(Afrik.com 26/04/2012)
L’ancien président du Liberia comparaissait pour crimes de
guerre et crimes contre l’humanité. Charles Taylor, l’ancien président
du Liberia, a été jugé ce jeudi coupable de crimes de guerre et crimes contre
l’humanité par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Il devient le
premier ancien chef d’Etat condamné par la justice internationale depuis les
peines infligées par le Tribunal de Nuremberg aux responsables
nazis.
Charles Taylor, président du Liberia de 1993 à 2007, a été reconnu
ce jeudi coupable par le le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL). Il
était accusé de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis entre 1991
et 2001 durant la guerre civile en Sierra Leone qui a fait 120 000 morts.
Charles Taylor devient ainsi le premier ex-chef d’Etat à être condamné par une
juridiction internationale depuis le procès de Nuremberg. A la fin de la Seconde
Guerre mondiale, un tribunal spécial est mis en place pour juger les
responsables nazis.
Une audience se tiendra dans les quatre à huit
semaines pour déterminer la durée de la peine de l’ancien dirigeant libérien.
Agé de soixante ans, Charles Taylor avait été interpellé le 24 mars en 2006 au
Nigeria, près de la frontière camerounaise avant d’être incarcéré le 20 juin de
la même année à La Haye.
Le Liberia, l’autre victime de Charles Taylor
Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone accuse l’ancien président
d’avoir contrôlé la Sierra Leone au moyen d’une campagne de terreur afin
d’exploiter les mines de diamants, des diamants dits "du sang". Durant cette
période, le pays était en proie à une sanglante guerre civile. Charles Taylor
est aussi accusé d’avoir soutenu les rebelles sierra-léonais du Front
révolutionnaire uni (RUF) en leur fournissant des armes et munitions en échange
de diamants.
Charles Taylor est également accusé d’avoir commis de
multiples atrocités dans son pays, le Liberia. Dans la nuit de Noël 1989, il a
déclenché avec la rébellion du Front national patriotique du Liberia (NPFL),
dont il a ensuite pris la tête, l’une des guerres civiles les plus atroces que
le continent ait jamais connue. Entre tueries, viols, mutilations et actes de
cannibalisme, l’ancien chef de l’Etat et ses hommes feront un véritable carnage.
Au Liberia, Charles Taylor généralisera l’enrôlement des enfants-soldats,
transformés en machines à tuer par la drogue. Près de 200 000 personnes ont péri
dans cette guerre civile. Les Libériens espèrent aussi le voir juger pour ces
crimes.
jeudi 26 avril 2012 / par Assanatou
Baldé
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Charles
Taylor : portrait d’un chef de guerre déchu
(mardi 4 avril 2006)
Charles
McArthur Ghankay Taylor, l’ancien Président déchu du Liberia, a comparu ce lundi
devant le tribunal spécial pour la Sierra Leone, à Freetown. Accusé d’être
l’initiateur d’une guerre civile qui a fait plus de 200 000 morts dans son pays
et Sierra Leone, il est poursuivi pour 17 chefs d’inculpation de crimes de
guerre et crimes contre l’humanité. Portrait de celui que beaucoup considère
aujourd’hui comme l’un des plus sanglants chefs de guerre du
continent.
Par Vitraulle Mboungou
Charles McArthur Ghankay Taylor,
l’un des chefs de guerre les plus tristement célèbres d’Afrique, est né en 1948
à Monrovia d’un père « Kongo », descendants d’esclaves américains affranchis et
installés au Liberia en 1816, au moment de sa création. Il s’est attribué, le
surnom de Ghankay, le guerrier en langue gio, pour s’assurer les services de la
communauté autochtone d’où était issue sa mère. Il était promis, dès son plus
jeune âge, à une carrière dans la classe dirigeante d’origine afro-américaine
qui représente seulement 5% de la population totale, car elle avait presque
toujours été au pouvoir depuis l’indépendance du pays en1847. C’est donc
naturellement qu’il part en 1970, suivre des études d’économie à l’Université de
Bentley dans le Massachusetts aux Etats-Unis. Il y développe alors son goût pour
la politique. Il commence d’abord à critiquer le régime du Président libérien de
l’époque, William Tolbert, alors même qu’il participe à une visite organisée par
le pouvoir au profit de l’Union des associations libériennes aux Etats-Unis
(ULAA). Déçu par ce mouvement qu’il accuse de l’avoir mal informé sur Tolbert,
il rejoint celui de l’Opposition. Mené par le sergent, Samuel Doe, ce mouvement
constitué des « Natives », renverse en avril 1980, le système « Kongo ». Tolbert
est exécuté et ses dignitaires fusillés pour l’exemple sur une plage de
Monrovia.
