mardi 14 février 2012

CAN-2012: Des gens biens, ces Zambiens

(L'Express 14/02/2012)
« 0-0 ap, 8 tab à 7 ». Déroutante pour le non-initié, cette formule cabalistique rend sèchement compte de la victoire inattendue hier dimanche de la Zambie sur la Côte d’Ivoire, lors de la finale de la CAN-2012. Traduction à l’attention des mécréants: match nul et vierge au terme des prolongations ; huit tirs au but à sept en faveur des Chipolopolos -les Boulets de cuivre-, verdict de l’épreuve couperet des pénaltys. Mais l’étrange code alphanumérique raconte en creux l’apothéose d’une épopée magique : la résurrection de l’équipe anéantie.
Le 27 avril 1993, le vieil avion militaire censé convoyer la sélection zambienne au Sénégal s’abîme en bord de mer, non loin de l’aéroport de Libreville. Trente tués, dont 18 joueurs. Et un seul rescapé, Kalusha Bwalya, qui, en provenance d’Europe, devait rallier Dakar par un autre vol. Légende vivante -et survivante- du crash, le miraculé préside aujourd’hui la Fédération nationale de football. Et c’est dans la capitale gabonaise, là où avaient péri les aînés près de deux décennies auparavant, que Christopher Katongo, élu meilleur joueur de la finale comme du tournoi, et ses coéquipiers, arracheront au bout du suspense le trophée continental. Trois jours après avoir rendu aux disparus un hommage poignant, déposant sur la grève qui fut leur linceul de longues fleurs aux couleurs vives. In memoriam.
Dire que jusqu’à ce dimanche de grâce, « Chris », aujourd’hui attaquant au sein du Onze chinois de Henan Jinye, n’avait cueilli d’autre trophée que la Coupe du Danemark, conquise alors dans les rangs de Brondby. A l’évidence, le dénouement de cette CAN s’apparente aussi à une fable, morale comprise : Le Renard et les Eléphants. Les pachydermes ivoiriens, favoris terrassés, non par le goupil de La Fontaine, mais par la maestria tactique et la force d’âme d’Hervé Renard, sélectionneur français de ces Boulets si véloces. Qui sait que ce play-boy aux chemises immaculées et à la longue tignasse claire commença sa carrière d’entraîneur à Draguignan, en CFA2, soit la cinquième division hexagonale ? En ce temps-là, le futur « sorcier blond » bossait dans une petite entreprise de nettoyage, se levant cinq jours sur sept à 3H00 du matin pour curer des parties communes d’immeubles et sortir les poubelles. « Cette victoire, a-t-il sobrement commenté au soir du triomphe, c’est un signe du destin. C’était écrit quelque part. » Au moins sur le sable d’une plage gabonaise.

par
Vincent Hugeux

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