(Sud Quotidien 15/07/2011)
Le chef de l’Etat sénégalais, Secrétaire général national du Parti démocratique sénégalais (Pds) a donné hier, jeudi 14 juillet le coup d’envoi officiel à sa campagne électorale. Une campagne certes lancée depuis sa déclaration de candidature à la présidentielle aux Usa au sortir de la débâcle de sa coalition et de son fils aux élections locales de 2009.
Depuis cette date il est en campagne électorale permanente, même s’il a cherché jusqu’ici à y mettre quelques formes ou a refusé de l’admettre publiquement. Hier, après s’être barricadé et sous bonne garde d’une soldatesque armée jusqu’aux dents, il s’est jeté à l’eau en guise de réponse au peuple du 23 juin dernier.Sous le grand chapiteau teint aux couleurs de son parti, dressé dans l’enceinte de l’Hôtel des Almadies, « bunkerisé » à l’occasion par un déploiement sans précédent des forces de sécurité et sous les vivats de ses affidés, il a livré les grands axes de son programme futur et de ses promesses électorales. Il a esquissé sa stratégie qu’il veut gagnante dès le premier tour à la présidentielle de février prochain.
point qu’il ne peut plus être candidat à une présidentielle au Sénégal. Il est complètement sourd et refuse d’admettre que lui-même dans l’euphorie ou le trop plein d’angoisse postélectorale de la présidentielle de 2007, avait très clairement déclaré qu’il ne pouvait plus être candidat à une élection présidentielle au Sénégal. La Constitution, sa « Constitution » le lui interdisait.
Qu’il avait verrouillé à ce niveau au point qu’il ne pouvait pas briguer un autre mandat à partir de ce moment là. Il n’a jamais dit pareille chose et les bandes sonores qui existent sont le fruit de faussaires qui en veulent à son pouvoir ou qui craignent qu’il les écrase à la prochaine consultation. Les jeunes de « Y’en a marre », la Société civile et son opposition réunis, bref le peuple peut repasser ou circuler, c’est selon. Il n’a que faire de ses jérémiades. Candidat il est, candidat il demeure.
Hier, se voulant plus machiavélique que l’auteur du Prince, il déclare pince sans rire que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Si la parole présidentielle ne vaut pas un clou, il y a de quoi avoir peur pour la République. Le peuple sorti en masse le 23 juin dernier a contré son projet de dévolution dynastique du pouvoir qui au regard de sa sortie, n’est en rien abandonné,- n’est-ce pas qu’il a rappelé que Karim Wade était un citoyen libre de se présenter ? Il s’attendait par conséquent de sa part à un je vous ai compris gaullien. Il a vite fait de déchanter. Il a eu droit en effet, à un « vous n’avez rien compris » wadien.
Le président de la République n’a en fait accepté de retirer son projet le temps que la rue se calme ou d’inverser les rapports de force que pour le remettre au goût du jour. Les Sénégalais ne perdent rien pour attendre eux qui ont cherché à se mettre à travers le projet présidentiel. D’autant plus que Me Wade de chef de clan groggy par la foudroyante riposte du peuple le 23 juin, s’est rapidement mué en chef de guerre qui cherche à s’appuyer sur l’appareil d’Etat et les forces de l’ordre républicain, pour se mettre en ordre de bataille et prendre sa revanche sur les citoyens qui lui dénient le droit « d’agresser » leur démocratie et le caractère républicain de leur Etat. Me Wade défie assurément le peuple sénégalais et l’appelle sur le terrain de la confrontation tout en faisant un clin d’œil au pouvoir kaki convoqué en la circonstance dans le jeu politique. En assénant également qu’il va gagner dans tous les cas de figure et en invitant même à une élection anticipée dans les 40 jours tout au plus alors que les opérations du processus électoral n’ont pas encore démarré, le chef de la mouvance présidentielle fait montre d’une désinvolture qui agresse ses concitoyens.
