(Le Figaro 13/04/2012) En plein entre-deux tours du scrutin présidentiel, le
président Raimundo Pereira et le premier ministre Carlos Gomes Junior ont été
arrêtés jeudi par l'armée. Celle-ci dénonce un accord secret avec l'Angola
visant à l'affaiblir.
La Guinée-Bissau est de nouveau proie à un coup
d'État militaire. Le président intérimaire Raimundo Pereira et le premier
ministre Carlos Gomes Junior ont tous deux été arrêtés et la capitale Bissau est
désormais quadrillée par les soldats.
L'assaut a été lancé jeudi soir,
principalement sur la résidence de Carlos Gomes Junior, homme fort de l'exécutif
et favori du deuxième tour de l'élection présidentielle. Sa maison a été
attaquée à la roquette, pendant que des militaires prenaient la radio nationale
et bouclaient la ville. Il «a été arrêté (jeudi) par des militaires. Ils l'ont
introduit dans un pick-up qui a démarré en trombe vers une destination
inconnue», a déclaré son épouse. Il serait désormais détenu à la base militaire
de San Vicente, à 45 km au nord de Bissau.
Le président Pereira a connu
le même sort. «Il n'a opposé aucune résistance» quand des soldats sont venus le
chercher, raconte un membre de sa garde rapprochée. Plusieurs responsables
politiques ont également été arrêtés et conduits au siège de
l'état-major.
«Accord secret» avec l'Angola
Un «commandement
militaire» non identifié basé à l'état-major avait justifié ces nouveaux
troubles dans la région, trois semaines après un putsch au Mali, en dénonçant un
«accord secret» conclu entre l'exécutif et l'Angola afin de «détruire les forces
armées de Guinée-Bissau». Selon l'armée, «cet accord vise à légitimer la
présence de troupes étrangères, en l'occurrence la Mission militaire angolaise
(Missang) en Guinée-Bissau, dans un souci de protéger le gouvernement en cas de
crise». Récemment, des membres de l'état-major ont accusé le gouvernement de
chercher à obtenir une intervention de l'Angola «sous l'égide de l'Union
africaine» (UA).
Lundi à Bissau, le chef de la diplomatie angolaise,
Georges Chicoty, avait annoncé le prochain retrait de la force, présente depuis
2011. Ses effectifs n'ont jamais été communiqués officiellement mais la Missang
compte au moins 200 éléments.
«Le commandement n'a aucune ambition pour
le pouvoir», précise cependant le dernier communiqué de l'armée.
«La
difficulté dans cette affaire est que les putschistes ne dévoilent ni leurs
visages ni leurs ambitions, du moins pour le moment», a déclaré un responsable
politique sous couvert d'anonymat.
L'armée a convoqué pour vendredi
après-midi une réunion avec les partis politiques pour permettre un «retour
rapide du pays à une normalité politique et constitutionnelle». Prévue à 17h, la
réunion à huis-clos a pour but «d'expliquer les raisons du soulèvement militaire
d'hier afin de trouver une sortie politique de cette situation de peur, de chaos
et surtout de paralysie des institutions publiques et privées du pays», selon un
communiqué.
Contexte électoral instable
La Guinée-Bissau a une
histoire jalonnée de putschs, tentatives de coups d'Etat militaires et violences
politiques depuis son indépendance en 1974. Elle est devenue ces dernières
années une plaque tournante du trafic de cocaïne entre l'Amérique du Sud et
l'Europe.
Dans ce pays très instable, les rumeurs de coup se faisaient
insistantes depuis des jours, à l'approche du second tour de la présidentielle
du 29 avril. La Guinée-Bissau doit en effet voter pour élire le successeur du
président Malam Bacai Sanha, décédé dans un hôpital parisien en janvier des
suites d'une longue maladie. Jeudi même, quelques heures avant les troubles,
l'opposition menée par l'ex-président Kumba Yala, qui est censé affronter le 29
avril Carlos Gomes Junior, avait appelé au boycott de la présidentielle, et mis
en garde quiconque ferait campagne. Yala avait dénoncé des «fraudes massives» au
premier tour du 18 mars, où il avait obtenu 23,26% des voix contre 48,97% pour
Gomes. La campagne pour le second tour était censée démarrer
vendredi.
Condamnations internationales
Jugeant le putsch
«inadmissible», l'UA a averti qu'elle «n'acceptera aucune prise de pouvoir par
des voies anticonstitutionnelles ni remise en cause du processus
démocratique».
La France a condamné «l'usage de la violence» et appelé
«les forces armées au respect de la Constitution et des institutions
démocratiques bissau-guinéennes».
Les États-Unis ont exhorté «toutes les
parties à déposer leurs armes et à restaurer le leadership légitime des civils»,
donnant des consignes de prudence à leurs ressortissants. Le Portugal,
ex-puissance coloniale, «condamne avec fermeté le coup d'Etat», selon le
président Anibal Cavaco Silva.
Par lefigaro.fr Mis à jour le 13/04/2012 à
18:07 | publié le 13/04/2012 à 17:53
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