(Rue 89 09/02/2012)
(De Changwon) Modeste paysan burkinabè, Yacouba Sawadogo a réussi là où les organisations internationales ont failli : stopper l'avancée du désert dans l'un des pays les plus arides du monde, et transformer ainsi la vie de milliers de Sahéliens.
Au début, les voisins de Yacouba Sawadogo l'ont pris pour un fou. Comment planter des arbres allait sauver la terre craquelée de Gourga, village au nord-ouest du Burkina Faso, de l'avancée inexorable du désert ?
Mais 30 ans plus tard, c'est bien une forêt d'une quinzaine d'hectares qui sert de rempart au sable rampant du Sahel. Depuis, les habitants qui avaient fui sont revenus cultiver leurs champs. Tandis que des experts du monde entier se bousculent à la porte du vieux paysan pour étudier sa méthode, qui consiste en l'amélioration d'une technique agricole traditionnelle appelée Zaï : retenir l'eau de pluie et utiliser les termites pour enrichir le sol.
Outre le président Obama et les médias internationaux qui lui consacré moult reportages, l'expérience atypique de Sawadogo a fasciné jusqu'au réalisateur Mark Dodd, qui a produit le film « L'homme qui a arrêté le désert », projeté fin octobre lors de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) à Changwon en Corée du Sud.
Bande-annonce du film « L'homme qui a arrêté le désert »
Plantes médicinale vitales
Il faut dire qu'au début, Sawadogo cherchait simplement un moyen pour cultiver dans une région semi-aride où la terre était devenue si stérile que nombre de paysans avaient migré vers les villes.
« Il n'y avait pas de nourriture à cause de la sécheresse et l'eau était très rare ».
Sawadogo s'est alors rendu compte qu'il ne suffisait pas de creuser des trous ordinaires pour planter, mais qu'il fallait les agrandir tant en largeur qu'en profondeur, pour retenir l'eau de pluie pendant une plus longue période.
Il a aussi utilisé du compost pour renforcer la croissance des graines de sésame et des céréales –sorgho et millet– qu'il produisait.
« Avec la méthode ancestrale, les eaux de pluie s'évaporaient trop vite et les cultures se fanaient en un temps record. Il me fallait pallier à ce problème »
Suivant cette logique, l'agriculteur s'est naturellement préoccupé de l'avancée du désert qui allait engloutir les terres cultivables de Gourga. Alors, inlassablement et faisant fi des moqueries, il a commencé à planter des arbres.
Et de façon inespérée, cette pratique a non seulement sauvé la terre de la dégradation, mais elle a aussi restauré l'eau souterraine à des niveaux jamais atteints. Les arbres sélectionnés sont devenus une épaisse forêt qui fournit aujourd'hui, outre le bois de chauffe, une palette de plantes médicinales vitales dans ces contrées reculées.
Droit de propriété contesté
Aujourd'hui, Sawadogo distribue gratuitement des semences à planter aux agriculteurs de la région sahélienne qui s'étend de l'Atlantique à la Mer rouge. Et selon le facilitateur des Initiatives de reverdissement en Afrique pour le Centre de la coopération internationale, Chris Reij,
« c'est bien un petit agriculteur qui a trouvé, seul, un système qui marche là où des organismes mondiaux ont échoué ».
Yacouba a probablement ouvert une voie : la plantation d'arbres, ainsi que l'utilisation d'engrais sur les champs et les pâturages ont déjà été adoptées par de nombreux agriculteurs africains et ont contribué au reverdissement de plus de six millions d'hectares de terres à travers le continent.
Mais cet élan est encore freiné par les politiques mises en place dans différentes zones touchées par la sécheresse.
Selon le spécialiste de l'environnement pour la gestion durable des terres au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), Mohamed Bakarr,
« le fait que les dirigeants de certains pays empêchent la population de posséder des arbres ou d'accéder à la propriété foncière font que les gens négligent ces ressources ».
Une épée de Damoclès à laquelle n'échappe d'ailleurs pas Yacouba Sawadogo : au nom du développement, le gouvernement burkinabè est en train de s'approprier la terre et surtout la forêt qu'il a planté.
Sa seule solution serait de racheter au moins ses arbres à son propre Etat, solution à environ 100000 euros, qu'il estime injuste. Et surtout inabordable.
Tribune des droits humains 09/02/2012 à 08h27
Mantoe Phakathi | Infosud
Publié initialement sur
Tribune des droits humains
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