(L'Humanite 18/04/2012)
Le nouveau coup d’État militaire en Guinée-Bissau intervient
alors que l’ex-colonie portugaise est devenue la plaque tournante africaine du
trafic de cocaïne.
Les soubresauts politico-militaires n’en finissent
plus d’ébranler la Guinée-Bissau, petit pays d’Afrique de l’Ouest rongé
jusqu’aux plus hauts sommets de l’État et de l’armée par le narcotrafic. Jeudi
dernier, des militaires se sont emparés du pouvoir dans l’ex-colonie portugaise,
renversant le président intérimaire Raimundo Pereira et le premier ministre
Carlos Gomes Junior. Ce dernier était candidat à l’élection présidentielle
organisée à la suite du décès du président Malam Bacai Sanha, le 9 janvier.
Le premier tour avait donné lieu à des contestations, laissant poindre
une crise postélectorale avant même la tenue du second tour, prévu le 29avril.
Les deux chefs de l’exécutif, ainsi que plusieurs dirigeants de l’ex-parti au
pouvoir, le PAIGC, ont été placés en détention par les putschistes. Dimanche, la
junte et 22 partis de l’ex-opposition ont annoncé la dissolution des
institutions et la mise sur pied d’un Conseil national de transition (CNT). Les
militaires ont aussi décrété la fermeture des frontières, en réaction à l’envoi
par le Portugal de deux navires et d’un avion militaires en vue d’une éventuelle
évacuation de ses ressortissants. Hier, une délégation de la Communauté des
États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) devait se rendre à Bissau pour exiger le
«retour à l’ordre constitutionnel».
Pour justifier le coup d’État, les
putschistes accusent l’exécutif déchu d’avoir conclu un «accord secret» avec
Luanda pour «faire éliminer» l’armée par des soldats angolais postés en
Guinée-Bissau. Ces nouvelles convulsions sont plus sûrement dues à des
règlements de comptes liés au narcotrafic. On évoque, à Bissau, le rôle trouble
du chef d’état-major de l’armée, le général Antonio Indjai, dont la junte a
annoncé la mise aux arrêts, mais qui pourrait avoir joué un rôle-clé dans ce
coup de force. Sur son blog, Afrique-Drogue, le journaliste Christophe Champin,
auteur du livre Afrique noire, poudre blanche (André Versailles éditeur), évoque
«une rivalité entre le chef d’état-major des armées Antonio Indjai et le chef
d’état-major de la marine, Bubo Na Tchuto, autour du trafic de cocaïne», l’un
contrôlant les aéroports, l’autre les arrivées de drogue par voie
maritime.
Depuis son indépendance en 1974, la Guinée-Bissau n’a jamais pu
jouir d’une quelconque stabilité. Dès 1973, l’assassinat par les services
portugais du leader indépendantiste et révolutionnaire Amilcar Cabral inaugurait
une longue chronique de violences politico-militaires. Violences décuplées, sur
fond de décomposition de l’État, par les enjeux liés au trafic de
cocaïne.
Rosa Moussaoui
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