mardi 1 février 2011

Egypte - Chronologie d'un pays en plein tourment

(Le Parisien 01/02/2011)
Après le soulèvement tunisien ayant entraîné la chute du président Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, l'Egypte s'est embrasée à son tour depuis début janvier. Les manifestants s'opposent au régime du président Hosni Moubarak, en place depuis 1981. Ces derniers mois, des tensions étaient apparues dans ce vaste pays de 78 millions d'habitants, provoquées notamment par des hausses de prix ou des restrictions sur des produits de base.
16 janvier. Alors que les observateurs internationaux évoquent l'effet domino susceptible de s'étendre à l'ensemble du monde arabe, suite aux événements de la Tunisie, le chef de la diplomatie égyptienne Ahmed Aboul Gheit appelle l'Occident à ne «pas s'immiscer» dans les affaires arabes. Sous le joug d'Hosni Moubarak depuis 1981, l'Egypte présente un régime et une situation sociale comparables à ceux renversés en Tunisie.
17 janvier. Un homme s'immole par le feu devant l'Assemblée du Peuple au Caire. La révolte tunisienne avait démarré suite au geste de désespoir similaire de Mohamed Bouazizi, jeune vendeur ambulant dont la marchandise avait été confisquée par les autorités, un mois auparavant, jour pour jour.
18 janvier. Deux nouvelles immolations par le feu sont signalées à Alexandrie et devant le siège du gouvernement au Caire.
19 janvier. Sur fond de révolution tunisienne et en parallèle à la montée sporadique de la colère en Egypte, le pays accueille à Charm el-Cheikh le 2e sommet économique arabe, sous haut tension.
20 janvier. Deux ouvriers d'une entreprise textile du gouvernorat de Menoufia, dans le delta du Nil au nord du Caire, s'immolent par le feu, portant à cinq le nombre de tentatives de suicide en quatre jours. Les deux hommes voulaient protester contre une mutation décidée par leur employeur.
24 janvier. Plusieurs mouvements d'opposition appellent les Egyptiens, en particulier les jeunes, à manifester le lendemain, espérant que l'écho du soulèvement tunisien favorisera la mobilisation pour des réformes économiques et un changement politique en Egypte.
25 janvier. Début des contestations de masse. Première du genre depuis 1977, la «Journée de révolte contre la torture, la pauvreté, la corruption et le chômage» est durement réprimée, plusieurs morts étant enregistrées. Au Caire et dans une plusieurs grandes villes d'Egypte, environ 15 000 personnes répondent à l'appel à manifester contre le pouvoir en place lancé la veille.
Les rassemblements sont rythmés au son de slogans appelant à l'amélioration des conditions de vie («Pain, Liberté, Dignité»). «Moubarak dégage» ou «la Tunisie est la solution» scandent d'autres protestants, souhaitant le départ du président Hosni Moubarak.
26 janvier. Pour la deuxième journée consécutive, les manifestants bravent l'interdiction imposée par les autorités. Au Caire et à Suez, de violents heurts opposent les protestants et les forces de l'ordre qui procèdent à des centaines d'interpellations.
Dans la capitale, les rassemblements ont lieu sur la grande place Tahrir à l'initiative du «Mouvement du 6 avril», un groupe réformateur pro-démocratie. En début de soirée dans la ville portuaire de Suez, des bâtiments gouvernementaux, parmi lesquels le siège du Parti national démocratique de Moubarak, sont attaqués à coups de pierre et de cocktails molotov. En deux jours de troubles, les violences ont tué six personnes, policiers ou manifestants, et blessé des dizaines d'autres. Au moins mille personnes ont par ailleurs été arrêtées.
27 janvier. Pionnier dans l'organisation des manifestations, le «Mouvement du 6 avril», essentiellement constitué de jeunes, lance un nouvel appel à la mobilisation via les réseaux sociaux. L'ancien président de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et prix Nobel de la paix en 2005, Mohamed ElBaradei, quitte l'Autriche et arrive en Egypte. Le principal opposant au président Moubarak, venu pour «s'assurer que tout se passe de manière pacifique et régulière», se dit prêt à «mener la transition» politique et déclare vouloir se présenter à l'élection de novembre 2011.
Un manifestant est tué par balle dans le Sinaï tandis que Suez est le théâtre de violents affrontements.
28 janvier. A l'initiative du «Mouvement du 6 avril», cette journée de prière hebdomadaire est proclamée «vendredi de la colère», à laquelle se joignent pour la première fois les Frères musulmans et l'opposant Mohamed ElBarabdei. Le ministère de l'Intérieur, qui avait mis en garde contre de nouvelles manifestations et avait annoncé des «mesures décisives», déploie un impressionnant dispositif de sécurité.
Dans tout le pays, des rassemblements dégénèrent en confrontations avec la police. Le siège du parti politique d'Hosni Moubarak est saccagé à Ismaïlia , celui du Caire et le siège du gouvernorat d'Alexandrie sont incendiés. Dans ces deux villes et à Suez, un couvre-feu est décrété, bientôt étendu à tout le territoire égyptien. Sur ordre de Moubarak, l'armée se déploie. Pour autant, les tanks et les hélicoptères qui patrouillent au Caire et à Suez n'engagent pas les violences. Des scènes de fraternisations sont même observées.
Dans une allocution télévisée en fin de soirée, le président Moubarak, qui s'est entretenu au téléphone avec son homologue américain Barack Obama, annonce avoir limogé le gouvernement et vouloir prendre «des mesures rapides pour combattre la pauvreté, le chômage et la corruption.» Vingt personnes auraient trouvé la mort durant la journée.
29 janvier. La tension ne baisse pas alors qu'au Caire, les manifestants, par milliers, font de la place Tahrir un lieu symbolique de rassemblement contre le régime. Dans la capitale, des cortèges de protestants convergent vers les sites administratifs comme le ministère de l'Intérieur ou le siège de la télévision d'Etat. Le Caire étant la proie des pillards, le musée regroupant les trésors antiques du pays est placé sous la protection de l'armée.
Ahmad Chafic, l'ancien ministre de l'aviation, est nommé premier ministre, alors que le chef du renseignement, Omar Souleimane, devient vice-président.
30 janvier. Le bilan des premiers jours de la contestation avoisinerait les 150 morts. Malgré le couvre-feu, des milliers de personnes défient toujours le pouvoir en place sur la grande place Tahrir du Caire. Ils sont galvanisés par le porte-parole de l'opposition Mohamed ElBaradei qui annonce devant eux «une ère nouvelle». Très influente en Egypte, l'armée, ainsi que des milices, tente de maintenir le calme dans les rues de la capitale.
31 janvier. Une grève générale est organisée. Des milliers de manifestants se rassemblent encore sur la place Tahrir, épicentre de la mobilisation. Des entreprises étrangères commencent à organiser le rapatriement de leurs salariés. Le ministre de l'intérieur du nouveau gouvernement tout juste nommé est remplacé. Lors d'une brève allocution télévisée, le vice-président égyptien Omar Souleimane annonce que le président Moubarak l'a chargé d'ouvrir un dialogue immédiat avec l'opposition.
LeParisien.fr
EN DIRECT : des dizaines de milliers de personnes place Tahrir au Caire
Le Caire, mardi 1er février. Des dizaines de milliers de personnes affluent mardi place Tahrir, au Caire, point d'ancrage de la révolte contre le régime d'Hosni Moubarak.
Cette journée de mardi pourrait être déterminante pour l'avenir de l'Egypte, où les opposants au pouvoir en place organisent une marche géante. Ils espèrent réunir plus d'un million de personnes au Caire et à Alexandrie (nord). La position de l'armée égyptienne, qui a déclaré lundi soir que les revendications du peuple étaient «légitimes» et s'est engagée à ne pas faire usage de la force, pourrait marquer un tournant de le conflit qui a fait au moins 125 morts et des milliers de blessés en une semaine.
Lundi déjà, des scènes de fraternisation entre les militaires et les manifestants avaient été observées.
11h34. Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a exhorté mardi le régime égyptien de Hosni Moubarak à «satisfaire sans hésitations la volonté de changement» de son peuple.
11h22. Un journaliste d'Al Arabiya rapporte que l'armée égyptienne distribue des tracts assurant à nouveau le peuple de son soutien. Dans un communiqué officiel diffusé la veille, les forces armées ont jugé «légitimes» les revendications du peuple égyptien.
11h17. Après l'agence de notation Moody's lundi, c'est au tour de Standard and Poor's d'abaisser d'un cran la note de l'Egypte mardi. «De notre point de vue, l'instabilité politique et les troubles vont ralentir la croissance économique de l'Egypte et affecter ses finances publiques», affirme l'agence dans un communiqué.
11h08. Le centre ville est totalement congestionné, des embouteillages monstres se sont formés tandis que des milliers de personnes continuent d'affluer vers la place Tahrir avec des banderoles et des drapeaux, constate l'envoyée spéciale du «Parisien». On se déplace en famille, beaucoup de femmes et d'enfants veulent prendre part à la marche.
10h54. «Nous sommes à la recherche d'un leader stupide, oppressif et qui a été pendant 30 ans au pouvoir... Si vous le trouvez, s'il vous plait, amenez-le à l'aéroport», lance un homme au mégaphone, sur la place Tahrir, au Caire, rapporte Dan Nolan, reporter d'Al Jazeera.
10h45. L'armée égyptienne ferme les accès au Caire et à d'autres villes où des manifestants prévoient de se rendre pour la «marche du million». L'autoroute reliant Alexandrie au Caire est par ailleurs bloquée à un kilomètre de la capitale par un barrage de l'armée. Le trafic ferroviaire est lui toujours suspendu depuis lundi et la ligne de métro reliant le Caire à Choubra el-Kheima (20 km au nord) a été fermée.
