(Le Potentiel 11/04/2011)
Encore un minerais qui fait parler de lui : le niobium. Une contradiction flagrante a éclaté entre le gouvernement et l’appareil judiciaire. Pour l’Exécutif, le contrôle du gisement de Lueshe doit revenir à SOMIKIVU, une société d’économie mixte où l’Etat détient des parts importantes, conformément au Code minier de 2002. Pour le parquet général de la République, cette concession revient de droit à la société KRALL METAL Congo. La confusion est à son comble !
Compté parmi les huit matières premières stratégiques sur les plans militaire et civil, le niobium est ce rare métal qui entre dans la fabrication de plusieurs matériels. Il s’agit, notamment, des alliages constituant les pipelines, les satellites, les fusées, la construction automobile, les barres anti-intrusion. Ce sont des applications de la nouvelle génération.
Pour toutes ces raisons, le niobium devrait, en principe, bénéficier d’une attention particulière de la part de l’Etat congolais. Or, nenni. La société SOMIKIVU qui gère les intérêts de la RDC se plaint malheureusement de faire l’objet d’un trouble de jouissance par le fait de l’Etat lui-même, à travers son appareil judiciaire.
Depuis 2003, un conflit existe entre SOMIKIVU et la Société KRALL METAL CONGO/LUESHE NIOB MINE sur l'exploitation du minerai de pyrochlore à l’usine de Lueshe, en territoire de Rutshuru, province du Nord-Kivu. Cette société fait prévaloir une Convention minière qu'elle avait conclue avec la RDC en 1999. Et pourtant, conformément au Code minier de 2002 et suivant toutes les correspondances des ministres des Mines et du Portefeuille, «cette convention est devenue caduque suite à la promulgation de la loi n° O07l2OO2l du 11 Juillet 2OO2 portant Code minier, plus précisément en son article 337alinéa 4», lit-on dans le mémorandum de SOMIKIVU adressé au ministre de la Justice par Olivier Muhima, chargé de mission à SOMIKIVU.
Avec cet argument, SOMIKIVU s’est fait le devoir de poursuivre l’exploitation des usines de Lueshe afin de permettre à la RDC de rejoindre le cercle fermé de rares producteurs du niobium à travers la planète. Ces producteurs se comptent sur les bouts des doigts. Le Brésil détient près de 80% de la production mondiale suivi du Canada avec 15%. Viennent ensuite, la RD Congo, le Gabon, le Madagascar et l’Afghanistan.
L’ensemble des autorités nationales et locales ont toujours soutenu SOMIKIVU dans toutes ses tentatives de contrôler, en faveur de l’Etat congolais, la production du niobium. Toutefois, en pleine période de campagne sur l’amélioration du climat des affaires, le gouvernement ne s’est pas hâté à régler le différend relatif au niobium. La ministre du Portefeuille comme son collègue des Mines ont multiplié des correspondances sans arriver à un dénouement qui arrange toutes les parties en présence.
Cette confusion s’est révélée enfin délétère à tous. Ni le privé «KRALL METAL Congo» ni l’entreprise publique d’économie SOMIKIVU ne pourront obtenir des financements ou encore des investissements permettant de rentabiliser l’exploitation de ce minerai. Sur tous les tableaux, la RDC sort perdante dans la mesure où aucun dollar américain n’entrerait dans les comptes du Trésor public.
La confusion
Garant de l’action publique, le procureur général de la République considère que «KRALL METAL Congo» serait l’unique détenteur d’un titre couvrant la concession de Lueshe. Ce que conteste le gouvernement et SOMIKIVU. Les responsables de l’Exécutif mettent en avant les prescrits du Code minier de 2002. En octobre 2008, le PGR avait constitué «KRALL METAL Congo» gardienne des minerais de pyrochlore de Lueshe qui faisait l’objet d’une saisie au parquet du lieu. L’actuel PGR ne fait que confirmer la position de son prédécesseur Tshimanga Mukeba.
Le gouvernement, qui a autorité dans l’attribution des gisements miniers, devrait apporter toute la lumière nécessaire. L’interprétation du Code minier devient sélective et apporte davantage de confusion que de clarté. L’éclairage attendu pour sauvegarder les intérêts de la Nation en priorité ne répond pas au rendez-vous.
Par ailleurs, l’intérêt porté par les Russes sur SOMIKIVU devrait déterminer les autorités à se pencher rapidement sur la question afin que la RDC, qui peine à réunir un budget conséquent, trouve des ressources additionnelles à travers l’exploitation du niobium. Les Russes sont rentrés dans SOMIKIVU par la grande porte et détiennent 10 % du capital. Il serait contreproductif pour la RDC que le niobium connaisse le même sort que le coltan.
Les tiraillements autour des gisements du coltan ont gagné le terrain du niobium. Ce minerai court le risque, en tant que produit stratégique, d’être convoité par des maffieux qui écument cette partie de la RDC. La clarification de la situation sur les droits des uns et des autres acquis légalement permettrait une jouissance dans la quiétude. Et au finish, le Trésor public y trouvera son compte.
© Copyright Le Potentiel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire