(Le JDD.fr 11/04/2011)
Laurent Gabgbo a été arrêté lundi vers 15h00, heure française, dans sa résidence à Abidjan. C'est grâce à un dernier soutien des forces françaises et de l'ONU que l'armée pro-Ouattara a pu mettre la main sur l'ancien président.
Dix jours. Voilà ce qu’il aurait fallu aux forces armées d’Alassane Ouattara pour déloger Laurent Gbagbo, président sortant de Côte d’Ivoire qui s’accrochait au pouvoir et pourrissait la situation depuis l’élection présidentielle de novembre dernier. Depuis dix jours, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), une armée peu expérimentée rassemblant les anciens rebelles de la guerre civile de 2002-2005, ont buté contre le dernier carré de fidèles de l’ancien président. L’intervention de l’armée française et de l’ONU aura été décisive. Lundi, vers 15 heures, le conseiller de Gbagbo en France, Alain Toussaint, a confirmé que "le président a été arrêté par les forces spéciales françaises et remis à des chefs de la rébellion". Une affirmation qui vient de l’un de ses plus fidèles partisans.
Caché dans son bunker sous sa résidence personnelle du quartier de Cocody depuis le début de la "bataille d’Abidjan", Laurent Gbagbo aurait été appréhendé "dans son bureau." Contrairement à ce qui a pu être dit dans les premières minutes après son arrestation, ce sont bien les FRCI qui ont mis la main sur l'ancien chef d'Etat. La diplomatie française a tenu à être claire sur ce point: la France ne déloge pas des dirigeants étrangers, surtout dans une ancienne colonie. Gbagbo, lui, avait su convaincre ses partisans de s'engager depuis plusieurs années dans une "seconde indépendance" vis-à-vis de Paris.
Ultime humiliation: Gbagbo et sa femme, Simone, ont été emmenés à l’Hôtel du Golf, à environ un kilomètre de sa résidence, où est retranché Alassane Ouattara depuis novembre. Dans ce grand bâtiment, de nombreux diplomates et des représentants de la force armée onusienne dans le pays sont également présents. C'était ce que les pro-Gbagbo ont moqué durant des semaines comme étant "la République du Golf". Un territoire minuscule sans légitimité selon eux. C'est peut-être ici que l'ancien président admettra son retrait du pouvoir.
Le boulanger d'Abidjan va-t-il céder le pouvoir?
Pourtant, Gbagbo se sera montré si obstiné à ne jamais céder de terrain à son adversaire, qu'il n'a pas hésité à entraîner à nouveau son pays dans la guerre civile. A 65 ans, cette bête politique féroce a lutté des années pour "la démocratie" en Côte d'Ivoire. Avant de se battre, passant du socialisme au nationalisme, pour simplement accéder au pouvoir. Il n'allait pas lâcher le morceau si facilement, malgré les conseils de la communauté internationale. "Si je reconnaissais la victoire de Ouattara, ça se saurait", avait-il lâché le 5 avril après l'offensive éclair des forces de Ouattara, sur la chaîne LCI, jugeant "absolument ahurissant que la vie d'un pays se joue sur un coup de poker de capitales étrangères".
Mais les frappes de la France et de l'ONU, en soutien aux FRCI, après une asphyxie diplomatique et financière, ont eu raison de sa détermination. Gbagbo, un historien féru de l'histoire française et de celle de son ethnie, les Bétés, va devoir écrire à marche forcée une nouvelle page du récit troublé de la Côte d'Ivoire de ces dernières années. Il sera le premier président ivoirien à reconnaître sa défaite. Si, bien sûr, celui que l'on nomme le "boulanger d'Abidjan" ne roule pas encore une fois ses adversaires dans la farine.
Gbagbo a passé ses dernières heures au pouvoir avec quelques ministres, des chefs de son armée, un de ses fils et sa femme, Simone. Sa seconde épouse, Nady Bamba, ayant fui à l'étranger depuis longtemps. Simone Ehivet, faucon du régime et évangéliste fervente persuadée de la mission divine de son époux, a surement joué un rôle déterminant dans cette stratégie du pire réalisée par le camp Gbagbo, depuis novembre. "Le temps est l'autre nom de Dieu", aime à dire le chef d'Etat. Mais le temps a joué contre lui. Le président sortant est sorti.
Vivien Vergnaud - leJDD.fr
Lundi 11 Avril 2011
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