Utilisées comme arme de guerre pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003), les agressions sexuelles contre les femmes restent très courantes dans le pays, notamment dans les zones où les forces armées et les milices continuent à s’affronter. Le viol est particulièrement répandu dans la région frontalière du Nord-Kivu où, selon les organisations humanitaires, une femme sur trois a été violée au moins une fois dans sa vie. En plus des conséquences psychologiques qu'ils provoquent, ces viols, qui s’accompagnent souvent de mutilations des organes génitaux ou de la poitrine, entraînent des blessures graves et contribuent à la propagation du virus du sida.
C’est cette extrême brutalité que les marcheuses congolaises ont voulu dénoncer. Avec l'Association des journalistes de l'espace Schengen (Ajes) et le mouvement féministe français Ni putes ni soumises, le cortège est parti de Paris le 30 juin, jour de la fête de l'indépendance du Congo, et est arrivé à Bruxelles le 13 juillet. Sur la route, les militantes se sont arrêtées dans une douzaine de villes françaises et belges.
Le dernier jour de la marche, une dispute a éclaté après que plusieurs participantes ont accusé l'une des femmes qui les avait rejointes d’être de "connivence avec les violeurs". La femme a finalement dû quitter le cortège. Les organisateurs ont publié un communiqué affirmant que cet incident était regrettable mais qu’il ne devait pas entacher le message de la marche.
Regardez le webdocumentaire de FRANCE 24 intitulé "La paix violée" sur la RD Congo.
Les dons des riverains Français aux marcheurs... par afriqueredaction
"Plus de 1 000 femmes par jour ont été violées entre 2006 et 2007"
Maggy Tembe est originaire de RD Congo. Elle vit en Belgique depuis 20 ans et fait parti du mouvement Tous ensemble pour la cause des femmes en RDC.
Avec mon groupe, nous avons rejoint la marche à son arrivée en Belgique, le 9 juillet. Nous avons marché tout le samedi, mais nous n’avons pas fait l’intégralité du chemin jusqu’à Bruxelles. Tout le monde n’a pas fait les 300 km - cela demande du courage et de bonnes chaussures ! Un noyau de cinq militantes a effectivement fait tout le trajet. Au total, je dirais que 2 000 personnes ont participé à la marche. Partout où les militantes sont passées, elles ont reçu un accueil chaleureux. Elles ont été reçues par les maires de chaque ville française où elles sont passées et ont rencontré plusieurs sénateurs belges.
“La majorité de ces exactions n’est pas comptabilisée"
Nous souhaitons envoyer un message clair, qui est que ces violences insupportables et systématiques doivent cesser. Plus de 1000 femmes par jour ont été violées entre 2006 et 2007 [Ces chiffres de l'American Journal of Public Health sont beaucoup plus élevés que ceux - sous-estimés - de 16 000 viols par an communiqués par les Nations unies]. Aujourd’hui, les cliniques et les centres de santé rapportent que 40 viols ont lieu chaque jour en RD Congo. Mais ces chiffres ne prennent en compte que les personnes qui sont effectivement venues demander des soins. La majorité de ces exactions ne sont pas comptabilisées, car beaucoup de femmes se sentent trop humiliées ou traumatisées pour parler de cette épreuve.
Les viols de masse en RD Congo sont déjà considérés comme des crimes de guerre. Mais la nature et l’étendue de ces violences sont telles que nous pensons que ces exactions devraient être considérées comme un génocide - ou plutôt un féminicide, car le viol est comme une mort sociale. Les agressions sexuelles sont utilisées par toutes les parties impliquées dans le conflit et les femmes (enfants en bas âge, femmes enceintes ou femmes âgées) sont visées en tant que groupe, sans distinction. Les exactions commises sont absolument inimaginables : des objets coupants sont introduits dans leur vagin, leurs lèvres génitales et leurs seins sont coupés.
“ Nous appelons à la création d’un tribunal pénal international spécialement consacré aux crimes de guerre commis en RD Congo”
Il existe des preuves que beaucoup de ces actes sont commis par les membres des milices étrangères - provenant notamment du Burundi, du Rwanda et d’Angola - présentes sur le territoire congolais. Pour cette raison, nous appelons à la création d’un tribunal pénal international spécialement consacré aux crimes de guerre commis en RD Congo. Maintenant que le travail du Tribunal pénal international pour le Rwanda est presque terminé, nous pensons que c’est le bon moment pour investir du temps et de l’énergie afin de lancer une enquête minutieuse sur les crimes commis dans notre pays.
On connaît les chefs de guerre qui décident de ces viols de masse. Par ailleurs, la résolution 1820 des Nations unies a déjà mis en place tout le dispositif juridique nécessaire pour juger les viols de masse comme les crimes de guerre ou même les actes constitutifs de génocide. Maintenant, tout ce qu’il nous faut, c’est une véritable volonté politique et du courage. On espère que notre marche y aidera. Ces crimes sont perpétrés depuis 16 ans : ça suffit !"
Billet rédigé en collaboration avec Lorena Galliot, journaliste à FRANCE 24.
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