le 3 août 2011
· La RDC est entrée en campagne, cinq mois avant son lancement légal, en toute impunité et en violation du calendrier électoral publié par la Commission électorale nationale indépendante. La campagne électorale qui bat son plein à Kinshasa et à la télévision (surtout officielle) dévoile encore aujourd’hui et plus que jamais les insuffisances de la classe politique congolaise.
Un désordre indescriptible s’est emparé de l’Opposition qui organise l’alternance et de la Majorité qui ne développe pas clairement des stratégies visant à remporter la présidence et le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale. Les débats maussades et creux qui envahissent l’espace audiovisuel du pays sont un indice de ce que, 5 ans après les premières élections démocratiques en RDC, la classe politique est restée dans les travers de la démagogie. Les analystes continuent à percevoir les vestiges d’une politique du moindre effort. Et comme en 2006, il se présente une ombre de clivage Est-Ouest. Seulement, cette fois-ci, Joseph Kabila n’a plus la côte dans le Kivu, il n y a plus de Bemba à l’Ouest, ni de Gizenga. Cette fois-ci, il n’y aura qu’un seul tour pour la présidentielle, cette fois-ci, il y a l’entrée d’un certain Vital Kamerhe dans… l’Opposition, bien que ce statut lui soit contesté par les apparatchiks de l’UDPS, Tshisekedi en tête, la donne géopolitique est bouleversée à la veille des scrutins. Le paysage politique tel qu’il se présente aujourd’hui donne l’ancien speaker de l’Assemblée nationale en tête dans le Kivu. Ce sont les violences qui y ont élu domicile qui lui ouvrent ce boulevard dans les intentions de vote. Le président de l’UNC, polyglotte en plus, a le potentiel d’engranger dans toutes les provinces de la République suffisamment de suffrages. Si le centre est le fief incontestable du leader maximo de l’UDPS, le sphinx de Limete va devoir livrer bataille avec Joseph Kabila à Kinshasa, au Bas-Congo et au Bandundu. Et jusqu’au 28 juillet 2011 on croyait que le Katanga était aux mains de Joseph Kabila, une croyance volatilisée par le sphinx de Limete lors de sa descente à Lubumbashi. L’apparition de Léon Kengo wa Dondo et le retour « opportuniste » d’Oscar Kashala n’arrangent rien du tout. Pourtant, les jeux sont simples.
Dans la tête du candidat Kabila
Malgré tout cet imbroglio, Joseph Kabila Kabange, l’enfant terrible du Katanga, se présente en hyper favori de ces scrutins mais n’est pas non plus à l’abri d’une désagréable surprise. Celle-ci viendra de l’hypothétique accord de violon au sein de l’Opposition entre Etienne Tshisekedi et Vital Kamerhe, Kengo et… Bemba. Bien sûr, en tant que président sortant, Kabila va tabler sur la correction des erreurs de la campagne 2006, surtout sur sa désastreuse communication qui ne s’est améliorée qu’au second tour avec l’arrivée des professionnelles. Kabila devra entretenir son avance dans les sondages, fiables ou bidon, pour ne pas prêter le flanc à un camouflet, ou plus précisément à un vote sanction. Plusieurs scénarii sont concoctés dans ses états-majors électoraux. Son discours bilan-programme du 30 juin à Lubumbashi est une véritable entrée en matière. Mais au regard de la virulence des attaques de ses challengers, Kabila pourrait se retrouver en position défavorable. Selon certaines officines, redoutant le ralliement bien que tardif de son ancien directeur de campagne à l’Opposition, lequel serait un de plus sérieux prétendant à la magistrature suprême et quelqu’un qui serait en possession de quelques stratégies du président sortant, l’Etat-major de campagne de Kabila pourra lui tendre la perche, l’approcher et négocier avec lui. Kamerhe serait encore plus abordable que Tshisekedi. D’autres officines évoquent carrément la carte Daniel Ngoy, qui aura beaucoup bénéficié du régime en place et qui s’avère être un proche parent du président. Peut-on verser dans ce registre le début de fraude électorale enregistré avec l’enrôlement des mineurs ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs, dans l’entourage du pasteur méthodiste, on dit de l’homme de Dieu qu’il est plus intègre que son prédécesseur Apollinaire Malumalu, le calotin. En le proposant à la tête de la CENI, Kabila a calculé ses risques et ses chances. Attendons voir.
