant à la chute du pouvoir qui s'appuie sur la légitimité majoritaire au Parlement, alors que la seconde fut menée par des pro-islamistes pour défendre leur parti islamiste qui se veut, selon eux, encore une fois favoris lors des futures élections.
Au moment où Ennahdha impose la légitimité majoritaire et en attendant la légitimité populaire qui sera traduite à travers les urnes lors des prochaines élections, une majorité de la gauche tunisienne exige une légitimité consensuelle qui serait tributaire de la formation d'un gouvernement de crise synonyme de gouvernement de sauvetage national, comme l'a annoncé le porte- parole du Front populaire (coalition de gauche) Hamma Hammami.
La lecture dans la lettre consultative adressée par le Premier ministre Jebali aux partis politiques montre clairement qu'il s' agit d'une tentative de pomper un nouveau souffle "pour réanimer et dynamiser cette période transitoire" via l'ouverture sur de nouvelles forces politiques avant d'élargir la base gouvernementale du pays.
D'après M. Jebali, le nouveau gouvernement aura pour priorités la sécurité des Tunisiens, l'accélération du développement, de l' emploi et la promotion du pouvoir d'achat outre la finalisation de la Constitution, la préparation des élections et la lutte contre la corruption.
Cependant, une telle initiative aura peu de chances de réussir sans l'aboutissement d'un consensus entre les différents partis politiques y compris ceux aux pouvoir, à l'Assemblée constituante mais également au sein de l'opposition.


French.news.cn 2013-02-13 13:28:13
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