(L'Express 08/04/2012) Renversé par un putsch le 22 mars, Amadou Toumani Touré a
officiellement démissionné dimanche. Le président de l'Assemblée nationale
malienne, Dioncounda Traoré, est à Bamako pour être nommé chef de l'Etat par
intérim. Le président malien Amadou Toumani Touré (ATT), renversé par un
putsch le 22 mars, a officiellement démissionné, a annoncé dimanche la médiation
burkinabè, ouvrant la voie au départ de la junte au pouvoir depuis sa chute.
"Nous venons de recevoir la lettre de démission. Nous allons donc saisir
les autorités compétentes", a déclaré le ministre burkinabè des Affaires
étrangères Djibrill Bassolé, après une rencontre à Bamako avec le chef de l'Etat
déchu. La junte a conclu vendredi un "accord-cadre" avec la médiation, par
lequel elle s'engage à rendre le pouvoir aux civils après la démission d'ATT.
Samedi, le président de l'Assemblée nationale malienne, Dioncounda
Traoré, est arrivé à Bamako pour être nommé chef de l'Etat du Mali par intérim
après l'engagement de la junte militaire, sous forte pression régionale et
internationale, à rendre le pouvoir aux civils.
Sa première tâche sera
de tenter de pacifier le Nord de ce pays sahélien et enclavé, vaste région en
proie au chaos à la suite de l'offensive victorieuse de rebelles touareg qui y
ont proclamé leur propre Etat et de groupes islamistes armés.
Arrivé de
Ouagadougou, M. Traoré a été accueilli par le ministre burkinabè des Affaires
étrangères, Djibrill Bassolé, qui a mené les négociations avec les putschistes
en vue de leur retrait du pouvoir, et des parlementaires.
Levée des
sanctions de la Cedeao
Il a brièvement rencontré à l'aéroport des membres
de la junte, dont le porte-parole, le lieutenant Amadou Konaré.
Vendredi
soir, le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des putschistes qui ont renversé le
22 mars le président Amadou Toumani Touré, accusé "d'incompétence" dans sa
gestion de la situation dans le Nord, a annoncé à la télévision nationale le
prochain transfert du pouvoir aux civils.
Ce transfert, qui prévoit la
désignation d'un président de la République et d'un Premier ministre de
transition jusqu'à la tenue d'élections présidentielle et législatives, est
contenu dans un "accord-cadre" conclu avec les représentants de la Communauté
économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
En retour, le groupe
régional a décidé la levée "immédiate" des sanctions imposées le 2 avril à la
junte, un embargo diplomatique, économique et financier "total".
"Le
président (de la Cédéao, l'Ivoirien Alassane Ouattara) a, en conséquence et avec
l'accord de ses pairs, décidé la levée avec un effet immédiat de toutes les
sanctions imposées au Mali", précise un communiqué de l'organisation régionale.
40 jours pour organiser des élections au Mali
Le 2 avril, la
Cédéao (15 pays dont le Mali) avait décidé un embargo total, avec effet
immédiat, contre ce pays sahélien de 15 millions d'habitants en vue d'obtenir le
retour à l'ordre constitutionnel après le coup d'Etat militaire du 22 mars.
Cet embargo comprenait notamment la "fermeture de toutes les frontières
des Etats membres de la Cédéao avec le Mali, sauf à des fins humanitaires", la
"fermeture au Mali de l'accès aux ports maritimes des pays côtiers de la
Cédéao".
L'embargo comprenait également le gel du comptes du Mali à la
Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et le
non-approvisionnement de ses comptes dans les banques privées à partir de la
BCEAO.
Les auteurs du coup d'Etat se voient de leur côté offrir
l'amnistie. Lors d'une rencontre avec la classe politique, Dioncounda Traoré a
salué la junte pour avoir accepté de rétablir l'ordre constitutionnel.