Les législatives de tous les dangers
Le 28 novembres, les Congolais seront appelés aux urnes pour élire également les membres de l’Assemblée nationale. Des analystes prédisent un hémicycle renouvelé à 90%. Et c’est plus des novices qui auraient la côte. Si la Majorité est assuré de placer son chef à la tête du pays, elle a un morceau dur pour s’assurer une majorité à l’Assemblée nationale. La gestion des ambitions à ses joutes électorales est le premier défi de la majorité. Des jeunes loups aux dents longues veulent carrément tenter leur chance, écartant ainsi les députés sortant comme des vieux lions fatigués qui ont fait leur temps. De même, la question de l’étiquette se posera, comme il est de coutume en RDC. Justement les listes des partis de la Majorité et celles du Mouvement de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, porte étendard de l’Opposition, lesquelles sont visés par l’épée d Damoclès suspendue sur les anciens députés : Pour leur oui-oui pour la Majorité et pour leurs querelles byzantines pour l’Opposition qui n’est pas parvenue à un consensus en vue de désigner son principal animateur. Si Kabila n’arrive pas à aligner des vrais étalons aux législatives, il risque de se retrouver en situation de minorité et la cohabitation va lui être ingouvernable. Peut-il compter sur le Parti lumumbiste unifié ? Seulement, le PALU n’aurait pas la côte non plus, à en croire les analystes.
Les outsiders
A l’approche des hostilités de novembres, plusieurs figures vivant au pays ou venues de la diaspora commencent à afficher leurs ambitions de briguer la magistrature suprême. L’opinion a encore fraiche en esprit la candidature de Fabrice Puela, député de Matadi, viré depuis de l’ARC d’Olivier Kamitatu. Qu’à cela ne tienne, Joseph Kabila aura à croiser les fers avec des candidats de forte carrure politique, respectables, dignes d’assumer avec brio la direction du sous-continent Africain. Etienne Tshisekedi continue à donner l’image d’un homme d’Etat par excellence qui veut sortir la RDC d’un système qu’il a combattu depuis Mobutu et qu’il dit retrouver encore à travers le pouvoir actuel. Tshisekedi ne manque pas d’atout. Leader charismatique, il a fait ses preuves par le passé. On se souvient encore de la chute libre des prix et du taux de change du zaïre au lendemain de son élection au poste de Premier ministre à la Conférence nationale souveraine. Reste à savoir si ses recettes porteront encore aujourd’hui, autres temps autres mœurs. Ses chances demeurent cependant intactes malgré un sérieux handicap, qui n’est pas le fait de son âge, mais de son absence sur le terrain, maintenant lors de la précampagne. Vital Kamerhe fait lui aussi rêver. Après sa fulgurante ascension politique et sa brillante prestation à l’Assemblée nationale en qualité de président de l’Assemblée nationale, Kamerhe se présente aujourd’hui aux Congolais comme celui qui a la réponse à ‘‘Bakonzi batalela biso likambo oyo’’ (traduisez que les autorités nous sortent de cette situation) ou ‘‘eza ba coop na bango’’ (qui traduit les indices d’une certaine opacité dans la gestion des affaires publiques au grand dam et sur le dos de la population). Kamerhe paraît aux yeux d’une certaine opinion comme celui qui vendrait la mèche (pour un bon idéal) même si dans son camp d’origine on le taxe de ‘‘Mbwa alakisi bizaleli na ye’’, traduisez ‘‘traitre’’, ce qui n’est pas un bonnet convenable en politique. Kamerhe, le plus fort score aux législatives 2006, va disputer le Kivu, son fief, avec Kabila, où ce dernier a fait son meilleur score en 2006 (avec son aide, affirme-t-il). Sa dernière tournée dans cette partie du pays a projeté l’image du duel (au couteau) à venir. Les analystes ont déploré qu’on lui ait posé des lapins, ce qui ajouterait plutôt à sa popularité. Mais Kamerhe devra engranger des voix dans d’autres parties du pays où Kabila est largement et profondément implanté à travers le Parti du Peuple pour Reconstruction et le Développement (PPRD). L’ancien speaker de l’Assemblée nationale a l’arme qu’il faut. Il est polyglotte, faut-il le répéter, et volubile. Cette dernière qualité peut s’avérer un piège pour lui car ses adversaires politiques l’attendent au mot. Ses dernières