dimanche 12 février 2012

Sénégal: Ak ak akak, Wade attacks!

(Slate Afrique 10/02/2012)
Pourquoi le président sénégalais s’agrippe-t-il à ce point au pouvoir? Six hypothèses inédites de Damien Glez.
Les voies de l’homo politicus sont impénétrables. Le «balayeur» ivoirien Robert Gueï n’était-il pas sincère lorsqu’il proclamait que si on ne l’avait pas inopinément assis sur le fauteuil d’Henri Konan Bédié, il n’aurait pas emprunté lui-même les embranchements du pouvoir? Quelques mois d’enivrement plus tard, le général ne voulait plus lâcher son balai…
Si Abdoulaye Wade, lui, a longuement cherché le pouvoir avec les dents -battu aux élections de 1978, 1983, 1988 et 1993-, c’était en tant que chantre de l’alternance. Alors pourquoi le héraut du sopi s’acharne-t-il aujourd’hui à refuser le changement? Incompréhensible…
S'accrocher à son fauteuil
Les raisons présumées de l’obstination «wadienne» convainquent mal l’observateur candide. Par exemple, le «Gorgui» n’aurait-il pas fini d’accumuler les annuités de cette retraite qu’il ne prévoit «pas pour demain», comme en atteste ses déclarations à la presse, le 7 février dernier? Peu convaincant…
À 86 ans, au regard de ses années de service dans un pays où l’espérance de vie dépasse péniblement 60 ans, sa pension devrait être grasse. Les canapés de la présidence seraient-ils plus rembourrés et le papier toilette plus moelleux que dans le département de Kébémer? Peu convaincant…
Peut-on craindre pour son confort, quand on achète, à Ngor, un lopin de terre à 1182 milliard de francs CFA? La perte d’emprise sur les biens publics serait-elle insupportable? Peu convaincant…
La gestion des royalties du Monument de la renaissance africaine ne fut-elle pas confiée à Syndiély Wade, la propre fille du président? Orgueilleux, le premier magistrat sénégalais ne pourrait-il pas se passer des louanges que lui lancent les griots de la cour présidentielle? Peu convaincant…
En guise de flatterie, c’est une comparaison Wade/Kadhafi qui chatouille de plus en plus les oreilles du Gorgui. Le comportement actuel du président sénégalais est invalidé par ses propres déclarations d’hier, celles qui enseignaient au Guide Libyen, en 2011, qu’il fallait savoir partir à temps. Adepte des coups de théâtre, Wade cultiverait-il, par principe, l’esprit de contradiction? Peu convaincant…
Son contre-pied politique le plus singulier serait de quitter le pouvoir aujourd’hui, au moment où il se déclare certain de gagner les élections dès le premier tour. Le président sénégalais tenterait-il de finaliser la stratégie qui consisterait à mourir politiquement dans les bras d’un Karim héritier constitutionnel, vice-président ou président de l’Assemblée nationale? Peu convaincant…
La population sénégalaise, tout particulièrement dakaroise, n’a-t-elle pas plusieurs fois boudé cette hypothèse? Le Gorgui s’accroche-t-il à son trône pour marquer l’Histoire? Peine perdue, s’il continue sur cette voie. Celui qui se présente comme «le plus grand diplômé du Cap au Caire» ne finira pas, lui, immortel à l’Académie française…
Mais pourquoi diable ce diablotin octogénaire s’accroche-t-il à la présidence comme une huître à son rocher? Ne sait-il pas que l’huître finit avalée toute crue, anesthésiée par un filet de citron?
De multiples explications
Ainsi, pour comprendre l’entêtement du président sénégalais, peut-être faut-il tenter –même prudemment– de nouvelles hypothèses… À prendre avec des pincettes:
Hypothèse 1: Abdoulaye Wade -qui se défend d’être sénile- serait atteint des signes précurseurs de la maladie d’Alzheimer. C’est donc en toute sincérité qu’il oublierait au fur et à mesure les mandats présidentiels déjà effectués. La maladie viendrait au secours de la non-rétroactivité…
Hypothèse 2: Le président sénégalais aurait subi un lavage de cerveau nord-coréen lors de la construction du Monument de la Renaissance africaine dont la maîtrise d'œuvre fut assurée par la société Mansudae Oversas Projects Group. Souffrant, depuis, d’un dédoublement de la personnalité, il se prendrait pour Kim Jong Wade et n’envisagerait son départ de la présidence qu’à la transmission post-mortem du flambeau à K(ar)im Jong-un.
Hypothèse 3: Peu au fait des effets de style littéraires, le «Vieux» aurait compris que la nouvelle The Curious Case of Benjamin Button de Francis Scott Fitzgerald était une histoire vraie et non une fiction. Le personnage principal y vit sa vie à l'envers, rajeunissant à mesure que le temps passe. Le vieillard sénégalais aurait donc toute sa vie devant lui! Pour avaliser cette thèse, remarquons qu’il est très difficile de trouver des photographies d’Abdoulaye Wade jeune et chevelu…
Hypothèse 4: Le jeudi 22 avril 2010, à Abidjan, Abdoulaye Wade aurait contracté auprès de Laurent Gbagbo, le virus très rare de «l’opposant-historique-arrivé-au-pouvoir-en-2000-qui-ne-veut-plus-partir». Même si l’un est musulman et l’autre chrétien, l’un libéral et l’autre
socialiste, Wade serait devenu une sorte d’avatar de Gbagbo, son clone politique…
Hypothèse 5: Le président sénégalais ne craindrait pas les effets de l’âge car il serait un robot bionique. N’a-t-il pas la démarche mécanique de R2D2 et le crâne luisant de C-3PO, les androïdes de la série Star Wars? Son obstination à refuser l’alternance ne serait qu’un bug dans le programme de son cerveau de polytétrafluoroéthylène…
Hypothèse 6: S’il semble échapper à toute raison humaine, c’est qu’Abdoulaye Wade serait un extra-terrestre (voir illustration). Remarquons son cou ridé quasi-télescopique et ses arcades sourcilières proéminentes. La saisissante ressemblance physique avec le E.T. du film de Steven Spielberg laisse penser que l’un et l’autre viendraient de la même galaxie. Comme E.T., Wade serait venu en mission d’exploration à bord d’un vaisseau spatial. Abandonné, par mégarde, par ses congénères, il aurait vu la Téranga devenir sa porte du non-retour. Contrairement au personnage du film, Abdoulaye se serait bien acclimaté à son nouvel environnement. E.T. cherchait à retrouver les siens par tous les moyens. «A.W.», par tous les moyens, joue le jeu du «Moi pas bouger»…
Une autre version de cette hypothèse évoque l’idée qu’Abdoulaye Wade ne serait pas lui-même un extra-terrestre. Il serait plutôt possédé par un alien vicieux et invincible dénommé «ivresse du pouvoir»… Ak ak ak akak, Wade attacks!

Damien Glez

© Copyright Slate Afrique

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