dimanche 12 février 2012

Guinée - INCULPATION DE TIEGBORO MOUSSA CAMARA EN GUINEE: le début de la fin de l’impunité ?

(Le Pays 10/02/2012)
On avait plus ou moins oublié l’affaire du massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry en Guinée, qui avait laissé sur le carreau plus de 200 morts. Et voilà que la Justice guinéenne, contre toute attente, vient de remettre cette affaire au goût du jour en inculpant une des têtes pensantes de l’armée guinéenne, qui dirigeait la gendarmerie lors de la tuerie, le lieutenant colonel Moussa Tiegboro Camara.
Avouons-le, l’homme que la Justice vient de prendre dans son collimateur, n’est pas n’importe qui. Il est secrétaire général de la présidence, chargé de la lutte contre le trafic de drogue et le crime organisé. C’est dire que cette décision de la Justice guinéenne doit probablement embarrasser le président Alpha Condé.
L’on se rappelle d’ailleurs, que l’opposition au sein de laquelle il militait avant son accession au pouvoir, avait demandé que lumière soit faite sur ces massacres. Et si les enquêtes prouvent aujourd’hui qu’un de ses proches collaborateurs en est responsable ou co-responsable, le président Condé peut-il ramer à contre-courant des décisions de la Justice ? Beaucoup ne verront-ils pas cela d’un mauvais œil ? Le mieux pour lui, c’est de mettre les moyens à la disposition de celle-ci afin qu’elle puisse faire correctement son travail. Si l’inculpé est reconnu coupable des faits qui lui sont reprochés, qu’il soit sanctionné. S’il est innocent, qu’il soit blanchi.
Certes, nous n’en sommes pas encore là, mais le moins que l’on puisse dire, est que l’inculpation de Moussa Tiegboro Camara est un signe que l’impunité, c’est en train d’être combattue au pays de Sékou Touré. La question qui se pose est de savoir s’il s’agit d’un début de la fin de l’impunité. Ce qui est certain, c’est que cette courageuse décision des magistrats guinéens va soulager les parents des victimes qui réclamaient à cor et à cri, et qui continuent de le faire, que justice soit rendue à leurs proches.
L’inculpation de l’ex-patron de la gendarmerie est donc un bon signe non seulement pour la lutte contre l’impunité mais aussi pour la Justice elle-même qui a besoin d’affirmer son indépendance. A ce sujet, l’on se souvient que pour entendre le gouverneur de Conakry sur des faits à lui reprochés par la Justice, il a fallu que les magistrats aillent en grève. Toute chose qui prouve qu’il n’est pas aisé pour la Justice de conduire à bien sa mission lorsqu’elle a affaire à une haute autorité. Si fait que l’on se demande si cette affaire ira jusqu’au bout. Mais pour sa crédibilité, la Justice guinéenne devrait faire fi des embûches qui se dressent sur son chemin et conduire avec sérénité cette affaire à bon port. Elle devrait également, dans un souci d’équité, ratisser large afin qu’alevins et capitaines soient tous pris dans ses filets.
Car ce lieutenant-colonel n’a certainement pas agi seul. En tout cas, cette inculpation dont les organisations de défense des droits de l’Homme se félicitent et que la classe politique guinéenne ne manquera pas de saluer, doit constituer un déclic dans la lutte contre l’impunité au plus haut sommet. Et, si la Justice a eu le courage d’inquiéter quelqu’un qui occupait un poste important pendant le massacre et qui se trouve encore aujourd’hui au sein de la plus haute sphère de décisions, c’est qu’elle a probablement estimé que le temps de l’impunité était terminé en Guinée.
L’une des questions que l’on se pose également est de savoir comment l’ancien président de la junte guinéenne, le capitaine Moussa Dadis Camara, appréciera cette décision de Justice de son pays. Lui qui avait été cité par certaines structures comme étant responsable de ces massacres et qui se trouve aujourd’hui en exil au Burkina Faso. Cette épée de Damoclès qui plane sur la tête du capitaine Moussa Camara ne va-t-elle pas l’amener à espérer prolonger son séjour au pays des Hommes intègres ? Seul lui en a la réponse.

Dabadi ZOUMBARA

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