Evadé d’une prison américaine
Doe, devenu Président,
nomme Taylor conseiller et lui confie la direction des services généraux du
gouvernement. Ce nouveau couple épuise ainsi en trois ans les fonds du Trésor
public libérien. Face aux menaces des Etats-Unis, Samuel Doe, se défausse sur
son complice, qu’il accuse d’avoir détourné 900 000 dollars. Il ne s’en défait
pas pour autant, mieux, il le transfère au ministère du Commerce. La relation
entre les deux se détériorent réellement en 1984, lorsque Taylor s’envole pour
Boston où il se présente comme un opposant de Doe, qui demande alors son
extradition pour l’affaire de détournement de fonds. Taylor qui comptait sur le
soutien de la communauté afro-américaine, est au contraire rejetée par cette
dernière qui n’a pas digéré l’épisode Tolbert. Arrêté et incarcéré à la Maison
de correction Plymouth County, dans le Massachusetts, il réussit à s’en échapper
pour finir en Afrique.
Il se réfugie en Côte d’Ivoire où il prépare la
rébellion contre son ancien complice, Samuel Doe. Pour ce faire, il rejoint le
Front national patriotique du Liberia (NPFL), dont il devient le leader. Avec
ses futurs guérilleros, il s’entraîne dans des camps militaires au Burkina Faso.
Après un premier assaut manqué en 1985, il déclenche dans la nuit de Noël 1989,
l’une des guerres les plus marquantes d’Afrique. Les soldats du NPFL vont, en
quelques mois, contrôler une grande partie du pays, mais un éclatement au sein
même du mouvement armé ralentit sa conquête. Un de ses principaux lieutenants,
Prince Johnson se dissocie et fonde, avec près de 1 000 hommes, le Front
national patriotique et indépendant du Liberia (INPLF). Charles Taylor et ses
troupes parviennent, malgré tout, à installer leurs quartiers généraux au centre
du pays. En juillet 1990, ils marchent sur Monrovia. Le 27 du même mois,
Taylor-Ghankay se proclame Président d’une Assemblée nationale « patriotique de
reconstruction », censée diriger le pays à la place de Samuel Doe qui est
assassiné deux mois plus tard, en septembre 1990, par les hommes de
Johnson.
Le soutien à la sanglante rébellion du RUF en Sierra
Leone
Le conflit libérien, éclaté, voit alors s’affronter au moins sept
factions rivales. Le NPFL de Taylor est l’une des plus craintes, ses combattants
souvent soupçonnés d’être drogués sont accusés des plus cruelles atrocités,
tueries, mutilations, viols...Cette faction compte également parmi ses
guérilleros, des enfants-soldats souvent enrôlés de force dans des camps
d’entraînement militaires, notamment au Burkina Faso. Jusqu’en 1997, année des
présidentielles, qui lui donnent 75% des voix et rendent légitime sa place à la
tête du pays, Charles Taylor se charge d’éliminer un à un tous ses adversaires.
Parvenu au pouvoir, il continue de combattre tous ceux qui s’opposent à lui. Il
commence également un commerce d’armes avec le pays voisin, la Sierra Leone,
frappé par un embargo. Il leur fournit des armes en échange de diamants qu’il
met ensuite sur le marché international. Il soutient par ailleurs, le Caporal
sierra léonais Foday Sankoh et sa rébellion le Front révolutionnaire uni (RUF),
également à l’origine des dix années de guerre dans son pays.
Devenu
Président, Taylor voit le camp de ses adversaires se fortifier. Ses troupes
subissent, dans un premier temps, les offensives du groupe des Libériens unis
pour la réconciliation et la démocratie (LURD), mouvement soutenu par les
Américains et le régime guinéen frontalier. Elles doivent ensuite affronter
celles du Mouvement pour la démocratie au Liberia (MODEL), groupe constitué
essentiellement d’anciens fidèles de Samuel Doe. Il est, parallèlement, de plus
en plus isolé sur le plan international. Il se voit ainsi imposer en 2001 puis
en 2003, des sanctions par le Conseil de sécurité des Nations Unies, telles
qu’un embargo sur ses exportations de diamants de la guerre et de bois et
l’interdiction de voyager pour lui et son équipe présidentielle. Le 4 juin 2003,
le tribunal spécial de Sierra Leone l’inculpe pour sa responsabilité dans les
crimes de guerre du RUF et lance contre lui un mandat d’arrêt international.
Poussé dans ses retranchements, il est contraint de quitter le pays le 11 août
2003 pour un exil doré au Nigeria, mettant ainsi fin à 14 ans d’un conflit qui a
fait plus de 200 000 morts et des centaines de milliers de déplacés.
Le
Président nigérian Olusegun Obasanjo, ayant finalement accepté de le livrer au
Liberia, le 25 mars dernier, Charles Taylor a tenté une ultime cavale qui n’a
durée qu’une journée. Appréhendé à Gamboringala, dans le nord-est du pays, à la
frontière camerounaise, il a immédiatement été remis aux mains des autorités
libériennes, à la demande d’Obasanjo, souvent accusé de le protéger. Transféré
ensuite à Freetown, il a comparu devant les juges ce lundi 3 avril, en attendant
un éventuel transfert vers le Tribunal international de La Haye, aux
Pays-Bas.
(mardi 4 avril 2006) / par Vitraulle Mboungou
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