Tout comme en déclarant que seul Dieu pouvait l’empêcher de se présenter, il met un bémol certain sur l’indépendance supposée de la Justice. Voudrait-il attirer les foudres des populations contre les cinq sages du Conseil constitutionnel qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
Parlant des émeutes de l’électricité du 27 juin qui ont suivi la confrontation de la place Soweto sur le ticket, le chef de l’Etat a oublié assurément de mentionner le viol des filles et femmes de ce jour là, lui qui se targue d’être le premier défenseur de ces dernières. Tout comme il ne s’est point expliqué sur le fait que son fameux ticket excluait d’office la parité dont il se veut le père au Sénégal.
Cependant, les camarades de Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste (Ps) doivent bien rire sous cape, eux qui hier, étaient absouts de leur « forfait » d’antan par l’adversaire au pouvoir qui, cherchant à justifier certainement l’introduction de son fameux quart bloquant sur les suffrages valablement exprimés de son non pas moins fameux ticket présidentiel rejeté par une majorité de ses concitoyens, a déclaré que c’était l’opposition dont il était le chef de fil à l’époque qui avait obtenu l’abrogation du quart bloquant sur les inscrits en 1998. En vérité, c’étaient plutôt les camarades de Serigne Mbaye Thiam du Ps qui avaient trouvé qu’il était superflu d’imposer aux candidats à la présidentielle en plus d’avoir la majorité absolue des voix, d’engranger au moins le quart des électeurs inscrits sur les listes électorales pour pouvoir passer dès le premier tour. Les collègues-camarades d’Abdourahim Agne alors président du groupe parlementaire socialiste majoritaire à l’Assemblée nationale de faire sauter rapidement ce verrou en pensant que leur candidat n’avait pas à souffrir de cette contrainte supplémentaire. Qu’à cela ne tienne, cela ne l’avait pas empêché de mordre la poussière au soir du 19 mars 2000. Aujourd’hui, le chef du Pds s’approprie la prouesse socialiste qu’il avait ainsi que toute l’opposition de l’époque dénoncée vigoureusement. Autre temps, autres mœurs politiques. Ce qui hier était vice, est aujourd’hui vertu. La laïcité est chahutée par celui là même qui en est le premier garant. Son invite à une prière musulmane sous sa tente fait assurément désordre en République laïque et démocratique. Tout comme le fait de mobiliser plus de six heures durant, les médias du service public non contents de geler pendant tout ce temps toute autre vie économique, culturelle, sociale ou sociétale du pays sur des airs de propagandes au service d’un homme, d’un clan et de sa famille.
On notera néanmoins que si le chef de l’Etat s’est voulu sourd aux préoccupations clairement exprimées d’une bonne partie de ses compatriotes, il s’est montré en déphasage et décalé des exigences du contexte de réduction de la taille de son gouvernement, de la « neutralisation » des ministères de la Justice et de l’Intérieur, de sa non candidature, d’organisation d’élections transparentes, libres et démocratiques, de la question du découpage administratif à quelques mois d’une élection capitale, certains de ses frères de parti ont fait preuve de lucidité. C’est le cas notamment de Gora Khouma du syndicat des transporteurs, du président du Conseil de la jeunesse dont les discours ont tranché hier. Mais pouvaient-ils être entendu par le maître des céans ?
(Dakaractu 15/07/2011)
Quand j’ai titré, sur cette page de Yerimpost, « Abdoulaye Wade prépare la guerre », nombreux sont ceux qui m’ont appelé de par le monde. Certains soutenaient que Wade était conscient qu’il n’avait aucun intérêt à aller en guerre.
D’autres estimaient que le chef de l’Etat était acculé au point de n’avoir d’autre choix que de négocier la paix. Dans ce texte à l’intitulé certes alarmiste, j’évoquais des situations qui sont ressorties à la virgule près dans le discours présidentiel de ce 14 juillet. Wade a confirmé nos informations en déclarant que le 23 juin l’avait surpris et qu’il avait donné des instructions au ministre de l’Intérieur pour que cela ne se reproduise plus. Il ne s’est pas limité à cela.
Il a également et surtout renforcé les effectifs de la police avec l’arrivée de 270 ex-policiers municipaux, commandé des armes et équipements de maintien de l’ordre au Maroc, en Arabie Saoudite et en France, organisé les jeunes de son parti en « comités de défense de la démocratie et des institutions », sortes de contingents de combat destinés le cas échéant à en découdre avec ceux qui ont occupé la rue les 23 et 27 juin…
Les lecteurs de dakaractu.com n’ont pas dû être surpris par la posture de combat du chef de l’Etat ni par la tonalité de son discours. D’autant que dans un autre texte titré « Le dialogue ou le chaos », j’ai écrit que Wade ne négociera jamais le principe de la poursuite de son présent mandat, sa candidature à la présidentielle de 2012 et le sort de son fils et ministre d’Etat, Karim Wade.
