(Le Temps.ch 26/04/2012)
Le trublion Julius Malema a été expulsé de l’ANC. Mais le
chef de l’Etat est loin d’avoir gagné la bataille pour sa réélection à la tête
du parti fin 2012. S’il échoue, il ne pourra être réélu pour un second mandat
présidentiel.Depuis une semaine, Jacob Zuma est tout sourire. Samedi, le
chef de l’Etat, entouré de 800 invités, a pris une quatrième coépouse, Bongi
Ngema. Agé de 70 ans, ce père d’une vingtaine d’enfants, marié six fois, a une
nouvelle fois fait un pied de nez à la longue tradition féministe de l’ANC.
Mardi soir, Jacob Zuma a eu une nouvelle raison de se réjouir, lorsque Julius
Malema a été expulsé du parti. C’est la première fois dans l’histoire de l’ANC
que le président de la Ligue des jeunes est excommunié.
«Juju» a eu le
grand tort de traiter le président de «dictateur», le mois dernier. Mais son
sort était déjà scellé depuis des mois: Julius Malema s’était fait le tonitruant
porte-parole de ceux qui aspirent au renversement de Jacob Zuma en décembre
prochain, lors du congrès de l’ANC. Sans un second mandat, le leader zoulou n’a
aucune chance d’être reconduit à la tête de l’Etat en 2014. En septembre 2008,
il avait forcé son prédécesseur Thabo Mbeki à la démission. Cette fois, c’est
lui-même qui risque d’être renversé par la Ligue des jeunes et le tout puissant
syndicat Cosatu, qui l’avaient porté au pouvoir.
Avec une réputation
entachée par des affaires de corruption avant même son accession à la
présidence, Jacob Zuma aurait dû se montrer exemplaire dans la gestion de
l’Etat. Or, dès son accession au pouvoir, en mai 2009, il a favorisé les frères
Gupta, deux hommes d’affaires venus d’Inde, qui ont engrangé de gros contrats.
En échange, ces derniers ont offert contrats et emplois à la famille Zuma. Ils
ont aussi financé le quotidien New Age, proche de l’ANC. «Le problème est que
les Gupta ont refusé de partager le gâteau», pense le journaliste Moipone
Malefane du Sunday Times. Au moins, sous Thabo Mbeki, les bénéficiaires des
largesses du pouvoir étaient des Noirs sud-africains. De plus, alors que
l’ex-président s’était bien gardé de favoriser sa région d’origine, Jacob Zuma
s’est fait construire une énorme résidence dans son village natal de Nkandla,
avec l’argent des contribuables.
Le chef de l’Etat a aussi promu dans les
cercles du pouvoir tous ceux qui l’ont aidé à éviter un procès, après son
inculpation en 2005 pour corruption – il était accusé d’avoir reçu un pot-de-vin
de la firme d’armement française Thales. Six de ses gardes du corps sont ainsi
devenus «colonels». A la tête de la police, des services secrets et de la
justice, il a nommé ses alliés, souvent incompétents, voire corrompus, et même,
dans le cas de Richard Mdluli, chef de la police criminelle, soupçonné de
meurtre.
Corruption et népotisme
Pire, Jacob Zuma entend limiter
les pouvoirs de la Cour constitutionnelle qui, selon lui, «ne peuvent être
supérieurs aux pouvoirs conférés à un mandataire par le peuple». Il a aussi fait
voter une loi qui permet au ministre en charge des Services secrets de faire
classer confidentiel et interdit à la publication, tout document officiel, sous
risque d’une peine de prison. Avis aux journalistes. «Sous Zuma, la corruption
et le népotisme ont atteint des niveaux sans précédent, dit Dirk Kotse,
professeur en sciences politiques à Pretoria. Il n’a pas non plus de plan pour
résoudre les problèmes économiques et sociaux. Il avait accusé son prédécesseur
d’être trop proche des milieux d’affaires, mais il n’est pas
différent.»
Les inégalités explosent entre la nouvelle bourgeoisie noire
et les bataillons de pauvres chômeurs. Ce sont ces derniers qui soutiennent
l’appel de Julius Malema à une «libération économique» qui commencerait par la
nationalisation des mines. Mais les hommes d’affaires sont tout aussi critiques,
comme Reuel Khoza, président de la Nedbank, qui a conspué «l’incapacité (de
Jacob Zuma) à gérer les complexités du XXIe siècle».
«La présidence de
Jacob Zuma a été un échec, affirme le commentateur politique Prince Mashele.
Beaucoup de gens dans l’ANC sont embarrassés par sa conduite morale et son
manque de leadership. Ils espèrent que le vice-président Kgalema Motlanthe, un
homme respecté, lui succédera en décembre.» Jacob Zuma a réduit Julius Malema au
silence. Mais même s’il peut compter sur l’appui de son fief zoulou (25% des
membres de l’ANC) et des traditionalistes, il est loin d’avoir gagné la
bataille.
Valérie Hirsch
© Copyright Le
Temps.ch
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire