(Afriscoop 23/04/2012)
Tout est volatile dans la vie, et seul demeure le temps, "cette image mobile de l’éternité immobile" selon le mot d’Empedocle. Dans ce contexte, seule importe la fin. De son exil doré de Dakar, Amadou Toumani Touré (ATT) doit méditer sur le sens de sa vie ou plus exactement sur sa trajectoire de président de la République du Mali.
Le 22 mars 2012 aux environs de 18 heures, c’est un président clopinant qui dévalera le flanc de la colline du pouvoir vers le quartier Dar es salam, en fuite face à des putschistes qui, apparemment, étaient bien décidés à lui faire manger les pissenlits par la racine.
Pendant plusieurs jours, il restera claquemuré quelque part dans Bamako (camp militaire de Djikoroni ? ambassade des USA ? ambassade du Sénégal ?) avant de se faire entendre d’abord sur RFI, puis pour annoncer sa démission.
22 ans auparavant, même si l’oracle le plus infaillible du Mali avait prédit à ATT qu’il serait renversé par ses frères parachutistes, il l’aurait envoyé paître. Au demeurant, jusqu’à la dernière minute, le héros du 26 mars 1991 avait toujours cru à la réversibilité du coup d’Etat, mieux ou pire, c’est selon, à son irréalité.
Sinon comment comprendre son autisme face aux différentes alertes de certains de ses pairs, dont le burkinabè Blaise Compaoré, sur l’imminence d’un putsch ? Qu’est-ce qui explique qu’il croyait dur comme fer, lui, le tombeur de Moussa Traoré, qu’il était à l’abri d’une telle surprise ?
Sans doute, l’assurance de certains de ses conseillers en mysticisme n’est pas étrangère à cette attitude. En tout cas en moins de 24 heures, le Mali expérimentait son 3e pronunciamiento, et Amadou Haya Sanogo et Cie mettaient fin au mythe ATT, lequel a pris le chemin de l’exil.
Fuite et fin ? Pas si sûr, puisque même son départ pour l’extérieur a été houleux, la junte ayant voulu le garder pour le juger. Sera-t-il rattrapé un jour par certaines casseroles, notamment dans ce dossier avec les Touaregs du Nord, où, apparemment, l’homme n’est pas blanc comme neige ? En attendant, cet exil dakarois est salutaire pour l’ex-parachutiste, qui pourra se faire opérer du genou à Dantec ou à Fann, goûter un peu à un repos bien mérité et se remettre de ses frayeurs. Il revient de loin. Il pourra aussi savourer les délices du tiéboudiène ou tiepyap, et pourquoi pas envisager des projets communs avec son homologue sénégalais déchu, lui, par les urnes, Abdoulaye Wade, lequel, à 85 ans, entend toujours être sur la brèche.
Rideau sur 10 ans de pouvoir démocratique consensuel certes, mais sur fond de pagaille et de pratiques douteuses.
Le Mali derrière ATT n’est pourtant pas sorti du tunnel, loin s’en faut :
d’abord il y a cette espèce de dyarchie au sommet de l’Etat qu’il faut régler : d’un côté, le président intérimaire, Diocounda Traoré, et son Premier ministre, Cheick Modibo Diarra, et de l’autre la junte, qui régente toujours le Mali.
Que ce soit le président ou le Premier ministre, tous ont fait le pèlerinage de Kati avant leur nomination. Et que dire de la vingtaine d’arrestations de personnalités ordonnées par les ex-putschistes ? Dans les faits, la junte gouverne toujours au Mali, et à l’évidence, l’Accord-cadre mérite d’être retoqué ;
le nouveau Premier ministre, qui a tenu un discours de vérité lors de sa première sortie solennelle le 21 avril dernier, devra rapidement marquer son territoire par... la formation d’une équipe compétente. Problème : les tractations pour trouver les hommes qu’il faut à la place qu’il faut butent apparemment sur les calculs personnels des uns et des autres ;
enfin il y a évidemment le brûlot du nord du Mali, concernant lequel le nouveau chef du gouvernement n’a pas transigé dans son premier discours. Mais entre ce discours musclé et sa marge de manœuvre sur le terrain, où Touaregs et Djiadistes s’en donnent à cœur joie, il y a un écart abyssal.
Que vont faire donc les chefs d’Etat de la CEDEAO, qui seront, de nouveau, ce jeudi 26 avril à Abidjan au chevet du Mali et de la Guinée-Bissau ?
Après avoir remporté une première demi-victoire, qui a consisté à faire remettre le pouvoir aux civils, l’institution régionale se trouve confrontée, dans le cas du Mali, au problème de l’omission de certains détails (à dessein ?) lors de la signature de l’Accord-cadre.
Cette énième réunion au sommet sur le Mali devra donc trancher les questions relatives à l’exercice du pouvoir sur une feuille de route très claire pour le pouvoir intérimaire. Les Maliens pourront alors s’occuper de leurs frères scessionnistes du Nord.
A défaut de vider le contentieux relatif au pouvoir suprême, il est à craindre qu’une prolongation de cette période de ni chair ni poisson n’entraîne le Mali dans le chaos.
L’Observateur Paalga
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