critiques contre le gouvernement se sont retournées contre lui. ‘‘Pourquoi, en plein exercice de son mandat, n’avait-il pas dénoncé cette gestion’’, rétorquent ses pourfendeurs. Jean-Pierre Bemba Gombo espère sa libération prochaine pour prendre part aux élections. La libération (hypothétique) de Bemba peut cependant avoir un effet dévastateur sur les calculs parce qu’il utilisera la corde sensible du martyre qu’il a vécu pour expliquer sa détention et s’attirer des suffrages. Parmi les candidats, on compte également Oscar Kashala qui a fait un score honorable (5ème) en 2006 et probablement le pasteur Jean-Paul Moka. Que dire de Kengo ? Aux « parlements débout » les avis restent partagés, certains vois en lui un phélin qui va surprendre tout le monde en s’emparant du pouvoir, d’autres, un simple candidat manigancé par la Majorité Présidentielle pour s’emparer de l’Équateur (Province) et grignoter sérieusement la côte de l’opposition. Mais lui-même affirme vouloir le changement, appelant même à un candidat « consensuel » et non « unique » de l’opposition pour « battre » le fils de Laurent Désiré Kabila. Enfin, si l’Opposition arrivait à s’entendre (ce qui est toujours peu sûr au regard de la frivolité de la classe politique devant les enjeux cruciaux), elle pourra former une union sacrée du type ‘‘Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la Patrie’’ (RHDP, en Côte d’Ivoire) afin d’envisager une alternative. Mais les analystes continuent à croire que Tshisekedi (international socialiste), Kamerhe (socialisme à la brésilienne), Bemba (libéral) ne regarderaient pas tous dans la même direction et l’opinion déplore encore aujourd’hui le profil bas du PALU. Que dire de François Muamba ou Oscar Kashala ? Wait and see.
La recette du succès
‘‘On n’organise pas une élection pour la perdre’’, a énoncé feu Omar Bongo Ondimba. Kabila a le vent en poupe. ‘‘Si vous ne croyez pas à mes paroles, croyez au moins à mes œuvres’’, a-t-il martelé lors du discours du 8 décembre. Si le Congolais n’a pas encore récupéré la fierté de son identité, il n’a plus honte de son pays, indiquent les observateurs. Le Congo est désormais fréquentable, à compter les sommets internationaux et les visites officielles de haut niveau enregistrés ces dernières années du fait du coup de cravache de la diplomatie Kabila. Le Congo commence à bomber le torse. La position de faiblesse a disparu de son langage vis-à-vis de ses partenaires (Angola, Ouganda, Rwanda, France et USA). Kabila est sûr de rallier le soutien de la majorité des Congolais qui se disaient ‘‘Mbok’oyo ekobonga lisusu te’’, en terme d’infrastructures, d’injustices sociales et de la mauvaise distribution de la justice.
Oooh ok. On s’arrête, vous êtes déjà irrités en lissant ces phrases. Mais, c’est bel et bien ce que va dire Lembert Mende lors de la campagne électorale et ça marchera. Mais la Majorité sais aussi que les jeux sont simples : avec une présidentielle à un seul tour, Kabila doit compté sur la désunion de l’opposition pour l’emporter. Le triple K (Kamerhe, Kengo, Kashala), ne doit pas se rallier derrière Etienne Tshikededi wa Mulunda, sinon, bienvenue le chaumage pour le Président sortant, à seulement 40ans. L’opposition quant à elle, sait ce qu’il faut faire pour l’emporter.
Mais au-delà des candidats, alliances et tiraillements, d’autres facteurs devraient être tenus en compte. L’Est de la RDC reste toujours insécurisé. Qu’arrivera-t-il si les élections débouchaient sur un K.O. à l’Ivoirienne ? De Moïse « le libérateur » de Kisangani, en passant par les FDLR, Les Maï-Mäi, LRA aux Kivus, ou encore les ARP du Général Munene au Bas-Congo, la RD Congo est plus que jamais cernée par des groupuscules qui ont tous un agenda assez clair et précis. Les élections ne mettront pas terme à tout ça. Les élections ? Une simple étape, un test de démocratie pour la nation congolaise qui doit existée : avant et après ce processus. Alors, laissez-nous terminer sur cette question, une question plus particulière qui devrait intéressée l’opinion tant nationale qu’internationale, tant la majorité que l’opposition : « Et si Kabila perdait ?».
Benjamin Litsani Choukran
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