Vous me permettrez donc, chers internautes, de ne pas trop m’attarder sur le discours du 14 juillet dont tous les contours vous avaient déjà été dessinés par dakaractu.com sur la foi d’informations recueillies auprès de ses sources. La question que je vais aborder est celle relative à ce qui va se passer à partir de maintenant.
En réponse à cette interrogation, dakaractu.com est en mesure d’affirmer que la guerre ne fait que commencer. Ce discours du 14 juillet n’est que le premier d’une série d’actes qui vont être posés dans les jours et semaines à venir. Dans un avenir très proche, Wade va défier ses adversaires sur le terrain de l’occupation de la rue.
Il a donné l’instruction ferme à Pape Diop, qui organise l’événement, de mobiliser au moins un demi-million de personnes à l’occasion du meeting prévu sur la VDN le 23 juillet. Cette démonstration de force populaire est une tribune du haut de laquelle le chef de l’Etat va régler ses comptes. Sauf changement de dernière minute, il répondra ce jour-là au Parti socialiste français et au ministre des Affaires étrangères de l’Hexagone, Alain Juppé, auteurs de déclarations qui l’ont blessé.
Il en profitera également pour défier à nouveau l’opposition et la société civile réunie au sein du Mouvement des forces vives du 23 juin. C’est ainsi : Abdoulaye Wade est convaincu que ses adversaires ont largement entamé leur capacité de nuisance et se trouvent aujourd’hui dans l’impossibilité de le renverser par la rue. A quelques-uns de ses proches, il a dit, le 13 juillet : « J’ai occupé la rue pendant quatre vingt dix jours en 1988, et Abdou Diouf n’a pas perdu le pouvoir. Ce n’est pas parce qu’il y a eu deux jours de manifestations que je dois me sentir menacé. »
En dehors de la présidentielle anticipée, qui est irréalisable compte tenu du niveau d’avancement du processus électoral, Wade ne va céder sur rien. Le départ de son fils du gouvernement, réclamé par l’opposition et la société civile, n’est pas d’actualité.
La seule fois où le chef de l’Etat a évoqué cette exigence du Mouvement des forces vives du 23 juin avec Karim Wade, celui-ci lui a dit : « J’ai bâti une maison de lumière jusqu’au toit. Et, au moment de le poser, on me demande de partir. Si mon départ pouvait amener l’électricité, je serais parti tout de suite. »
Wade refuse même une proposition qui ne prête pas à conséquence que ses proches lui ont faite : resserrer le gouvernement pour donner un signal qu’il a compris le message de ceux qui se sont soulevés les 23 et 27 juin. Déterminé à se battre, il s’abstient de poser le moindre acte susceptible d’être interprété comme un aveu de faiblesse ou comme une victoire symbolique pour ses adversaires. Ce politique forgé sous les feux de vingt-six ans d’opposition n’a la pleine possession de ses moyens que dans l’adversité.
Sur la question de sa candidature, Abdoulaye Wade compte clore le débat par des actes qui vont la rendre irréversible et mettre tout le monde devant le fait accompli. Il va démarrer sa campagne électorale le 23 juillet, compléter son directoire de campagne qui ne comprend aujourd’hui qu’un président (Souleymane Ndéné Ndiaye), un responsable de la communication (Me Amadou Sall) et un trésorier (Pape Diop)… Mais aussi convoquer pour le mois d’octobre prochain le congrès au cours duquel le Parti démocratique sénégalais (PDS) va l’investir officiellement comme son candidat.
Politique jusqu’à la caricature, le plus vieux crocodile du marigot politique sénégalais est convaincu que tous ses adversaires de 2012 finiront dans son estomac. En l’absence d’un bloc fort, à l’image de celui qui avait porté sa candidature victorieuse en 2000 contre Abdou Diouf, il compte sur l’émiettement des forces de l’opposition pour la battre.
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