jeudi 4 août 2011

Ben Ali a été jugé trois fois par contumace

(Le Figaro 04/08/2011)

Le dictateur tunisien déchu se trouve toujours en Arabie saoudite, qui refuse pour le moment de l'extrader.
Chassé du pouvoir le 14 janvier dernier, Zine el Abidine Ben Ali a déjà été condamné à 66 ans de prison. Par contumace, puisque l'ancien président tunisien s'est réfugié en Arabie saoudite, jusqu'ici restée sourde aux demandes d'extradition formulées par les autorités tunisiennes. Déjà trois procès depuis fin juin, une centaine d'affaires à l'instruction et un éventail de charges qui laisse pantois: détournement de fonds, détention d'armes et de stupéfiants, vol et possession illégale de bijoux, fraudes immobilières, abus de pouvoir… Au total 93 chefs d'accusation dont 35 devant une juridiction militaire. Et ce n'est pas fini. Hosni Béji, l'un des avocats de l'ancien dictateur, s'attend au bout du compte à un verdict de 700 à 800 ans de prison.
Juteuses entreprises
D'abord curieux, les Tunisiens affichent aujourd'hui un certain scepticisme. D'abord, parce que l'accusé n'est pas là. Ensuite et surtout parce que Ben Ali et le clan Trabelsi, c'est-à-dire la famille de sa seconde épouse, Leïla, sont un peu l'arbre qui cache la forêt. «Les grands responsables, les personnages clés n'ont pas été cités à comparaître alors qu'ils devraient à tout le moins être entendus comme témoins», remarque l'ancien magistrat Mokhtar Yahyaoui. Le journaliste et militant des droits de l'homme Omar Mestiri estime lui aussi qu'«il est trop facile et dangereux de tout ramener à un seul homme, qui, de plus, n'est pas là pour répondre». Et de réclamer «le procès du système Ben Ali», de ses mécanismes et de ses nombreux bénéficiaires.
Outre l'ancien président tunisien, vingt-trois membres du clan familial sont actuellement jugés. Parmi les accusés, figurent plusieurs sœurs et neveux de Leïla Trabelsi (qui a fui avec son époux) arrêtés à l'aéroport de Tunis-Carthage, le 14 janvier, ainsi que le général Ali Seriati, ancien chef de la sécurité présidentielle, c'est-à-dire de la police, bras armé de l'ancien régime. Seriati est soupçonné d'avoir poussé Ben Ali à jeter l'éponge. Peut-être pour prendre ensuite sa succession.
Leïla a dix frères et sœurs. La Tunisie fut longtemps leur petite et juteuse entreprise. Diabolisée après avoir été adorée, la famille Trabelsi est aujourd'hui hors course. Mais d'autres clans, moins compromis et moins voyants, tirent toujours les ficelles économiques du pays. Ceux par exemple de Habib Ben Ali, frère de l'ancien président, de Kamel Eltayef, ancien conseiller occulte du dictateur, ou de Slim Chiboub, mari de l'une des filles que Ben Ali a eu avec sa première femme, Naïma Kefi. Tombés en disgrâce sous l'ère des Trabelsi, ils sont en train de reprendre le dessus. Avec une prudence de Sioux. Pour ne pas être dévorés à leur tour par la «révolution de jasmin».

Par Arielle Thedrel
© Copyright Le Figaro

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire