(Le Pays 17/04/2012) Comme un malade chronique en rechute, la Guinée Bissau est à
nouveau l’objet de toutes les attentions. Les condamnations fusent, teintées de
menaces, depuis ce 13 avril, où l’ordre constitutionnel a été à nouveau rompu.
Mais jusqu’à présent, elles n’ont jamais pu faire plier l’armée
bissau-guinéenne. La classe politique aussi a achevé de convaincre sur ses
connivences avec cette armée. Ce n’est donc pas sur elle que peuvent compter les
démocrates pour un véritable ancrage démocratique dans le pays. Et si la
résistance, face à l’impéritie générale, s’organisait de l’intérieur autour de
la société civile ? Le mot d’ordre de grève lancé par l’Union nationale
des travailleurs de Guinée Bissau (UNTG) pourrait être le déclic de cette
résistance citoyenne qui fait cruellement défaut au pays. Certes, le pays est
habitué aux mouvements de grève, au regard de la situation désastreuse de son
économie. Mais c’est l’une des premières fois qu’une grève est lancée pour
protester contre un coup d’Etat. Dans un pays où les militaires ont la gâchette
facile, c’est un acte hautement courageux que vient de poser ce syndicat. Cela
permet déjà, au moins, de briser la chape de plomb et d’inhiber les peurs, afin
de libérer l’expression citoyenne.
Car la Guinée Bissau a besoin d’un
sursaut d’orgueil de son peuple, jusque-là condamné à subir le joug des
militaires et les errements des hommes politiques. Comme dans les révolutions
démocratiques en cours dans le monde arabe, le salut de la Guinée Bissau passe
par une mobilisation populaire contre les dérives de tous ordres. Dans le cas
d’espèce, où l’on s’apprêtait à voter pour un second tour, c’est l’aspiration
démocratique du peuple qui a été prise en otage par la soldatesque et les
politiciens véreux. Le peuple est infantilisé, comme s’il ne savait pas ce qu’il
voulait. On lui a ôté un droit essentiel, celui de choisir librement ses
dirigeants. En effet, il ne faut pas se faire d’illusions, les promesses des
putschistes d’organiser de nouvelles élections ne sont que pure diversion.
Ce coup d’Etat n’a aucun fondement légitime et ne vise qu’à préserver
les intérêts égoïstes de la haute hiérarchie militaire et ses affidés
politiques. Elle constitue une grosse forfaiture contre laquelle il faut se
dresser, pour une fois, afin que se profile enfin un horizon prometteur pour le
pays. Si les Bissau-Guinéens veulent un jour goûter aux joies de la démocratie,
ils n’ont d’autre alternative que de se mobiliser contre les coups d’Etat à
répétition. Il y aura des sacrifices à consentir, peut-être même des morts à
déplorer, mais rien ne s’obstient sans lutte.
L’appel à la grève lancé
par l’UNTG est sans doute un tout petit pas, qui risque d’être étouffé dans
l’œuf par une armée décidée à conserver ses privilèges. Mais il a le mérite du
courage. Il incarne peut-être cette Guinée Bissau de demain, avec une société
civile enfin réveillée et engagée. Il y a donc un frémissement citoyen sur
lequel la communauté internationale pourrait s’appuyer pour asseoir un jour
l’Etat de droit en Guinée Bissau.
Mahorou KANAZOE
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