(Courrier International 27/07/2011)
Accusé de crimes de guerre et incarcéré depuis 2008 à La Haye pour être jugé par la Cour pénale internationale, Jean-Pierre Bemba a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle de novembre 2011 en RDC. Une façon habile de faire pression sur ses juges.
Je suis candidat, donc j’existe. Jean-Pierre Bemba a fait sienne cette règle, comme bien d'autres hommes politiques africains. L’un des plus célèbres détenus de La Haye s’est ainsi rappelé au bon souvenir des Congolais en annonçant sa candidature à la présidentielle de novembre prochain. Coup d’éclat d’un prisonnier à l’avenir brisé ou stratégie bien planifiée en attendant un prochain retour ?
Ce qui est sûr, c'est que cette candidature virtuelle est très politique. Bien que se sachant potentiellement empêché, Jean-Pierre Bemba tient à montrer qu’il demeure un acteur clé du jeu politique congolais. Et c’est vrai. Son Mouvement de libération du Congo (MLC), est toujours le premier parti d’opposition.
Tout en affirmant, par cette candidature, sa présence sur la scène politique de son pays, Bemba espère convaincre les plus sceptiques qu’il contrôle toujours le parti. Mais surtout, qu’il n’est pas mort politiquement.
C’est donc un coup purement politique car Jean-Pierre Bemba n’ignore pas que c’est une mission quasi impossible pour lui de revenir en république démocratique du Congo (RDC) avant la présidentielle. Et même si un tel miracle se produisait, il lui faudrait surmonter la multitude d’obstacles juridiques que lui opposerait le pouvoir.
L’absence de Bemba ne fait pas que des malheureux. Un homme aimerait bien le voir rester loin du pays : Joseph Kabila (l’actuel chef de l’Etat). Un boulevard s’ouvre en effet pour le président sortant assuré d’être réélu sans trop de difficultés. Seul Bemba constituait une réelle menace pour lui.
Face à une opposition qui s’entre-déchire et se neutralise et à l’incapacité du MLC de se choisir un autre candidat, le pouvoir en place, malgré un bilan mitigé, a toutes les chances de rallier les suffrages des Congolais. Bemba constituait un contrepoids important au régime de Kabila. Son absence crée donc un vide dans l’opposition, voire plus : elle provoque un déséquilibre dans le jeu démocratique congolais. Mais la justice n’est en rien responsable de cette situation.
Bemba, son parti et plus généralement la RDC ne sont victimes que de leurs propres turpitudes. Au lieu de s'adonner à la politique politicienne, le MLC devrait plutôt encourager son champion à bien préparer sa défense à La Haye, mais surtout à envisager sa succession à la tête du parti.
Il pourrait regarder du côté de la France où, pour des faits moins graves, Dominique Strauss-Kahn a dû faire une croix sur sa candidature, préférant se concentrer sur ses problèmes judiciaires. Si Bemba parvient à être lavé de tout soupçon, il aura le temps devant lui pour revenir à sa passion première, la politique. L’avenir de Jean-Pierre Bemba se joue donc plus à Kin-La-Belle qu'à La Haye.
27.07.2011
Mahorou Kanazoe
Le Pays
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