"Je voudrais féliciter ces jeunes officiers qui, quand même, ont eu la
sagesse et l'intelligence de comprendre qu'aujourd'hui, notre pays a besoin
d'unité, de solidarité. Notre pays a besoin de son armée pour recouvrer
l'ensemble de son territoire", a-t-il affirmé dans sa déclaration diffusée par
la télévision publique ORTM.
L'accord de vendredi stipule que le poste
de chef de l'Etat intérimaire doit être occupé par le président de l'Assemblé
nationale qui, avec son Premier ministre et le gouvernement qu'il va former,
aura 40 jours maximum pour organiser des élections.
Mais la situation
dans le nord du Mali, dont les trois capitales administratives -Kidal, Gao et
Tombouctou- sont contrôlées depuis une semaine par les rebelles touareg, les
islamistes armés et divers groupes criminels, hypothèque la tenue d'élections
dans les délais prévus.
Le Mali coupé en deux
Dans l'immédiat, de
nombreux Maliens se sont dits soulagés du compromis trouvé. Parmi eux, Ahmed
Elkori, originaire de Tombouctou, qui a dit espérer que l'accord "puisse être le
prélude à une solution à la crise que vivent les populations dans le Nord".
Sur Radio France internationale, Tiébilé Dramé, chef du Parti pour la
renaissance nationale (Parena), important sur l'échiquer politique malien, a
estimé que "l'heure est à l'union, la réconciliation et la tolérance". "Nous
devons avoir une pensée émue pour la partie de notre peuple qui vit aujourd'hui
dans les trois régions du Nord, coupée du reste du pays".
L'Union
africaine (UA) s'est "félicitée" de l'accord et a exhorté "tous les acteurs
maliens concernés" à le mettre en oeuvre "de bonne foi pour permettre à leur
pays de relever les défis majeurs auxquels il doit faire face pour rétablir son
processus démocratique, ainsi que l'autorité de l'Etat sur l'ensemble de son
territoire national".
Le ministre français des Affaires étrangères Alain
Juppé a "salué" un accord qui "crée les conditions pour avancer vers la
recherche d'une solution politique concernant le Nord", ajoutant que dès
l'installation des autorités civiles, "la France reprendra sa coopération
bilatérale civile et militaire" interrompue après le putsch.
Les
populations du Nord sont victimes d'exactions, de pénuries et de la sécheresse
qui, cumulées, ont "des effets dévastateurs", selon les organisations
humanitaires internationales.
La proclamation d'indépendance du Nord,
vendredi, par le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA, rébellion
touareg), unanimement rejetée en Afrique et dans le reste du monde, ajoute à la
confusion.
Elle ressemble plus à un effet d'annonce qu'à une réalité sur
le terrain où le MNLA semble avoir été marginalisé par les islamistes du
mouvement Ansar Dine d'Iyad Ag Ghaly, figure des ex-rébellions touareg des
années 1990, appuyé par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont trois
principaux chefs ont été vus à Tombouctou avec lui. L'un d'eux, Mokhtar
Belmokhtar, est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi à Gao, selon des
sources concordantes.
Aqmi retient en otages au Sahel six Français et le
président du comité de soutien à deux d'entre eux enlevés en novembre 2011 dans
le nord du Mali a appelé la France à "ne pas oublier" ses ressortissants.
La Cédéao a menacé vendredi de recourir à la force pour mettre fin à la
partition après la déclaration d'indépendance du MNLA. Elle a rappelé "à tous
les groupes armés du nord du Mali" que ce pays est "un et indivisible" et
qu'elle "usera de tous les moyens, y compris le recours à la force, pour assurer
l'intégrité territoriale du Mali".
Elle envisage d'y envoyer une force
de 2000 à 3000 soldats. Les chefs d'état-major des armées de la Cédéao ont
élaboré un "mandat" pour cette force, qui reste à approuver par les chefs
d'Etat.
Par LEXPRESS.fr, publié le 08/04/2012 à 19:29, mis à jour à
19:29
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