(Affaires Stratégiques 14/02/2012)
Il y a un an, les Soudanais du Sud votaient à 98,83% pour leur indépendance vis-à-vis de Khartoum. Après un demi-siècle de guerre civile, la République du Soudan du Sud a été proclamée le 9 juillet 2011, devenant ainsi le 193e État membre des Nations unies. Mais bien que de longues négociations aient mené à un partage désormais globalement accepté par les deux camps, la question du pétrole et de ses revenus constitue aujourd’hui une importante menace pour la paix.
Avant la partition du pays, le Sud du Soudan recélait 80% du pétrole du pays, que le Nord contrôlait, grâce à deux oléoducs, au raffinage et à l’exportation d’hydrocarbures. Mais depuis la proclamation de l’indépendance du Sud-Soudan, Khartoum a perdu 60% de ses recettes pétrolières, ce qui l’a plongé dans une situation économique désastreuse.
Le pétrole est devenu une arme usitée par chacun des deux protagonistes pour tenter d’imposer sa volonté. Car bien que l’indépendance ait été proclamée et acceptée par les deux parties, les groupes rebelles du Sud continuent les attaques contre le Nord, qui reste convaincu que ces milices sont armées grâce aux revenus pétroliers. A titre de représailles, Khartoum a confisqué quelque 1,2 millions de barils en provenance du Sud et trois navires chargés de 2,2 millions de barils, arguant que l’argent ainsi amassé servirait à compenser les pertes dues aux droits de transit impayés par le Sud. Ce à quoi Juba a répondu en suspendant sa production d’hydrocarbures, affectant de ce fait pleinement l’économique nord-soudanaise.
Au cours du dernier sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à la fin du mois de janvier à Addis Abeba, des négociations autour du partage des ressources pétrolières ont été entamées, mais n’ont pas abouti. Le Sud-Soudan, qui cherche à s’émanciper de son voisin nordiste en parvenant à exporter son propre pétrole a entamé avec le Kenya des discussions autour de la construction d’un oléoduc qui traverserait le pays. Et bien que sa mise en place s’avère longue et coûteuse, un certain nombre de responsables du gouvernement ont fait savoir qu’ils préfèreraient suspendre leurs extractions pétrolières plutôt que de se plier encore à la volonté de Khartoum.
Les pertes seraient néanmoins très lourdes à assumer pour ce nouvel État où la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Estimées à quelque 650 millions de dollars par mois, elles pourraient largement remettre en question la viabilité de la République du Soudan du Sud. D’autant plus que cette stratégie, qui vise à anéantir son voisin du nord, pourrait s’avérer suicidaire pour Juba ; selon un général nordiste, « L’arrêt de la production de pétrole nous blessera, mais elle les tuera ».
Sources : The New York Times, Le Nouvel Observateur
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