10h35. Selon l'envoyée spéciale du «Parisien», les clients des hôtels situés à proximité de la place Tahrir sont invités à quitter les étages supérieurs par mesure de sécurité. Ils sont relogés dans les étages inférieurs.
10h20. L'envoyée spéciale du «Parisien» observe, en quittant le périmètre de la place encadré par les militaires, des files impressionnantes de manifestants qui attendent d'accéder à la place Tahrir. Les manifestants doivent en effet passer le contrôle de l'armée.
10h15. Mohamed El-Baradeï déclare, dans le journal britannique «The Independent», que si le président «veut vraiment sauver sa peau, il ferait mieux de partir». «Quand un régime retire complètement la police des rues du Caire, quand les casseurs font partie de la police secrète pour essayer de donner l'impression que sans Moubarak, le pays plongera dans le chaos, c'est un acte criminel (...)», estime l'opposant égyptien.
10 heures. «Une véritable marée humaine a envahi la place Tahrir. Il y a beaucoup plus de monde que les jours précédents», confirme l'envoyée spéciale du «Parisien», qui souligne un renforcement des mesures de précaution. «Aujourd'hui, les soldats ne se contente plus des papiers d'identité, ils fouillent également les sacs, explique-t-elle. Une ambiance particulière règne ici. On voit aujourd'hui des visages nouveaux, des universitaires, des membres de la société civile, des habitants venus de villes extérieures au Caire. On sent que les gens sont déterminés à faire bouger les choses, à aller jusqu'au bout, mais aussi une certaine tension, car beaucoup redoutent que des policiers réussissent à s'infiltrer dans la foule et fassent déraper la situation.»
9h20. «Compte tenu de ce que je sais du grand peuple révolutionnaire d'Egypte, qui est en train de faire l'Histoire, je suis sûr qu'ils vont jouer un rôle dans la création d'un Moyen-Orient islamique pour tous ceux en quête de liberté, de justice et d'indépendance», indique le chef de la diplomatie iranienne Ali Akbar Salehi, cité mardi par la télévision d'Etat. Il dénonce les ingérences américaines dans le mouvement populaire «en quête de liberté».
9h02. Selon la chaîne de télévision Al-Jazeera, les gens forment des chaînes humaines aux abords de la place Tahrir afin de vérifier que ceux qui arrivent ne portent pas d'armes.
8h51. Dans un communiqué, cinquante organisations égyptiennes de défense des droits l'Homme appellent Moubarak à se retirer pour «éviter un bain de sang».
8h37. Les manifestants affluent de toutes part sur la place Tahrir où près de 50 000 personnes se trouvent actuellement, selon Al-Jazeera. Deux écrans géants ont été montés sur la place ou l'on chante «Hé toi, policier, avec ton uniforme et ta casquette, nous sommes frères et non ennemis !» ou encore «Musulmans, chrétiens, nous sommes tous des Egyptiens».
8h28. Le Fonds monétaire international (FMI) se dit prêt à aider l'Egypte à reconstruire son économie, indique Dominique Strauss-Kahn, son directeur général.
8h15. Tous les touristes français seront rentrés d'ici la fin de la semaine, selon René-Marc Chikli, président du Ceto (association de tour-opérateurs français). «Il y a encore environ 600 touristes français sur la Mer Rouge et une trentaine au Caire», qui seront rapatriés.
7h30. Des hélicoptères survolent régulièrement le centre du Caire, et l'armée contrôle de nombreux accès au centre ville, tandis que de plus en plus de monde converge vers la place Tahrir. Les manifestants lancent des slogans comme «Dehors Moubarak», et brandissent des affiches représentant le président pendu, ou sa photo avec la mention «ta tête va tomber».
7 heures. Plus de 5000 personnes sont déjà rassemblées dans le centre du Caire où doit être organisée une manifestation géante contre le président égyptien Hosni Moubarak.
6 heures. La Chine va envoyer au moins quatre avions supplémentaires pour rapatrier jusqu'à 2 000 de ses ressortissants d'Egypte, annonce l'aviation civile.
4 heures. Le cours du brut reste au-dessus des 100 dollars le baril dans les échanges électroniques en Asie. Les marchés craignent que les troubles en Egypte perturbent les approvisionnement via le canal de Suez, indiquent les analystes.
0h40. Le groupe internet américain Google annonce qu'il a coopéré avec Twitter durant le week-end pour mettre en place un système permettant aux Egyptiens d'envoyer des messages sur le site de microblogs par téléphone, en contournant le blocage d'internet.
0h10. Le premier de deux vols affrétés par le Canada a quitté le Caire pour Francfort, en Allemagne. Cet avion d'Air Canada devait évacuer «plus ou moins 200 Canadiens» et des ressortissants de pays alliés, indique Dimitri Soudas, porte-parole du Premier ministre Harper, dans un message sur le site de micro-blogs Twitter.

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