(Le Temps.ch 10/02/2012) Une localité après l’autre. Depuis le lancement de son offensive, le 17 janvier, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), dans la région du nord du Mali, est parvenu à prendre le contrôle de plusieurs villes d’un gros quart nord-est du Mali, une région vaste comme la moitié de la France et peuplée de 1,3 million de personnes, nomades et sédentaires.
Mercredi, au terme d’un repli stratégique de l’armée, Tinzawaten, sur la frontière avec l’Algérie, est la dernière à être passée sous la coupe de ces combattants touareg. Il ne reste guère plus que Kidal, le chef-lieu de la région, et base militaire de l’armée malienne, stratégiquement situé sur la route de l’Algérie, à leur échapper. Mais la bourgade de 50 000 habitants serait déjà cernée par ces rebelles, qui composent un groupe redoutablement armé, à défaut d’être très bien identifié. Combien sont-ils à avoir rallié ce mouvement composite? Sans doute plusieurs centaines et, parmi eux, nombre de soldats touareg d’origine malienne qui combattaient pour Mouammar Kadhafi avant de regagner à sa chute le nord du Mali, une région déjà déstabilisée par Al-Qaida au Maghreb islamique et les contrebandiers. Dans leurs valises: des pick-up, des fusils d’assaut, des lance-roquettes RPG7, des lance-roquettes multiples…
Le CICR renforce ses équipes
En trois semaines, les combats auraient causé de nombreux morts dans les deux camps. Des soldats de Bamako sont également tombés aux mains des rebelles: le Comité international de la Croix-Rouge signalait mercredi que ses équipes avaient «pu visiter 13 militaires de l’armée régulière» dans le nord du Mali. D’après les recensements que l’organisation a pu effectuer sur le terrain, les affrontements ont poussé des milliers de civils à prendre la route. Au moins 30 000 personnes sont déplacées à l’intérieur même du Mali, 15 000 ont gagné le Niger. Le recensement des milliers d’autres civils en fuite vers la Mauritanie et le Burkina Faso est en cours, indique le CICR, qui entend renforcer sa présence dans le pays pour «organiser la réponse humanitaire». L’ONG Médecins du monde (MdM) a annoncé pour sa part le 6 février que la dangerosité de la situation la contraignait à interrompre temporairement le travail de ses équipes mobiles dans la région. «Il nous est impossible d’organiser le rayonnement vers ces populations, qui ont fui dans la brousse ou dans les pays voisins. Toutes sont en situation précaire à critique», regrette Pierre Verbeeren, directeur général de MdM Belgique.
Constitué l’an passé, le MNLA, qui revendique l’autodétermination de l’Azawad, est un nouvel avatar de ces mouvements de révolte touareg hantant le Mali depuis son indépendance en 1960. «Les Touareg, comme les tribus arabes, sont les oubliés du Mali. Depuis quarante ans, les populations du nord sont défavorisées et ces mouvements sont nés de leur frustration sociale et politique», rappelle Louis Caprioli, conseiller de la société de gestion du risque Geos. Jusque-là, les appels à la cessation des combats sont restés lettre morte et de récentes discussions à Alger n’ont pas eu d’effet. «Toute négociation avec Bamako doit se baser sur le principe de l’autodétermination de notre peuple et se dérouler en terrain neutre, au Burkina Faso, en Mauritanie ou en Suisse, par exemple, avec la participation directe de l’ONU», selon un leader du MNLA, Abdel Kerim Ag Matafa, cité par l’AFP.
Interrogé par Le Temps, le Département fédéral des affaires étrangères n’indiquait pas hier s’il avait été formellement sollicité, se bornant à répondre: «La Suisse est très préoccupée par les affrontements au Nord-Mali et les conséquences humanitaires […]. Par son programme régional de politique de paix établi depuis 2009 dans la bande sahélo-saharienne, elle soutient plusieurs initiatives maliennes destinées à apaiser les tensions […]. Du fait de cet engagement, des demandes de soutien lui sont régulièrement adressées.»
Angélique Mounier-Kuhn
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