(L'Express 03/04/2012)
Le nord du Mali est depuis plusieurs semaines sous le contrôle d'une mosaïque de groupes, aux revendications et intérêts divergents: Touareg en lutte pour leurs droits, islamistes, trafiquants de drogue et autres criminels profitant du chaos.
Le nord du Mali est tombé aux mains de rebelles touareg et de groupes islamistes. Que sait-on de ces groupes, de ce qui les rassemble et les différencie?
Après la prise de Tombouctou et du Nord du Mali par des rebelles touareg ces dernières semaines, à la faveur du chaos créé par le coup d'état militaire du 22 mars à Bamako , la ville de Tombouctou serait désormais aux mains de groupes islamistes. Que sait-on de ces groupes?
Les groupes rebelles du nord du Mali, combien de divisions?
Le nord du Mali est depuis plusieurs semaines sous le contrôle d'une mosaïque de groupes, aux revendications et intérêts divergents: Touareg en lutte pour leurs droits, islamistes, trafiquants de drogue et autres criminels profitant du chaos.
- le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), la principale composante, est celle qui avait revendiqué la prise de Tombouctou et de sa région, dimanche. Le MNLA qui se veut laïque, revendique l'autonomie du nord du Mali à majorité touarègue qu'ils dénomment l'Azawad (Lire Qui sont les rebelles touareg?;
- le mouvement islamiste Ansar dine, "l'Armée de la religion", est l'un des autres groupes armés de la région. Il est dirigé par Iyad Ag Ghaly, principal artisan de la prise de Kidal, dont il est originaire. Celui qui fut le principal chef de la rébellion touareg des années 1990, aurait subi l'influence de précheurs salafistes pakistanais il y a une dizaine d'années, selon Pierre Boilley, directeur du Centre d'études des Mondes africains (CEMAF). Ansar dine serait composé de jeunes radicalisés au contact d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Il aurait joué un rôle d'intermédiaire dans les prises d'otages avec certaines katibas (cellules) d'Aqmi dont celle d'Abou Zeid, responsable de l'enlèvement des collaborateurs d'Areva et Vinci, à Arlit.
- un nouveau groupe islamiste a fait irruption en décembre 2011, le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao). Se présentant comme une dissidence d'Aqmi, il serait dirigé par des activistes maliens et mauritaniens. Il avait revendiqué l'enlèvement des trois humanitaires européens dans un camp de réfugiés sahraouis non loin de Tindouf, et un attentat à la voiture piégée contre la gendarmerie de Tamanrasset, ville de garnison du Sud algérien. Le Mujao affirme avoir participé à la prise de Gao samedi.
- un autre dirigeant touareg, le colonel Elhadj Ag Gamou, "était resté sous uniforme de l'armée malienne en raison de ses différents avec Iyad Ag Ghaly", selon Jean-Philippe Rémy, spécialiste de l'Afrique au Monde. A la chute de Kidal, il a fait défection et a rejoint le MNLA.
L'Azawad, partie nord du Mali revendiquée par les rebelles touareg
© Wikipedia commons
Que fait Aqmi dans la région?
Aqmi est formé par d'anciens djihadistes algériens du Groupement salafiste pour la prédication et le combat algérien (GSPC). Sa zone d'opération s'étend sur toute la région désertique du Sahel depuis les régions semi-arides du Sénégal jusqu'à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger.
Aqmi est particulièrement présent dans l'Adrar des Ifoghas, un massif à cheval sur le Mali et l'Algérie. C'est là qu'il retient ses 13 otages occidentaux (dont 6 Français). La nébuleuse Aqmi est organisée en petites cellules (katibas) disséminées, dont celle de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, revenu dans le nord du Mali, après un séjour en Libye selon des sources sécuritaires régionales. Ils sont estimés entre 500 individus et un millier.
Les Touareg sont-ils nombreux au sein d'Aqmi?
Les recrues touareg restent marginales, selon Pierre Boilley: "Il s'agit essentiellement de jeunes chômeurs, dont la plupart ont très vite regagné le MNLA au lancement de la dernière rébellion le 17 janvier, explique-t-il.
Quels sont, alors, les liens entre Aqmi et les rebelles touareg?
Selon certains témoins cités par l'AFP, Mokhtar Belmokhtar a été vu "de plus en plus aux côtés de Iyad Ag Ghaly", le dirigeant d'Ansar Dine. Mokhtar Belmokhtar, surnommé "Belawar" (ou "Louar", le Borgne), est l'un des vétérans d'Aqmi qui opère depuis ses bases du nord du Mali dans tout le Sahel.
D'où viennent les moyens de ces groupes armés?
Outre les armes ramenées de Libye à la chute du régime Kadhafi (Lire Les armes de Kadhafi, un legs mortel pour l'Afrique), les moyens matériels des rebelles proviennent en partie des rançons récupérées lors des échanges d'otages, mais aussi de divers trafics dont celui de la drogue. "La drogue vient d'Amérique du Sud (cocaïne) ou du Maroc (haschich)", selon Christophe Ayad du Monde. Et son convoyage bénéficiait, selon lui, de "complicités dans les douanes, l'administration et l'armée" malienne.
Les intérêts de ces groupes sont-ils convergents?
Ansar Dine et le MNLA ont combattu ensemble contre l'armée dans des localités du nord-est, Tessalit, Aguelhok et Kidal ces deux derniers mois. Mais une lutte de leadership existe actuellement entre eux. Et maintenant qu'ils ont atteint la limite sud du secteur revendiqué sous le nom d'Azawad par les Touareg, leurs intérêts vont diverger: le MNLA revendique un Etat touareg dans le Nord tandis qu'Ansar Dine se bat pour l'instauration de la charia dans la totalité du territoire malien.
"Rien ne permet de dire aujourd'hui que le MNLA est débordé par une frange islamiste. Il reste très majoritaire, a le contrôle effectif des grandes villes du Nord, même si Ansar Dine a parfois aussi participé à leur conquête", estime Pierre Boilley. Pour lui, "le MNLA va sans doute d'abord chercher à consolider ses positions, mais il n'est pas exclu qu'il lance, à moyen terme, l'offensive contre Aqmi".
Par Catherine Gouëset, avec AFP, publié le 03/04/2012 à 16:56, mis à jour à 17:07
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