mardi 24 mai 2011

Les élections tunisiennes devraient être reportées

(Le Figaro 24/05/5011)

Le scrutin désignant l'Assemblée constituante pourrait se dérouler en octobre et non pas le 24 juillet.
La question faisait débat depuis plusieurs jours. Au risque d'entretenir la crainte d'un vide politique, la Haute Instance indépendante a finalement tranché. Cette institution chargée de superviser l'élection de l'Assemblée constituante tunisienne, prévue le 24 juillet, propose de reporter le scrutin au 16 octobre. Le bon déroulement du suffrage est crucial pour l'avenir de ce pays d'environ 10 millions d'habitants. D'abord parce que c'est la première fois que les Tunisiens sont appelés à voter librement. Ensuite parce que tous les regards sont tournés vers ce pays «laboratoire», le premier du monde arabe à avoir fait sa révolution. Enfin, le rôle de l'Assemblée, une fois élue, est majeur: rédiger la loi fondamentale de la nouvelle Tunisie. Une responsabilité qui doit incomber à des personnalités politiques représentant au mieux la population tunisienne.
Préparatifs colossaux
Or, c'est là que le bât blesse. À moins de deux mois de l'échéancier, les Tunisiens s'avouent perdus face à la pléthore de nouveaux partis politiques nés de l'après-Ben Ali. Certains mouvements, comme le Parti du travail, proche de la principale centrale syndicale, l'UGTT, viennent juste de naître. Techniquement parlant, environ 2 millions de Tunisiens ne disposent pas non plus, à ce jour, de carte d'identité -le minimum requis pour pouvoir voter. D'où le risque d'exclure un cinquième de la population, faute de temps pour renouveler les papiers demandés. De plus, la loi électorale -qui était attendue fin mars- vient tout juste d'être promulguée. «Dans ces conditions, il est impensable d'envisager la préparation d'un scrutin équitable sur un temps si limité», martèle Taleb Awad, un des nombreux experts électoraux à avoir défilé, ces derniers jours, à Tunis. Fort de son expérience en Bulgarie, après l'effondrement du bloc soviétique, ce politologue palestinien estime qu'il faut au moins vingt-deux semaines entre l'adoption d'une nouvelle loi électorale et la date du vote afin qu'il se déroule dans de bonnes conditions. Les préparatifs du scrutin sont en effet colossaux: la mise en place des listes électorales, la campagne d'information, le recrutement des agents chargés de contrôler le vote, de dépouiller et de veiller à la proclamation transparente des résultats.
La proposition faite par la Haute Instance indépendante attend désormais l'approbation du gouvernement transitoire. Elle a aussitôt été accueillie favorablement par les petits partis politiques, encore méconnus du grand public. En revanche, la nouvelle n'est pas de bon augure pour Ennhada. Banni sous Ben Ali, le parti islamiste, aujourd'hui légalisé, est, de loin, le plus organisé.
Ses leaders ne cessent de multiplier les déplacements en province, où leurs bureaux politiques ont d'ores et déjà pignon sur rue. En quelques semaines, ils sont parvenus, selon les sondages qui leur prédisent jusqu'à 40% des voix, à séduire un bon nombre d'électeurs potentiels parmi les indécis de cette nouvelle ère politique. Le temps, en revanche, pourrait jouer en leur défaveur. «Non à Ennhada», annoncent déjà de nouveaux slogans qui fleurissent sur les murs de Kasserine, un des principaux berceaux de la révolution qui mena, le 14 janvier, à la chute de Ben Ali.

Par Delphine Minoui
24/05/2011
Mise à jour : 10:04
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